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Pourquoi un coaching du middle management ?

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 26.08.2008 |

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Pourquoi un coaching du middle management ?

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A l'origine réservé aux cadres dirigeants, le coaching gagne, aujourd'hui, les rangs du middle management. Cet outil s'inscrit dans un rapport individualisé à l'entreprise. Et permet, parfois, d'échapper à une remise en cause de l'organisation.

E & C : Plus qu'une mode, le coaching semble, aujourd'hui, une vague de fond du discours managérial. Pouvez-vous nous en rappeler le contexte ?

Pauline Fatien : Les mutations socio-économiques ont rendu obsolètes les modèles de management conçus pour des contextes stables et fermés. La notion de savoir-être est apparue avec le développement de la logique client, qui a accompagné la montée du secteur des services. Dès lors, la capacité de faire appel à sa subjectivité et à sa réflexivité est devenue essentielle. Si la subjectivité porte sur l'appel au sujet, la réflexivité correspond au fait de se poser soi-même, consciemment, comme l'objet de certaines pratiques visant à contrôler son stress, à réduire ses émotions, à mieux communiquer avec les autres. La qualité de l'individu au travail est alors présentée comme tributaire de la relation de l'individu à lui-même et à son environnement. Le coaching, pratique d'accompagnement psychologique ou comportemental de l'individu dans un contexte professionnel, tend à optimiser ce «compromis subjectif» entre l'individu et l'entreprise : l'un, le salarié, donnant de soi, tandis que l'autre, l'entreprise, favorise son développement personnel et professionnel en lui offrant le lieu d'une mise en perspective de lui-même et de ses choix. Dans un premier temps, il semble que ce compromis ait permis aux entreprises d'accroître et de mobiliser la performance de leurs équipes dirigeantes. Elle tend, aujourd'hui, à se diffuser vers le middle management.

E & C : Pourquoi une telle démocratisationdu coaching ?

P. F. : Le coaching représentait une solution de soutien de la subjectivité dans des situations stratégiques où le dirigeant pouvait se retrouver seul face aux collectifs salariés et aux actionnaires. Il lui permettait d'optimiser ses choix et sa performance dans des situations de stress et de responsabilité forts. Le coaching était parfois envisagé comme une alternative à la formation, c'est-à-dire qu'il s'inscrivait dans une problématique compétence. Avec le passage au middle management, il reste un outil qui s'inscrit dans un rapport individualisé à l'entreprise. L'objectif visé est toujours l'amélioration de la performance, voire de la compétence individuelle : le fameux «savoir-être», indispensable au développement de la logique client. Cependant, d'autres enjeux apparaissent, notamment des enjeux organisationnels. Là où le n + 1 ne sait pas ou n'a pas le temps de remplir toutes ses fonctions managériales, notamment d'évaluation et de développement de ses collaborateurs, cette mission est parfois déléguée à un coach dans une relation de «sous-traitance». Le supérieur peut alors se consacrer pleinement à la dimension opérationnelle, sur laquelle on l'évalue in fine, tandis que le coach assure une double fonction de médiation en étant à la fois le messager de la direction auprès du salarié et celui du salarié auprès de la direction. Le coaching peut désormais revêtir des aspects qu'il n'avait pas précédemment. Là où il concernait les meilleurs, il peut parfois apparaître comme une solution pour les «bras cassés», supposés incapables de gérer leurs missions d'encadrement. On peut même assister à l'apparition d'un coaching prescrit, où une solution personnelle vient répondre à un problème d'ordre organisationnel, voire permet de faire l'impasse d'une remise en cause organisationnelle. C'est le cas, par exemple, quand ce qui est demandé à un cadre est, en fait, mission impossible puisqu'il ne dispose pas des moyens concrets qui lui permettraient de la réaliser.

E & C : Cette extension de la solution coaching change-t-elle ses enjeux ?

P. F. : La question demeure de savoir à qui bénéficie vraiment le coaching, et les cas de figure sont sans doute très variés. Ce que l'on peut dire, c'est que le coaching s'inscrit dans cette logique gagnant-gagnant popularisée par la littérature managériale. Il semble représenter une situation acceptable de compromis, dans la mesure où tout le monde y trouve son compte : l'entreprise et le salarié. Si la performance économique peut être corrélée à davantage de liberté et d'autonomie pour le salarié, alors un cercle vertueux peut exister puisque les intérêts de l'entreprise et ceux du salarié deviennent convergents. Cependant, concevoir l'organisation comme une entité partenaire à un investissement de soi transforme la nature des rapports à l'organisation et signe l'essor d'un pouvoir que Michel Foucault qualifiait de «pastoral», en référence à l'image du berger chargé d'assurer le salut du troupeau par sa bienveillance. Le coaching du middle management réactualise le débat sur la question de savoir si cette aide individuelle que représente le coaching participe d'un processus de reconnaissance de l'individu et de ses aspirations, ou d'une sujétion à l'organisation en suscitant l'intériorisation des normes organisationnelles et la maximisation des efforts individuels dans le travail.

PARCOURS

Pauline Fatien est doctorante (Ater) en GRH à l'université de Lyon-3.

Elle termine une thèse sur l'intérêt du recours au coaching individuel en entreprise, à HEC Paris.

Elle est l'auteure d'articles, notamment sur les nouvelles règles du «je», paru dans l'ouvrage Comprendre et organiser : quels apports des sciences humaines et sociales ? (L'Harmattan, fév. 2008) et sur les «Apports et limites de l'instrumentation des compétences relationnelles au travail : le rôle du coaching», in Humanisme et entreprise n° 279 (2006).

LECTURES

Les managers de l'âme, Valérie Brunel, La Découverte, 2004.

Le lien d'accompagnement. Don et contrat dans les institutions sociales, éducatives et psychiatriques, Paul Fustier, Dunod, 2000.