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La soumission du pouvoir de direction à l'obligation de sécurité

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 17.06.2008 |

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La soumission du pouvoir de direction à l'obligation de sécurité

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Depuis 2002, la Cour de cassation n'a eu de cesse de consacrer l'existence d'une obligation de sécurité de résultat. Mise en exergue pour redéfinir la faute inexcusable dans le cadre de l'indemnisation des victimes d'accidents de travail et de maladies professionnelles, l'obligation de sécurité a migré du domaine du droit de la sécurité sociale vers différents secteurs du droit du travail. L'obligation de sécurité de résultat joue, désormais, en jurisprudence, un rôle renforçateur d'autres dispositifs juridiques destinés à préserver la santé des salariés, qu'il s'agisse du respect dans l'entreprise de la législation antitabac, de celle relative au harcèlement moral ou encore des règles relatives à la visite de reprise et au rôle du médecin du travail.

C'est dans ce mouvement jurisprudentiel que s'inscrit l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 5 mars 2008. La haute juridiction rappelle que « l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés ».

Cette affaire opposait le syndicat CGT de la Snecma et le CHSCT au chef d'entreprise. Ce dernier envisageait de mettre en place une nouvelle organisation du travail au sein d'un «centre énergie» classé «Seveso». La société avait consulté le CHSCT, qui avait désigné un expert avant d'émettre un avis négatif, suivi, en ce sens, par le comité d'établissement. Trois mois plus tard, l'employeur informait le personnel, par note de service, de l'application prochaine de la nouvelle organisation du travail dans le « centre énergie ».

Le syndicat CGT Snecma avait, alors, saisi le tribunal de grande instance pour que cette note soit annulée et qu'il soit fait défense à l'employeur de mettre en application les dispositions qu'elle prévoyait.

Rejetant le pourvoi de l'employeur, la Cour de cassation innove en affirmant que l'obligation de sécurité de résultat « lui impose de prendre des mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs » et qu'en cas de manquement, le juge est à même de s'opposer à la mise en oeuvre des dispositions contraires.

La haute juridiction autorise, ainsi, une nouvelle immixtion du juge dans la politique de prévention des risques dans l'entreprise. La nouveauté réside dans le fait que, pour la première fois, elle est amenée à statuer en amont de la réalisation du risque professionnel pour admettre que le juge du fond puisse faire interdiction à l'employeur de mettre en oeuvre un dispositif exposant les salariés à un risque professionnel.

Cette décision confère aux juges du fond le pouvoir de bloquer toute initiative patronale contraire aux impératifs de santé et de sécurité dans l'entreprise et privilégie la logique de prévention des risques sur une logique de pure sanction.

Elle accorde, en outre, aux représentants du personnel un moyen d'action très efficace par la saisine du juge des référés afin d'obtenir la suspension des mesures envisagées par le chef d'entreprise, dans l'attente d'une décision à rendre sur le fond.

Faut-il, pour autant, craindre une neutralisation du pouvoir de direction de l'employeur lorsque la santé et la sécurité des travailleurs sont concernées ? En l'espèce, la suspension de la réorganisation ordonnée par le juge des référés a été obtenue après un avis négatif du CHSCT. Doit-on alors en déduire que tout avis négatif de cette instance, compétente en matière de santé et de sécurité des travailleurs, est à même d'entraîner une suspension des décisions de l'employeur si les juges des référés étaient saisis ?

Une telle déduction aboutirait ni plus ni moins à accorder aux représentants du personnel, et plus particulièrement au CHSCT, un véritable droit de veto.

S'il ne fait pas de doute que la Cour de cassation a à coeur de renforcer le volet préventif de l'obligation de sécurité (voir son dernier rapport), le nouveau pouvoir accordé aux juges du fond semble limité aux mesures qui, manifestement, exposent les salariés à des risques avérés.

Rémi Dupiré, avocat, cabinet DAEM Partners, membre d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.