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Les métamorphoses de la GRH

Enquête | publié le : 26.08.2008 |

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Les métamorphoses de la GRH

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En quelques années, une succession de réformes ont beaucoup assoupli la façon de gérer les fonctionnaires. Résultat : la boîte à outils des DRH du public est aujourd'hui très comparable à celle de leurs collègues du privé. Et la fonction RH prend un poids plus important, surtout dans un contexte tendu de restructurations et de réductions d'effectifs.

En novembre 2005, le ministre de la Fonction publique d'alors, Christian Jacob, présentait les objectifs du gouvernement en matière de modernisation de la gestion des ressources humaines de l'Etat. Au programme : développement de la GPEEC (gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences), renforcement de la déconcentration, fusion de corps et promotion de la mobilité, adaptation des procédures de recrutement, amélioration de la gestion des carrières et de la gestion des rémunérations.

Moins de trois ans plus tard, des chantiers ont été ouverts sur tous ces sujets dans l'ensemble de l'administration. Et surtout, les DRH ont, à présent, les moyens d'atteindre les objectifs fixés.

Un verrou a sauté : celui de la pérennité des corps. On le sait, les fonctionnaires sont recrutés et gérés dans un corps avec un statut, des attributions et une grille de rémunération précis. Mais la multiplication de ces corps, au fil des ans, est devenue une source de rigidité dans la gestion des RH. Un mouvement de fusion des corps sans précédent s'est donc produit : de 900 en 2005, les corps sont passés à 700 en 2006 et à 500 en 2008. Mouvement qui devrait encore s'accélérer si les préconisations du Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique (1) sont suivies : fusionner tous les corps et aboutir à une cinquantaine de «cadres statutaires d'emploi», répartis en grandes filières professionnelles (administration, finances, social, éducation, technique, etc.) sur le modèle de la fonction publique territoriale.

Mobilité interministérielle

Présentée comme un moyen de faciliter la mobilité interministérielle et de professionnaliser les parcours, cette réforme est aussi, pour l'administration, un moyen de reprendre la main dans la GRH, comme l'explique Gilles Jeannot, chercheur au Latts (lire entretien p.27) : « Cette remise en cause des corps doit être comprise dans une stratégie de déplacement des rapports de force entre directions et syndicats. Selon un rapport du Conseil d'Etat, qui préconise les fusions (2), le fait que les décisions soient toutes prises par corps a, en particulier, soutenu un syndicalisme organisé autour de la défense de chacun d'eux. Cela se traduit alors par un accord dans les commissions administratives paritaires (qui donnent leur avis sur les mutations et promotions des personnels, NDLR) pour privilégier les membres du corps dans la promotion de grade sur ceux qui viennent d'arriver en détachement et qui doivent attendre leur tour. »

Répertoire des métiers

Parallèlement à ce mouvement de fusion, un répertoire interministériel des métiers de l'Etat (Rime) a vu le jour en 2006. Les 2,5 millions d'agents de la FPE y sont recensés en 230 «emplois-types». Pour la première fois, apparaît une vision transversale des métiers ainsi que des filières professionnelles bien identifiées. Objectif : favoriser une gestion dynamique des ressources humaines en identifiant les emplois communs entre ministères et gérer la mobilité.

Depuis, certains ministères ont retravaillé leurs référentiels métiers à partir du Rime (lire p.23) afin de mettre en oeuvre leur plan de GPEEC. Et, pour mieux gérer les carrières, la loi du 2 février 2007 sur la modernisation de la formation professionnelle donne de nouveaux outils aux DRH : RAEP (reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle, équivalent de la VAE dans le privé), DIF. En 2008, nouveau coup d'accélérateur et nouvelles mesures, prises, cette fois, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques (RGPP). Un rapport sur le contenu des concours est demandé à deux inspecteurs généraux de l'administration, Corinne Desforges et Jean-Guy Chalvron. Ils préconisent une professionnalisation du contenu des concours, mais aussi des structures administratives chargées du recrutement (valorisation de la fonction recrutement, professionnalisation des jurys).

Mieux communiquer sur les concours

Chaque ministère devra progressivement réformer ses concours. Certains ministères, tel l'Economie et les Finances, sont précurseurs et ont déjà revu leurs épreuves (lire p.24).

L'Etat, premier employeur de France, est aussi le premier recruteur, avec 35 000 à 40 000 nouveaux embauchés par an. Pour mieux communiquer sur les concours, la DGAFP prépare un site Internet dédié, qui devrait voir le jour d'ici à la fin 2009. Il présentera l'ensemble des métiers de la fonction publique avec leurs filières de recrutement.

