Nécessité fait loi. La filiale française de Marsh, société de courtage pour les grandes entreprises et pour les PME et conseil en risques d'entreprise, dont le siège social est à New York, a découvert l'externalisation de la formation professionnelle suite à un redéploiement interne. En effet, en 2005, la société doit gérer un plan social mondial et des réductions d'effectifs. Ces dernières ont eu pour conséquence d'accélérer la réflexion en cours sur une politique globale d'outsourcing de certaines fonctions supports.

En France, la paie était déjà externalisée, d'autres fonctions devaient suivre. Le service formation, constitué alors de trois personnes, sait qu'il va se réduire à un emploi. Trouver une solution d'externalisation de la formation devenait d'autant plus nécessaire. Enjeux : gérer les 20 000 heures de formation des 850 salariés (750 à La Défense et 100 en régions), dont 75 % sont des cadres. Marsh dépense 1,9 % de sa masse salariale en formation (obligation légale, plus une obligation conventionnelle de branche), mais, surtout, elle n'y inclut pas les salaires, ce qui laisse un effort net de formation non négligeable.

En avril 2006, Anne Flynn, responsable formation, se met à la recherche, sur Internet, d'un prestataire susceptible de réaliser cette externalisation, « ce qui n'avait rien d'évident, car les sociétés qui proposaient ce service n'étaient pas très connues », confie-t-elle.

Un appel d'offres est finalement lancé vers à 5 opérateurs (Cap Evolution, General Physics, Network Connaissance, Maelig et Externalis-Formation). En juillet 2006, Externalis-Formation remporte le marché. « Parce que c'est une entreprise montée par deux anciennes responsables formation, qu'elles connaissent parfaitement le métier, qu'elles m'ont donné très vite de bonnes réponses et que leur logiciel de gestion de la formation est tout à fait abouti », analyse Anne Flynn.

Précisément, l'opérateur se voit confier la gestion administrative de la formation, l'organisation et le suivi des stages, la production des pièces pour réaliser la «2483», les relations de gestion avec l'Opca (Opcassur), le Trésor public, les Fongecif. En revanche, l'analyse des besoins, le plan prévisionnel, l'arbitrage sur les choix de formation et la sélection des prestataires, ainsi que toute l'ingénierie pédagogique restent du ressort de la responsable formation de Marsh. Externalis-Formation n'a pas de délégation de paiement, toute validation de facture passe par la responsable formation : « C'est un moyen de contrôle, car le budget formation est centralisé à son niveau », assure-t-elle. Et c'est le centre de paiement financier de Marsh International Group (installé à Budapest) qui fait le versement. De même pour l'Opca de Marsh, Opcassur. La formule d'externalisation lui a été présentée et expliquée. L'opérateur monte les dossiers de demande de financement à l'Opca, mais c'est Anne Flynn qui reste le contact priviligié de ce dernier.

Externalis-Formation aide également la responsable formation à préparer la présentation des orientations formation auprès des instances représentatives du personnel, mais n'y participe pas en tant que tel. Pourtant, les salariés de Marsh connnaissent et identifient l'opérateur. En effet, il est prévu au contrat qu'Externalis-Formation détache une personne un jour par semaine pour être présent dans les locaux de Marsh, ce qui est l'occasion d'organiser des rendez-vous avec les salariés et de leur apporter aide et conseil.

« Ce rôle a été clairement explicité aux salariés, et il ne donne aucun souci, explique Anne Flynn. Ce temps de présence physique a été défini un peu au hasard au début, mais, à l'usage, nous en sommes pleinement satisfaits. » Au final, c'est l'ensemble de la formule qui satisfait Marsh. « Cette externalisation a atteint son point d'équilibre, confie Anne Flynn. Le fonctionnement en est fluide et rapide. Je ne pense pas que de grands changements interviennent, même si des ajustements sont possibles ». En termes de coût, Externalis est rémunéré via un forfait annuel calculé sur la base du nombre de salariés de Marsh, ainsi que du temps de présence hebdomadaire.

Et si c'était à refaire ? « Je n'hésiterais pas à procéder de la même manière, reconnaît Anne Flynn. D'ailleurs, je ne souhaite pas re-internaliser la gestion de la formation. Je suis pleinement convaincue des vertus de la formule. Le poids de la gestion administrative et formelle et des obligations légales est trop important et cette gestion apporte trop peu de valeur ajoutée pour continuer à être réalisée en interne. Il vaut mieux se concentrer sur la stratégie, le fondamental. J'en parle souvent à mes collègues responsables formation, et je sens bien que c'est un sujet de forte actualité. Je leur conseillerais de commencer par externaliser les fonctions les plus faibles en apport de valeur ajoutée. Une bonne dose de patience est néanmoins nécessaire, car toute formule d'externalisation implique un tâtonnement de plus ou moins grande importance. Des ajustements sont nécessaires pour que chaque partenaire trouve pleinement sa place. L'essentiel, pour l'entreprise qui externalise, c'est de rester pleinement maître de la construction des orientations politiques. »

« Prestataire d'externalisation de formation, c'est encore un nouveau métier. Mais on peut penser que beaucoup vont se positionner dessus dans les mois qui viennent. Globalement, la complexité croissante du droit et de la gestion de la formation, la montée de la dimension européenne et le peu d'embauches dans les services formation poussent au développement de l'externalisation.

Externalis-Formation emploie aujourd'hui 13 personnes, et travaille à une certification ISO 9001 pour la fin 2008. Par la suite, nous irons vers la norme ISO 14001. En 2007, notre chiffre d'affaires a été de 340 000 euros, il est de 600 000 euros à mai 2008 et est composé exclusivement de prestations d'externalisation. C'est donc qu'il y a un potentiel. Vingt et une entreprises externalisent en ce moment tout ou partie de leur formation chez nous. Une entreprise importante, guidée par un souci de consolidation qualitative et quantitative de sa politique de formation, vient de signer avec nous pour externaliser la gestion de la formation dans 17 pays européens. D'autres entreprises nous demandent d'acheter directement les prestations de formation pour elles. Le DIF commence à exploser. Les administrations françaises ne sont pas outillées pour faire face au développement de la formation professionnelle pour leurs agents... Bref, autant de raisons de penser qu'un gros potentiel de marché existe.

Reste que capter ce potentiel de marché nécessitera une clarification des rôles des acteurs et notamment ceux des Opca. Depuis des mois, je lis tous les rapports et les commentaires sur la possible réforme de la formation. La logique de marché y est systématiquement oubliée ! Aucun mot des savoir-faire, des expertises, des propositions des acteurs classiques du marché. A écouter certains, l'externalisation de la gestion de la formation serait purement et simplement une extension du domaine d'activité des Opca. C'est discutable. Ce que font certains Opca en mettant à disposition des personnels dans des entreprises est interdit et s'apparente à du délit de marchandage.

En février dernier, j'ai décidé d'écrire au président de la République pour l'alerter sur ce problème. Ses services m'ont répondu en mai, disant qu'ils transmettaient au ministre en charge du dossier. Les entreprises comme la nôtre, prestataires de service d'externalisation, devraient se rapprocher pour faire entendre leur voix. »