logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les pratiques

Comment Pékin prépare ses JO

Les pratiques | publié le : 15.07.2008 |

Depuis 2001, le comité d'organisation des JO de Pékin, le Bocog, travaille sur l'événement le plus médiatique du monde. Recrutement, formation... Rien n'est laissé au hasard. Objectif : qu'ils se déroulent sans accroc.

Tout sera prêt bien avant les délais. C'est ce que les Chinois se répètent comme un mantra depuis plus d'un an, pour écarter le spectre d'Athènes. Lors des derniers Jeux d'été, le retard pris dans l'organisation avait fait mauvais genre devant les caméras du monde entier. Or, pour Pékin, peut-être plus que pour toute autre ville hôte, les Jeux doivent être une vitrine parfaite et montrer que du statut de pays en voie de développement, la Chine est passée à celui de grande puissance avec laquelle il faut compter.

Le Bocog, comité d'organisation des JO de Pékin, officie dans l'ombre pour que cet évènement se déroule sans accroc. A sa création, en décembre 2001, six mois avant que les Jeux ne soient attribués, le comité était composé d'une dizaine de personnes. A l'annonce de la sélection, il a fallu lancer des recrutements qui se sont déroulés en trois vagues, en 2002, 2004, puis 2006. « Au total, 12 000 personnes ont postulé pour 4 000 postes à pourvoir », rappelle Niu Wei, du service de communication. Le Bocog est divisé en 30 départements fonctionnels, dont le service logistique, le service cérémonies de clôture et d'ouverture, le service village olympique...

L'agenda des jeux Olympiques a été strictement défini en 2002 avec le «Programme d'action pour les JO de Beijing» : de 2002 à 2006, la mise au point des différents plans des préparatifs, plan urbanistique, plan marketing avec la naissance des «Fuwas», mascottes des JO de Beijing 2008, etc. De 2006 à 2007, définition du calendrier des épreuves sportives, achèvement de la quasi-totalité des installations olympiques, lancement du plan de billetterie, recrutement des volontaires pour le temps des compétitions. L'année 2008 devant être consacrée aux dernières mises au point. D'après les entreprises françaises qui travaillent pour Pékin 2008, le Bocog semble largement dans les temps (lire page 14).

70 000 jeunes

Pour mettre toutes les chances de son côté, Pékin parie sur sa jeunesse. En uniforme Adidas turquoise et blanc, une banane crème à la taille, ils seront 70 000 répartis sur les différentes compétitions pour accueillir le public, gérer le trafic, etc. Chen Jiani est fière de participer à cet évènement mondial : « Je veux aider mon pays, explique-t-elle, les jeux de Pékin sont un évènement très important pour l'ensemble du peuple chinois, nous les attendions depuis dix ans », assure la jeune étudiante en droit. La sélection a été drastique. Les hôtesses qui officieront lors des cérémonies d'ouverture et de clôture et aux remises des médailles devront mesurer entre 1 m 68 et 1 m 78 (la moyenne nationale tourne autour de 1 m 58), « elles seront grandes, belles, minces et bien dans leur peau », a déclaré Zhao Dongming, un responsable du protocole.

Pour les autres volontaires, « le courage et la motivation sont les critères principaux, car ce sera un travail fatigant qui durera souvent jusque tard dans la nuit », explique Zhang Xiao, sélectionneur des volontaires de Shanghai. Dans la capitale économique, qui accueille les épreuves de football, plus de 40 000 Shanghaiens ont déposé leur candidature ; 1 100 ont finalement été retenus après un examen écrit en chinois et en anglais, puis un entretien collectif. Les heureux élus sont à 90 % des étudiants « plus faciles à gérer », selon Zhang Xiao, et qui profitent de l'occasion pour faire leurs heures. Depuis 2006, en effet, les étudiants sont obligés d'effectuer au moins 40 heures de bénévolat par an.

Cours d'anglais

Pékin soigne aussi la formation du personnel olympique. Le géant des cours de langues English First a, par exemple, appris l'anglais à l'équipe du Bocog, aux traducteurs ainsi qu'aux juges sportifs. A raison de 360 heures de cours, ils ont passé trois niveaux en dix semaines, « c'est un rythme extrêmement soutenu, nos élèves étaient ravis. C'est un formidable tremplin pour leur carrière », estime Ming Chen, la responsable Chine d'English First.

Les volontaires, qui représenteront l'image de la Chine, devront, eux aussi, être irréprochables. Le bureau des volontaires de Shanghai a, ainsi, prévu trois sessions de formation.

La première, en mars, enseignait aux Shanghaiens sélectionnés les bases du secourisme, la politesse, la discipline du service, et les différences interculturelles pour ne pas choquer ou être choqués par les étrangers qui assisteront aux Jeux.

En mai, tous les volontaires ont suivi une rapide mise à niveau sur l'histoire et la culture chinoises. La ligue de la jeunesse communiste, qui gère les volontaires, ne peut pas permettre d'erreur culturelle ou politique.