Possibilités d'adaptation

Enfin, au printemps 2008, un projet de loi «relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique» pousse encore plus loin les possibilités d'adaptation des RH avec, notamment, le recours à l'intérim et le placement des agents en «réorientation professionnelle» si leur emploi est supprimé. S'il refuse successivement trois postes, l'agent sera mis en disponibilité d'office (sans traitement). La première mouture du texte prévoyait même la mise en disponibilité d'office au bout de deux ans sans affectation. Il a été amendé sous la pression des organisations syndicales.

Dans l'attente de l'adoption du texte par le Parlement, une série de décrets, pris en avril, créent des primes à la mobilité et une bourse interministérielle de l'emploi public sur Internet <www.biep.gouv.fr> a été lancée en juin pour développer la mobilité des agents.

Des DRH fin prêts

« Les DRH des ministères disposent, aujourd'hui, de la boîte à outils complète pour faciliter et valoriser la mobilité et les parcours professionnels : outils juridiques et indemnitaires, outils de formation et d'accompagnement méthodologique (conseil en carrière, bourse d'emplois) », résume Paul Peny, directeur général de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). Ils ont aussi la certitude qu'il y a maintenant un pilote dans l'avion, rôle endossé par la DGAFP.

Depuis 2006, un dialogue de gestion s'est instauré entre les DRH (ou les secrétaires généraux) des ministères et la DGAFP à travers des conférences de GPRH. Pendant quatre heures, l'état-major d'un ministère et celui de la DGAFP passent tous les dossiers RH en revue, en présence d'un représentant du ministère du budget. « Ces conférences sont désormais un standard de gestion. Elles ne sont pas un lieu pour trancher, mais pour identifier les chantiers propres à chaque ministère, nous assurer que le ministère a bien enregistré les commandes politiques du moment et dresser la feuille de route ensemble pour les mois suivants », indique Paul Peny. A ces conférences s'ajoutent quelques séminaires interministériels sur des thématiques RH en cours, là encore animés par le DGAFP.

Valorisation des bonnes pratiques

Produit dérivé de ce dialogue de gestion : la valorisation des bonnes pratiques et des retours d'expériences que diffuse chaque année la DGAFP. Pour préparer les conférences de GPRH, chaque ministère élabore un schéma stratégique de GRH qui passe en revue le pilotage de la GRH, le partage des responsabilités entre les acteurs, les différents éléments de la politique RH (recrutement, formation, rémunération, etc). « Cet exercice nous oblige à nous projeter dans l'avenir et à formaliser des orientations que nous avions juste pressenties. Ce dialogue de gestion est important car nous passons d'une gestion administrative de carrière à une véritable gestion stratégique des RH », indique Ghislaine Matringe, directrice de l'encadrement (200 000 personnes) au ministère de l'Education nationale.

Restructurations

Très apprécié par les DRH en 2006 et 2007, ce temps de dialogue s'est singulièrement compliqué en 2008 avec l'irruption des objectifs de la RGPP : non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat, création d'agences... Comme leurs collègues du privé dans les années 1990, les DRH du public se retrouvent confrontés aux restructurations massives. Du coup, la fonction prend un poids qu'elle n'avait pas encore. « Jamais on n'a autant mis la GRH au premier plan que depuis ces temps derniers, observe Paul Peny. La mise en oeuvre des plans de RGPP des administrations dépend souvent de la démarche RH qui leur est associée. La fonction RH est de plus en plus repérée par les décideurs politiques comme un facteur clé et, de fait, monte en puissance. »

(1) Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique. Faire des services publics et de la fonction publique des atouts pour la France, ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, Jean-Ludovic Silicani, La Documentation française, avril 2008.

(2) Conseil d'Etat, rapport public 2003. Perspectives pour la fonction publique, Etudes et documents du Conseil d'Etat, n° 54, la Documentation française, 2004.

L'essentiel

1 Le mouvement de modernisation des RH dans la fonction publique connaît, depuis trois ans, une accélération. Les outils à disposition des DRH du secteur public tendent à se rapprocher de ceux du privé.

2 La GRH de la fonction publique a maintenant un pilote bien identifié : la direction générale de l'administration et de la fonction publique.

3 La fonction RH, au centre de la politique de réduction d'effectifs, monte en puissance.

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