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Les pratiques

Des coups de pouce sans réel résultat

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 17.06.2008 |

Depuis 2004, les entreprises se voient pressées par le gouvernement de mettre en place des mesures destinées à gonfler le porte-monnaie des salariés. Mais, jusqu'à présent, prises dans leur propre logique, elles se montrent réticentes.

A la pompe, l'essence est à 1,50 euro le litre. En un an (d'avril à avril), les prix des produits alimentaires ont grimpé de 5,5 %. Le gouvernement a donc imaginé un «panier» de mesures, destinées à aider les salariés. A côté de celles visant le temps de travail figurent diverses incitations pour les entreprises à donner des coups de pouce au pouvoir d'achat (loi du 8 février 2008). Ainsi, le versement d'une prime exceptionnelle de 1 000 euros brut par salarié pour les entreprises non assujetties à la participation et une possibilité de déblocage anticipé de la participation, pour les autres. Avec quelles chances réelles d'augmenter le pourvoir d'achat des salariés ?

Peu d'enthousiasme

Le bonus Villepin de 1 000 euros (en 2005) et le déblocage anticipé de la participation (loi du 9 août 2004) ont déjà été testés sans rencontrer l'enthousiasme, tout comme le chèque transport (en 2006). « L'idée de départ de ces dispositions est toujours intéressante, juge Jean-Eudes Dumesnil Dubuisson, secrétaire général de la CGPME, mais leur calibrage technocratique compliqué les fait échouer. »

Et, à regarder de près le bilan du chèque transport, la critique est justifiée. A ce jour, il n'a toujours pas pu être émis. Les négociations entre les régies de transports, les distributeurs d'essence et les émetteurs de ce titre de paiement n'aboutissant pas, car son modèle économique est jugé peu viable. De fait, il est peu réclamé par les entreprises. « Actuellement, ce qui ressort des négociations, explique Charlotte Duda, présidente de l'ANDRH, c'est une préférence pour les augmentations de salaire et l'amélioration de l'intéressement. Le chèque transport, parce qu'il ne concerne pas tout le monde, n'est pas réclamé. » Le Premier ministre a d'ailleurs annoncé, le 12 juin, sa suppression au profit d'« une aide directe, sur la fiche de paie des salariés ». Elle sera mise en oeuvre par accord dans les entreprises et le gouvernement y apportera son concours par des mesures fiscales.

En attendant, les salariés, concernés par la prime de 1 000 euros, c'est-à-dire ceux des PME, pourront-ils se rabattre sur cette dernière ? « Elle ressemble au bonus Villepin, qui n'a pas marché, regrette Jean-Eudes Dumesnil Dubuisson. Comme lui, elle est soumise à un accord d'entreprise, son défaut est qu'elle n'est pas individuelle, mais applicable à une catégorie de personnel. Ce n'est pas ce qu'on attendait. » De source confidentielle, le bonus Villepin a représenté le versement de quelques centaines de millions d'euros. Rapporté à la masse salariale distribuée, de 500 milliards d'euros par an (chiffre de fin 2006), ce bonus représente... 0,1 % de pouvoir d'achat supplémentaire.

Heures supplémentaires

Ce qui marche, en revanche, selon les interlocuteurs en entreprise, ce sont les efforts concernant les heures supplémentaires. « On ne peut distribuer que ce qu'on a : quand il y a, en contrepartie de l'argent versé, des heures travaillées ; et quand il y a volontariat, ça fonctionne, assure Jean-Eudes Dumesnil Dubuisson. On sort alors d'une logique artificielle d'intervention sur le pouvoir d'achat. »

Le déblocage de la participation, sous quelque forme que ce soit, suscite, en revanche, une certaine réprobation. Il sape les efforts de communication sur l'épargne d'entreprise, et son efficacité est jugée faible. « Les déblocages ponctuels répétés ne peuvent représenter un montant important, car l'épargne n'a pas le temps de s'accumuler, explique Ephraïm Marquer, directeur de l'Association française de la gestion financière (AGF). D'année en année, les réserves diminuent. » Avec la réputation des mesures de ce type, Natixis, principal teneur de compte français, constatait, il y a quelques semaines, à la fois le nombre important des déblocages, mais aussi la faiblesse des encours encore disponibles ; 2 500 euros ont été versés en moyenne dans ce cadre, soit deux années moyennes de participation : la dernière mesure de déblocage datait, en effet, de 2005.

« L'épargne est un outil de long terme, qui sert de moyen de financement pour l'entreprise et l'économie, ce n'est pas une manne providentielle », rappelle Pierre Havet, trésorier de l'ANDRH. Le déblocage de l'épargne est, en effet, à double tranchant. « L'épargne salariale est la roue de secours des retraites des vingt prochaines années, certifie Ephraïm Marquer, car le taux de remplacement du dernier salaire sera alors inférieur de 10 % au niveau de pension d'aujourd'hui. »

Développement de l'intéressement

Le développement de l'intéressement, dont Nicolas Sarkozy vient de lancer l'idée, parallèlement à la liberté de déblocage de la participation, lui est préféré. « Ça marchera, affirme Jean-Eudes Dumesnil Dubuisson, c'est un bon outil de motivation, non obligatoire, assorti d'un crédit d'impôt. »