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Le casse-tête chinois

Enquête | publié le : 01.07.2008 |

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Le casse-tête chinois

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Les audits sociaux constituent un pas en avant dans la perception par les entreprises des conditions de travail chez leurs sous-traitants. Mais, en Chine, les soupçons de fraude généralisée jettent un voile sur cette pratique.

«Les relevés des pointeuses confirmaient les dires des managers et des employés ; le nombre d'heures travaillées ne semblait pas dépasser les limites légales. Oui, mais le registre des pièces de rechange indiquait qu'une couturière avait demandé une aiguille à une heure où elle était censée dormir. Réinterrogés, les managers ont craqué », raconte un auditeur social, qui préfère rester anonyme, à propos de sa dernière visite d'usine dans le Guangdong.

Les audits sociaux mobilisent, en général, deux à trois personnes pendant une dizaine de jours, dont deux sur site, pour vérifier les conditions de travail. Ils sont réalisés par des entreprises ou des ONG indépendantes en référence à une charte ou à un code de conduite interne ou à des standards internationaux, notamment le SA 8000.

Un travail difficile

Très efficace sur les chapitres hygiène et sécurité, le travail des auditeurs est difficile quand il s'agit de vérifier les aspects non visibles (durée du travail, discrimination), d'autant que, selon les ONG chinoises, avec la multiplication de ces contrôles, les employés sont de plus en plus formés à la dissimulation. Dans le petit monde de la RSE, ces audits, jugés sans moyens, inefficaces, voire malhonnêtes, ont souvent mauvaise presse.

En réponse, un label a été créé pour accréditer les auditeurs sociaux. A ce jour, 18 organismes de vérification sont labellisés. Chez Asia Inspection, une entreprise qui propose audits sociaux et contrôles qualité en Asie, on limite les risques de corruption en faisant pratiquer les audits à 80 % par des étrangers.

Mutualisation des audits

Autre solution, beaucoup d'entreprises mutualisent leurs audits pour y consacrer des moyens plus importants. De grands donneurs d'ordres ont aussi mis en place des méthodes alternatives. Nike a, ainsi, installé des procédures permettant aux employés d'exprimer leurs griefs dans les 124 usines chinoises qui produisent pour sa marque, notamment en fournissant des enveloppes prétimbrées et en créant une ligne téléphonique gratuite reliée à une cellule d'inspecteurs. Les professionnels comme Sébastien Breteau, le directeur d'Asia Inspection, s'inquiètent de la « pléthore de normes » qui rendent difficile leur application par des directions bien intentionnées. Dans les usines chinoises, on blague : « Savez-vous combien de crochets il faut pour attacher un extincteur ? Autant que de clients. »

Les audits sociaux font aussi face à une accusation plus fondamentale : ils instaureraient de mauvaises relations entre le client étranger et son fournisseur chinois, considéré d'office comme un criminel potentiel, bien plus que comme un partenaire. Les directeurs chinois auraient, dans ces conditions, des difficultés à s'approprier les objectifs de la RSE. Pour y remédier, la dernière génération d'audits prévoit de croiser l'inspection avec une autoévaluation qui permet au directeur d'être un acteur à part entière du processus. Il reste probablement des progrès à faire dans les procédures d'audit, mais, en matière de RSE, il semble difficile de se passer de contrôle.

Décathlon : plus de 400 «production leaders» pour la Chine

Décathlon, qui dispose de plusieurs centaines de fournisseurs en Chine, s'impose « une obligation de moyens » pour faire respecter chez eux les standards sociaux internationaux, selon l'expression de Stéphane Marchioni, directeur de la qualité.

Le poids lourd européen de la distribution de sport a, ainsi, installé dans le pays neuf bureaux dotés d'équipes internes de «production leaders». « Au nombre de 400 à 500, ils ont reçu une formation théorique, complétée par la pratique du terrain, leur permettant de mener des audits chez les sous-traitants. Habilités à prescrire et à accompagner des actions correctives chez leur fournisseur, ils peuvent garantir - au-delà du respect des coûts, délais et qualité des produits - la qualité sociale des produits, précise Stéphane Marchioni. Cette présence forte permet des visites fréquentes, à raison d'une ou deux fois par semaine, voire plus. »

Norme internationale

Le référentiel utilisé est la charte sociale du groupe établie sur la base de la norme internationale SA 8000 et des grands principes de l'OIT (Organisation internationale du travail). « Mais un production leader ne peut auditer son propre fournisseur », commente Stéphane Marchioni.

Des audits externes sont, en outre, effectués par trois cabinets indépendants, qui forment aussi les collaborateurs de Décathlon et les aident à faire progresser les techniques d'audit.

Un effort qui n'avait pourtant pas empêché le distributeur d'être épinglé par le collectif De l'Ethique sur l'étiquette à propos de la pression antisyndicale exercée en 2004 chez MSP Sportwear, un fournisseur thaïlandais travaillant aussi pour Nike.

Quant à l'usine d'assemblage de vélos détenue en propre et aux 15 magasins ouverts sur place, c'est « une obligation de résultat » en matière sociale qui s'impose à l'entreprise nordiste, insiste son directeur qualité. G. L. N.