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Le testing de la Halde remis en cause

L'actualité | publié le : 17.06.2008 |

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Le testing de la Halde remis en cause

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La publication d'un test de discrimination par la Halde a suscité une vive polémique. La Haute autorité a épinglé Accor Jobs, le Crédit agricole, et Mercuri Urval.

Comme son président Louis Schweitzer s'y était engagé en février, la Halde a publié, le 10 juin, les noms des entreprises ayant des pratiques discriminatoires à l'embauche. Accor Jobs, le site de recrutement d'Accor, le Crédit agricole, et Mercuri Urval ont ainsi été épinglés parmi les vingt entreprises, tirées au sort, testées par la Haute autorité : quinze entreprises du CAC 40 et cinq intermédiaires de l'emploi*. A l'issue d'un testing réalisé entre juillet et décembre 2007, il est apparu qu'Accor Jobs traitait moins bien les candidats d'origine africaine, tandis que le Crédit agricole et Mercuri Urval faisaient de même avec les candidats de plus de 45 ans. Accor et le Crédit agricole ont pourtant signé la charte de la diversité.

Les résultats des tests des dix-sept autres entreprises n'ont pas permis de constater d'écarts de traitement, ou alors ceux-ci étaient non significatifs statistiquement, a fait valoir la Halde.

La Haute autorité a eu recours à la méthode de l'audit par couple, recommandée par le BIT. En réponse à chaque offre d'emploi, sont envoyés deux ou trois CV équivalents, ne différant, par rapport au CV de référence, que sur la variable à tester, en l'espèce, l'âge et l'origine. Une différence de traitement entre les CV (convocation ou non à un entretien) permet de conclure à une discrimination. En tout, la Halde a envoyé 5 620 CV en réponse à 1 469 offres d'emploi émises par les vingt entreprises.

Un examen contradictoire des premiers résultats

Ces résultats ont immédiatement suscité des critiques de trois ordres. De la part des trois entreprises mises en cause, tout d'abord. Quoique ce testing n'ait aucune valeur juridique - pour cela, il aurait fallu que les candidats soient réels -, elles ont vivement critiqué ses résultats, en mettant en cause, notamment, le manque de professionnalisme du prestataire : la société Arirs, dirigée par Jean-François Amadieu, professeur à Paris-1 et directeur de l'Observatoire des discriminations. Ce dernier a rétorqué avoir pris « beaucoup plus de précautions que dans les enquêtes habituelles de ce genre, y compris celles du BIT ». De fait, les premiers résultats du testing ont fait l'objet d'un examen contradictoire au cours duquel les entreprises ont fait part de leurs remarques à la Halde. Cette dernière rappelle que « 929 CV qui pouvaient donner lieu à contestation légitime ont été écartés ».

Par ailleurs, des observateurs ont regretté que la Halde n'ait pas donné le détail des résultats de ses tests, et se sont émus que ceux-ci relèvent un niveau de discrimination très inférieur à celui relevé par le BIT dans un testing publié en 2007. En effet, les quelques chiffres diffusés par la Halde ne distinguent pas les entreprises épinglées des autres, ni les premières entre elles. Il en ressort que, toutes entreprises confondues, les candidats d'origine africaine ont 22,77 % de chances de moins d'être convoqués à un entretien, et ceux de plus de 45 ans, 42,17 % en moins.

Enquête du BIT

L'enquête de 2007 du BIT était moins avantageuse pour les entreprises. Elle laissait notamment apparaître que, dans 87 % des cas, les recruteurs faisaient un choix en faveur du candidat de référence avant même de l'avoir rencontré (lire Entreprise & Carrières n° 849).

Ecarts

Or, les résultats de ces deux testings ne sont pas comparables, ainsi que l'explique Eric Cédiey, chercheur-consultant à ISM Corum, qui a réalisé le testing du BIT (lire ci-contre). Sur ce point, la polémique n'a donc pas lieu d'être. En outre, « si la Halde avait publié les écarts non significatifs, on n'aurait retenu que les écarts », estime Eric Cédiey. Un choix plus discutable.

Questions à Eric Cédiey

Chercheur-consultant à ISM Corum

E & C : Le testing réalisé par la Halde fait apparaître des discriminations d'un niveau nettement inférieur à celui du testing que vous avez mené pour le compte du BIT. Cela vous surprend-il ?

E. C. : Les résultats des deux testings me semblent difficiles à comparer. Il conviendrait d'abord de vérifier que les modalités de calcul sont les mêmes. Par ailleurs, le BIT a essentiellement testé des PME, tandis que la Halde s'est intéressée à des entreprises du CAC 40. Ce serait vraiment à désespérer si ces grandes entreprises, qui ont signé des chartes et ont engagé des politiques antidiscrimination, obtenaient les mêmes résultats que des PME. Enfin, la Halde n'a testé qu'un mode de prise de contact entre le candidat et le recruteur, quand le BIT en a testé trois (par téléphone, par envoi de CV et par contact direct). Or, il apparaît que les résultats étaient très différents selon les modes de prises de contact.

E & C : La Halde a épinglé deux entreprises du CAC 40 sur les 15 testées. Faut-il en déduire que les entreprises du CAC 40 ont des pratiques discriminatoires en proportion ?

E. C. : Surtout pas ! Le résultat d'un testing n'est pas représentatif de ce qui se passe sur un ensemble plus large. Il n'obéit pas à la logique du sondage mais à celle du crash-test. De même qu'un crash-test n'est pas représentatif des accidents qui adviennent sur l'ensemble du réseau routier pendant une année, le testing n'a vocation qu'à éprouver la résistance d'un recruteur à la discrimination à un instant donné, dans une situation donnée.

D'une manière générale, un testing teste des stéréotypes, or un stéréotype n'est pas représentatif de situations réelles.

PROPOS RECUEILLIS PAR E.F.

* Les entreprises testées sont : Accor Jobs, AGF, Bouygues, Crédit agricole, Danone, EADS, France Télécom, Lafarge, Lagardère, Pernod Ricard, Sanofi, Total, Saint-Gobain, Veolia, Vinci ; et les cinq intermédiaires de l'emploi sont : Adecco, Futurestep, Mercuri Urval, Manpower et Michael Page.

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