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Les enjeux du rendez-vous 2008

Dossier | publié le : 27.05.2008 |

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Les enjeux du rendez-vous 2008

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Quarante et un ans de cotisations : le nouvel horizon de la retraite à taux plein se dessine clairement, sans grand suspens, mais, peut-être, avec une opposition plus affirmée que prévu. L'une des principales mesures du projet annoncé le 28 avril aux partenaires sociaux par Xavier Bertrand, le ministre du Travail, concerne bien l'allongement de la durée de cotisation vieillesse, comme le prévoyait la réforme Fillon. Elle sera majorée d'un trimestre par an pour atteindre 41 annuités au 1er janvier 2012.

Pas question, répondent les syndicats, qui mobilisaient le 22 mai. Tous, à l'image de Jean-Louis Malys, de la CFDT, organisation pourtant signataire en 2003, y voient une mesure « injuste et inefficace, dans la mesure où 37 % seulement des cotisants sont encore au travail lorsqu'ils liquident leurs droits ». Résultat mécanique d'un allongement de la durée de cotisation dans les conditions actuelles du marché de l'emploi des seniors : une diminution des pensions. Et les organisations de salariés de pointer leur dégradation continue depuis les réformes de 1993 (40 ans et 25 meilleures années plutôt que 10 pour définir le salaire moyen de référence) et de 2003.

Inquiétude pour les pensions

Ce bras de fer, tout comme les rapports du Conseil d'orientation des retraites (COR), qui estime le besoin de financement du régime général à 25 milliards d'euros - soit 1 % du PIB - en 2020, ou encore le déficit annoncé de la Cnav en 2007 (4,6 milliards d'euros), ne peut qu'entretenir l'inquiétude sur le niveau des pensions à venir et la capacité des seuls régimes général et complémentaires (Agirc/Arrco) à assurer un niveau de remplacement des revenus suffisant. La CFDT elle-même en prend acte en considérant, désormais, « l'épargne retraite comme un complément indispensable au régime de répartition ».

Dans les entreprises, la demande des salariés pour la constitution d'un complément de financement de leur retraite se confirme et les accords créant, notamment, une épargne salariale longue (Perco) se sont multipliés depuis 2004. « La montée en charge du Perco se poursuit, constate, par exemple, Pierre Genest, le directeur grands comptes épargne dans l'entreprise de Société générale Asset Management. Nous avons, en ce moment, beaucoup d'appels d'offres de directions d'entreprise avec l'accord tacite des partenaires sociaux. »

Les effets de la loi déjà sensibles

Les entreprises du CAC 40, voire du SBF 120, étaient déjà largement équipées, mais l'intérêt pour le Perco s'étend aussi dans des entreprises plus modestes. « Les effets de la loi sur la participation, du 30 décembre 2006, commencent à se faire sentir », analyse, de son côté, Marc Salameh, en charge du pôle avantages sociaux de Hewitt. Ce texte impose, en effet, aux sociétés disposant d'un PEE (plan d'épargne entreprise, d'une durée de cinq ans) depuis plus de cinq ans, d'ouvrir des négociations sur la retraite.

Régimes collectifs obligatoires

Hormis le Perco, plan d'épargne salarial bloqué jusqu'à la retraite, les entreprises peuvent également négocier des régimes collectifs obligatoires, notamment les articles 83, favorisés, eux aussi, par des exonérations de charges pour l'employeur et des déductions fiscales pour les salariés (lire tableau p. 31). Ces derniers, antérieurs au Perco créé par la réforme Fillon, restent représentés dans les grandes entreprises, mais c'est bien le plan d'épargne salarial qui remporte l'essentiel des suffrages récents.

L'Association française de gestion (AFG), en mars dernier, annonçait un bilan flatteur de 56 000 entreprises équipées de ces plans d'épargne retraite collectifs, y compris le Percoi (interentreprises), en hausse de plus de 50 % sur un an, et de 350 000 salariés adhérents ayant souscrit dans un Perco.

« Il faut reconnaître que le Perco répond à toutes les préoccupations, souligne Denis Campana, directeur retraites chez Mercer RH. Celles des entreprises qui veulent mettre en place une vraie politique retraite... et celles qui ne le veulent pas. »

Démarche volontariste

La mise en place d'un régime obligatoire pour tous les salariés apparaît plus impliquante pour les employeurs, et témoigne d'une démarche volontariste. En revanche, il reste très utilisé pour des populations de cadres, dont le taux de remplacement assuré par les régimes de base et complémentaire sera plus faible que celui des autres salariés. Quant à l'article 39, selon un spécialiste des rémunérations, 90 % des entreprises du CAC en réservent un à leurs cadres dirigeants. Ces régimes à prestations définies seraient même d'autant plus prisés que le débat sur les niches fiscales continue de peser sur les stock-options et que la loi de financement sur la sécurité sociale de 2008 a imposé des nouveaux prélèvements sur ces options sur titres (2,5 % de contribution employeur lors de la distribution, 2,5 % de contribution salarié sur la plus-value).

Quels que soient les dispositifs mis en oeuvre, les entreprises réfléchissent à coût global constant. Leur contribution à l'épargne retraite se réalise par réaffectation d'autres prestations, dans une logique de rémunération globale. Par exemple, une part de l'abondement au nouveau Perco de Thalès provient-il, en partie, des sommes précédemment versées au titre des médailles d'honneur du travail. Chez Lilly, le démarrage de l'article 83 avait été assuré par une redistribution des excédents du régime de santé.

Salaire immédiat

D'autre part, la question du pouvoir d'achat s'est fermement invitée dans le débat depuis l'élection présidentielle. Les demandes de salaire immédiat, y compris assorties de conflits sociaux, ne joueront sans doute pas, à court terme, en faveur de politiques d'abondement importantes en matière de retraite. Coca-Cola pourrait illustrer cette difficulté conjoncturelle. La société a mis en oeuvre une politique sociale déterminée en matière de retraite, avec un article 83 (transformé en Pere en 2005), y compris pour les Oetam (encore faiblement alimenté), et un Perco à l'abondement assez généreux au démarrage (lire E & C n° 780)..., mais elle vient de subir des grèves de pouvoir d'achat sur plusieurs sites de production.

Les projets institutionnels n'incitent pas plus à la sérénité. La réforme de la participation, en passe d'être bouclée, prévoit un libre déblocage (soumis à l'impôt) au côté de l'immobilisation de cinq ans permettant la défiscalisation, telle qu'elle existait jusqu'à présent. Censée améliorer le pouvoir d'achat immédiat, cette mesure détournerait une partie importante de l'alimentation traditionnelle des Perco. La participation, abondable dans ce cadre, constitue, en effet, plus de la moitié des investissements dans les Perco, selon les derniers chiffres de l'AFG. De quoi freiner un peu l'essor de ce toujours fragile troisième pilier des retraites en France.

L'essentiel

1 Le passage à 41 ans de cotisations pour une retraite à taux plein se traduira par un recul des prestations, selon les syndicats qui mobilisent.

2 L'inquiétude des salariés et l'obligation de négocier sur les retraites pour les entreprises ayant déjà un PEE continuent de favoriser la mise en oeuvre d'une forme de capitalisation, notamment avec les Perco.

3 Le rendez-vous 2008 va aussi intensifier la pression sur les entreprises pour l'emploi des seniors. Certaines articulent, dans leurs accords, épargne retraite et gestion des fins de carrière.