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Moi je

Enjeux | Chronique de Meryem Le Saget | publié le : 15.07.2008 |

« Les leaders les plus efficaces, disait Peter Drucker, grand gourou du management, semblent ne jamais dire «je». Non qu'ils se soient entraînés à éviter ce terme, ils ne pensent pas «je». Ils pensent «nous» ; ils raisonnent «équipe». Ils comprennent que leur job est de faire en sorte que l'équipe fonctionne. Ils assument pleinement cette responsabilité, mais c'est le «nous» qui reçoit le crédit de ce qui est accompli. C'est cela qui construit la confiance et permet de déplacer les montagnes » (*). A voir les exemples de management les plus courants en entreprise, il y a de quoi s'interroger...

D'abord, il y a les managers qui regrettent le temps d'avant, celui des grands capitaines d'industrie qui décidaient tout, celui où le chef donnait son avis et les collaborateurs appliquaient. Ceux-là rêvent encore de décider seuls, ce serait tellement plus simple et confortable ! Bien sûr, leur style fait un peu «ancienne école» : autoritaire, sûr de soi, entêté parfois. Mais, dans le flou actuel, ils séduisent encore ceux qui attendent de vrais chefs. Leur risque ? Ne pas voir l'ampleur des évolutions sociétales en cours. Penser que les bonnes vieilles méthodes, qui leur ont fait atteindre le poste où ils se trouvent, peuvent encore fonctionner. La réalité est pourtant toute autre : nous sommes à l'aube d'un retournement majeur de société.

Ensuite, viennent ceux qui détestent décider à plusieurs. Ils affutent leurs arguments : lenteur des décisions, responsabilités noyées, poids du consensus mou... Plutôt que cet enlisement qui nuit à l'entreprise, ils préfèrent choisir la vivacité de la décision unique. «Moi je» entre en scène avec détermination. L'attitude est louable, mais elle traduit surtout une méconnaissance profonde des méthodes de décision de groupe.

Les adeptes du «moi je» rassemblent également bon nombre d'individualistes qui ont développé l'habitude de raisonner en priorité dans leur intérêt : « Moi, personnellement et en ce qui me concerne, je.... » Ceux-là ont totalement oublié qu'ils ont des collaborateurs autour d'eux et d'autres avis à prendre en compte. Ne vous méprenez pas, ils peuvent être très gentils et tout souriants, mais quand il s'agit de se mettre d'accord en équipe, ils vous sortent tranquillement : « On ne peut pas décider cela, moi, ça ne m'arrange pas du tout. » A force de se centrer sur eux, ils ont complètement «zappé» la dimension collective.

Et puis, il y a les générations montantes, qui n'ont pas encore beaucoup pratiqué l'entreprise. Etudiants, ils ont appris à s'exprimer, à défendre leur point de vue, à être originaux. « Soyez assertifs », leur disait-on. Ils croient donc approprié de se démarquer, se confronter, faire valoir leur différence. Le «je» leur est souvent plus familier que le «nous». Question de temps, question d'ajustement à un univers professionnel qui leur demandera d'être teamplayer plutôt que champion solitaire. Mais saurons-nous leur montrer des modèles de leaders qui disent «nous», en mettant l'intérêt collectif au coeur de leurs valeurs et de leur action ? Ouvons les yeux : le «moi je» est dépassé, il asphyxie l'atmosphère de la planète. Il est temps de faire de la place à un leadership plus efficace.

Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. <lesagetconseil@wanadoo.fr>

(*) Peter Drucker, The Daily Drucker, HarperBusiness.

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