Le groupe Galeries Lafayette généralise actuellement un dispositif «d'entraînement à la vente» assez particulier : le vendeur est équipé, le temps d'une vente, d'un petit micro, afin que «l'entraîneur» écoute sa conversation avec un client. Un debriefing est ensuite effectué en groupe, puis seul à seul avec le salarié, au cours d'une «analyse de vente». Monté par l'école interne, la Lafayette Academy, et le cabinet Dardelin, cette «formation» à la vente se déroule sur deux jours. Le premier en salle, avec des jeux de rôles, le second dans le magasin, avec le micro. « Nous avons testé ce projet fondé sur une pédagogie décalée et impactante, à partir de 2004 », explique Patrick Adam, responsable du développement des ressources humaines. « Les cadres et le comité de direction du siège ont été formés à ce type d'analyse de vente, puis, en cascade, toute la hiérarchie », poursuit-il.

Parallèlement, un niveau supplémentaire a été créé : les Relais entraîneurs vente (Rev). Ce rôle a été confié à des managers intermédiaires, adjoints de direction ou futurs directeurs de magasin. Il consiste à écouter les managers des magasins, comme les responsables d'espace de vente, grâce au même système de micro, lorsqu'ils réalisent une analyse de vente pour, ensuite, les «debriefer».

Depuis quelques mois, dans chaque magasin, deux ou trois personnes prêtes à évoluer ont été repérées et formées à ce rôle de «Rev». Entre 2006 et 2008, ils sont ainsi passés de 12 à 73. « Le premier séminaire de bilan, en février dernier, a révélé que le dispositif est un succès, se réjouit Patrick Adam. D'ailleurs, il a été décidé de faire passer 45 d'entre eux à temps complet sur cette mission. »

Le micro est-il un outil de formation ou de mesure de la performance ? Les syndicats et la direction ne partagent pas le même point de vue sur la question. « Ce qui nous est présenté comme un jeu, rapporte Nathalie Frachon, vendeuse et déléguée CGT à Lyon, ressemble plutôt au contrôle des salariés de centres d'appels. » « Nous incitons les salariés à refuser le micro, confie Brigitte Guiga, déléguée centrale CGT. Dans ce cas, le responsable vient à côté du vendeur. Autant dire que, vu les remontrances qui leur sont faites, certains finissent par accepter le micro. » Pour le syndicat, on est là dans un système de management puisque ces analyses de vente sont désormais généralisées, selon un planning établi par chaque directeur, et sont assurées par les responsables hiérarchiques.

Avant de prendre la direction du magasin de Belfort, Yves Terranova a dû se former au rôle de Rev, qu'il assure toujours en partie. Pour lui, il s'agit d'un « vrai projet d'entreprise. Le fait que le responsable de vente soit lui-même observé par le Rev lorsqu'il écoute et «debriefe» un vendeur lui permet d'être le plus factuel possible ».

« D'après les retours des salariés, assure cependant Brigitte Guiga, lorsque c'est le responsable direct du vendeur qui assure l'analyse de vente, il en tient forcément compte lors de l'évaluation annuelle. » Selon Patrick Adam, pourtant, « il ne s'agit pas d'un indicateur de performance. Les bonnes attitudes commerciales sont valorisées par la promotion interne. Mais, admet-il, pour aller plus loin dans l'incentive, nous testons la mise en place d'une rémunération variable individuelle et collective ».

Les syndicats attendent maintenant la consultation du comité d'entreprise, qui doit avoir lieu sur la question de la rémunération variable. « Pour le dispositif avec le micro, il n'y a eu qu'une simple information », explique Brigitte Guiga, admettant qu'en l'absence d'enregistrement audio, il n'y a pas d'obligation de consultation.