En juillet, enfin, il y aura une ultime répétition sur le site du stade de football.

Travailler pour les JO de Pékin : les entreprises françaises témoignent

Les cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux sont les plus grands spectacles du monde. Cocorico, à côté du cinéaste chinois Zhang Yimou, l'un des créateurs de ces shows, qui promettent d'être grandioses, est français. Il s'agit d'Yves Pépin, créateur d'ECA2, qui avait déjà participé à la conception des cérémonies des jeux paralympiques d'Athènes.

Comité d'organisation tout-puissant

C'est une grande fierté pour Yves Pépin. Car signer un contrat avec le comité d'organisation chinois n'est pas une mince affaire. La Mission économique de Pékin dénombre une douzaine de sociétés tricolores (1). « Le Bocog a initié une consultation très large en 2005, raconte-t-il. Dix-huit mois après, ECA2 avait passé deux tours de sélection, quand le comité a finalement décidé de ne choisir aucune équipe constituée mais de créer son équipe de création idéale, en quelque sorte. » C'est une constante, le Bocog dicte ses conditions. Si Yves Pépin semble plutôt heureux de collaborer avec de telles pointures, tous les revirements du Bocog n'ont pas été aussi bien accueillis par tous. Ainsi, la société Hydrostadium, filiale d'EDF, après avoir participé à la conception du stade d'eau vive, devait aussi avoir un rôle d'assistant sur le chantier, mais le Bocog a préféré se passer de ses services. Cette volonté de tout faire à domicile, le directeur Chine de GL Event, Ricky Wong, l'a aussi constatée : « Les Chinois font encore appel à des étrangers quand il leur manque les compétences ou l'expérience, mais ils essaient au maximum de se débrouiller seuls », explique celui qui gère les installations des épreuves d'équitation à Hong Kong.

De manière générale, les fournisseurs français sont impressionnés par le niveau de professionnalisme du comité et l'avancée des différents chantiers. « Nous communiquons surtout sur ce contrat en interne. Gerflor a participé à tous les Jeux depuis 1976, cela forge la culture de notre entreprise et renforce la fierté d'appartenance de nos salariés, même si les sols sportifs ne représentent que 10 % de notre chiffre, explique Arnaud Challande, de la société Gerflor, qui fournit les sols des terrains de volley et de tennis de table. Notre présence aux JO de Pékin sera aussi l'occasion de nous développer sur le marché chinois et asiatique. » Pour les quelques entreprises françaises qui ont décroché une médaille olympique, les contrats sont souvent plus profitables comme vecteurs d'image, notamment sur le marché chinois, que financièrement.

Embauche des enfants

En juin dernier, l'organisation internationale Playfair Alliance révélait que des sous-traitants qui fabriquaient les produits dérivés des JO employaient des enfants ou avaient des pratiques contraires au droit chinois et aux normes internationales définies par l'OIT(2). L'enquête de Playfair a montré que l'entreprise de papeterie Lekit, qui produisait cinq millions de calepins par mois avec l'image des Fuwa, les mascottes des JO, avait embauché une vingtaine d'enfants de moins de 16 ans travaillant plus de quatorze heures par jour. Le Bocog a été obligé de constater les non-conformités et a sévi : Lekit a perdu sa licence, les trois autres entreprises mises en cause ont vu leur licence suspendue jusqu'à ce qu'elles remédient aux différents abus.

La Playfair Alliance, qui regroupe la Confédération syndicale internationale (CSI), l'ONG anglo-saxonne Oxfam et le réseau Clean Clothes, milite depuis 2003 pour attirer l'attention sur le sort des travailleurs dans les secteurs vêtements et chaussures de sport à l'approche des JO. Christine Blum, responsable des campagnes à la CSI, ne comprend pas que le comité international olympique tergiverse tant : « Suite à cette affaire, nous avons rencontré le CIO plusieurs fois, il a laissé entendre que ces questions le préoccupaient, mais il propose très peu d'actions concrètes. Peut-être l'éthique des filières d'approvisionnement sera-t-elle prise en compte dans la sélection de la ville organisatrice des JO de 2016 ? » Les Jeux de Vancouver, de Londres et de Sochi, qui se dérouleront au cours des huit prochaines années, ne seront pas concernés.

E. T.

(1) Dont : Drickx (clôtures d'autoroute), Atos Origin (services en ligne), Tarkett (fabricant de sols), Bretagne Nautisme (bateaux), Gras Savoye (assurances).

(2) Lire Entreprise & Carrières n° 914.

L'essentiel

1 L'agenda des JO a été défini dès 2002 : recrutement de 70 000 jeunes, formation du personnel olympique, notamment à l'anglais.

2 Depuis 2006, les étudiants sont obligés d'effectuer au moins 40 heures de bénévolat par an.

3 Une douzaine d'entreprises tricolores travaillent pour l'événement : des contrats souvent profitables en termes d'image sur le marché chinois.