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Enquête

Kronenbourg ne met pas ses acquis sociaux en bière

Enquête | publié le : 15.07.2008 |

Le personnel de la première brasserie française a su défendre les volets les plus avantageux de la politique RH au gré des restructurations et des changements de propriétaire.

Ses deux marques emblématiques les situent dans le temps et l'espace : «1664» comme leur année de fondation, «Kronenbourg» comme le nom du quartier de Strasbourg (qui s'écrit en réalité avec un C) où elles siègent. Les Brasseries Kronenbourg (1) attachent leur nom à l'Alsace comme au marché de la bière en France, dont elles constituent le leader devant le hollandais Heineken. Mais cette position leur fait subir de plein fouet le long déclin des ventes dans l'Hexagone, déjà peu consommateur (34 litres par habitant/an contre 90 en Allemagne et en Angleterre). La bière perd 1 % par an depuis vingt ans, et son recul dépasse 5 % à fin mai. Autant dire que l'été sera crucial, une fois de plus.

Gestion patriarcale

A coup de cessions d'actifs et de réductions de production, les effectifs de cette entreprise, qui applique la convention collective «bière-boissons rafraîchissantes-eaux minérales», sont passés de 2 000 à 1 300 en huit ans. Mais ce début de siècle a surtout été marqué par la valse des propriétaires. Danone, qui avait repris l'entreprise à sa famille fondatrice, l'a vendue, en 2000, au brasseur britannique Scottish & Newcastle, qui l'a cédée, le 30 avril dernier, au danois Carlsberg. A chaque changement de propriétaire, les syndicats ont bataillé pour maintenir les acquis sociaux plutôt généreux hérités de la gestion patriarcale. Avec succès.

Intéressement

En même temps qu'il reprenait les Brasseries Kronenbourg, Carslberg a signé à son tour une lettre d'engagement. La préservation concerne, en premier lieu, l'intéressement et la participation. Adoptés dès 1972, renégociés sept fois, mais dans des conditions toujours supérieures au minimum légal, ils représentent l'équivalent de deux à trois mois de salaire aujourd'hui, après des pointes à 40 % du revenu annuel à la fin des années 1990.

Second cheval de bataille, les 35 heures, en vigueur depuis 1983, le resteront. Face à l'activité saisonnière, le régime maison prévoit une modulation de 24 à 44 heures par semaine dans l'usine, située à Obernai (Bas-Rhin). Le total annuel de 1 554 heures pour les ouvriers est minoré de sept heures à partir de dix ans d'ancienneté. Le temps de pause est rémunéré et un relèvement du quota d'heures supplémentaires a été négocié juste avant la reprise par Carlsberg. La brasserie dispose également d'une mutuelle complémentaire.

Les syndicats demeurent méfiants. « Carlsberg n'a pas fait trop de difficultés, mais son engagement est avant tout moral. Il suppose une confirmation dans les accords d'entreprise », estime André Thillard, délégué CGT. « Attention au risque de chantage sur un statut moins favorable des nouveaux embauchés », renchérit Eric Scheidecker, secrétaire (CFDT) du CCE. La baisse des ventes et l'objectif de hausse de rentabilité laissent planer le spectre de suppressions d'emploi, selon les représentants du personnel.

Le souci de continuité RH se lit aussi dans les mesures qui accompagnent la cession de sites et de filiales. Les salariés d'Elidis, la société de distribution en cafés-hôtels-restaurants vendue ce printemps, bénéficieront d'un «PSE Kronenbourg» dans le cas, probable, où leur repreneur taillerait dans les effectifs. « Les conditions sont un peu moins bonnes que celles que nos personnels ont obtenues par le passé, mais certainement meilleures que celles qu'aurait proposé le repreneur », estime Eric Scheidecker. En 2006, la cession de la brasserie de Champigneulles, près de Nancy (190 personnes), a été gérée sans casse sociale par la reprise sur place de près de la moitié du personnel, quelques mesures d'âge et la mutation vers Obernai avec possibilité de rétractation (2) dans les douze mois, qu'ont utilisée un quart de la centaine de personnes concernées.

Rajeunissement des effectifs

Si elles affrontent de nombreuses incertitudes, les Brasseries Kronenbourg n'en pensent pas moins à préserver l'avenir, par le rajeunissement de leur pyramide des âges. La question devient urgente : « Six salariés d'Obernai sur dix ont plus de 50 ans », relève la direction. Sa réponse prend la forme, depuis cet automne, d'un bac pro «Pilotage de systèmes de production automatisée». De cette formation en alternance dans un lycée d'Obernai, la brasserie voisine constitue à la fois la coproductrice de contenu et la pourvoyeuse de débouchés. C'est elle qui accueille en contrat de qualification l'ensemble des 12 élèves de la première promotion. Elle fera de même pour celle de la rentrée, ce qui portera à 38 le nombre de jeunes en alternance chez elle.

Brasseries Kronenbourg

• Activité : brasserie. Principales marques : Kronenbourg, 1664, Grimbergen, Kanterbrau.

• Effectifs : 1 300 salariés.

• Chiffre d'affaires 2007 : 855 millions d'euros.

(1) Brasseries Kronenbourg est la raison sociale. Kronenbourg, tout court, est une marque parmi d'autres.

(2) Les personnes mutées avaient droit à une sorte de période probatoire, durant laquelle elles pouvaient décider, finalement, de ne pas aller à Obernai. Elles étaient alors licenciées, bénéficiant des mesures d'accompagnement du PSE.

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