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Le e-syndicalisme se cherche encore

Dossier | publié le : 20.05.2008 |

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Le e-syndicalisme se cherche encore

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Peu de sections syndicales ont véritablement réussi leur entrée sur la Toile, même si l'arrivée des blogs leur a facilité la tâche. Pour attirer l'informaticien, il faut une actualité sociale dense, une bonne dose d'interactivité et du service.

Les 28 mars et 1er avril derniers, près de 1 700 salariés de Capgemini se sont mis en grève à l'appel des différents syndicats pour réclamer, entre autres, un retour des augmentations générales. Un mouvement social d'envergure relayé par les sites web des sections syndicales de la SSII. Et suivi de près par toute la communauté du secteur des services informatiques. Il faut dire qu'avec ses quelque 20 000 collaborateurs en France, Capgemini est une référence en matière de négociations sociales. « Notre site est très visité, surtout dans les périodes chaudes », confirme un délégué syndical CFDT. Une exception dans le paysage.

Logique de tract

Alors qu'une bonne partie des salariés du secteur sont disséminés chez les clients, le Net paraissait pourtant promis à un bel avenir militant. D'autant que l'utilisation de l'intranet et de la messagerie électronique de l'entreprise à des fins syndicales est extrêmement limitée (peu d'accords, souvent restrictifs, ont été signés dans ce sens). L'ennui, c'est que, de l'avis des principaux intéressés, l'animation d'un site est difficilement compatible avec une activité professionnelle et syndicale sur le terrain. L'individualisme des informaticiens n'arrange rien à l'affaire. De fait, ceux qui s'en sont tenus à une logique de tract sur des technologies web de première génération ont vite jeté l'éponge. Seuls quelques sites ont véritablement décollé - souvent à l'occasion d'un bras de fer avec la direction - et acquis une notoriété hors des limites de l'entreprise. Attentifs au moindre dérapage, les DRH observent, pour leur part, un silence prudent sur un sujet qui, visiblement, les dérange.

Une gestion plus souple de l'information

Pour Franck Pramotton, délégué syndical CFDT chez Oracle, la solution est venue du blog, permettant une gestion beaucoup plus souple de l'information et le dépôt de commentaires par les internautes. Interdite de communication électronique interne par décision de justice à l'automne 2004, la section syndicale s'est emparée de ce nouvel outil pour aller diffuser son discours sur la Toile, alors que s'amorçait la fusion avec PeopleSoft. De quoi doper l'audience du site, dont le succès s'est confirmé au rythme des nouvelles acquisitions de l'éditeur.

« Nous en sommes actuellement à 300 pages vues par jour, confirme-t-il. Les salariés apprécient la réactivité du blog, sa liberté de ton et son recul par rapport au discours corporate, très éloigné des réalités du terrain. » L'outil permet à la section syndicale de réagir de manière immédiate aux propos de la direction, « ce qui a pu jouer sur la qualité de la communication de l'entreprise à l'égard des salariés et de leurs représentants », estime Franck Pramotton.

La mémoire du syndicat

Premier point de contact des collaborateurs «absorbés», le blog est aussi une mine d'informations pour les candidats à l'embauche. Au fil du temps, il est devenu la mémoire du syndicat grâce à un système de classement des billets syndicaux par mots clés (la thématique la plus fournie étant celle des fusions/acquisitions).

En outre, le site a favorisé les échanges avec les instances représentatives du personnel du secteur de l'informatique, toutes confrontées aux mêmes problématiques sociales. Il a notamment inspiré la section CFTC de HP France, qui a créé son propre espace web (mixant site classique, blog et intranet) en juillet 2005, juste avant l'annonce d'un important plan de sauvegarde de l'emploi. Pour le délégué syndical central CFTC Jean-Paul Vouiller, c'était le moment où jamais : « L'audience a explosé. »

Informations et services aux employés

Le site se veut, aujourd'hui, le «couteau suisse» des salariés du groupe. « Nous ne sommes pas seulement dans la revendication, mais également dans l'information et le service aux employés, avec une cinquantaine d'experts prêts à intervenir sur différents sujets : mobilité, conditions de travail, formation professionnelle... Nous pallions les insuffisances de la DRH qui n'arrive plus à suivre », explique Jean-Paul Vouiller.

Le blog est surtout devenu un forum permanent, chacun des billets déposés y étant abondamment commenté. « Alors que l'entreprise entend développer la compétition entre salariés, le blog a, au contraire, développé l'entraide », se félicite le délégué syndical. Détail non négligeable : le nombre d'adhérents CFTC est passé de 2 en 2001 à plus de 100 aujourd'hui.

De quoi faire des envieux, surtout dans la galaxie Syntec (HP dépend de la métallurgie).

Toucher collectivement

Lancé à l'automne 2006, le site CFTC de Steria peine à augmenter son audience interne. « Les collaborateurs y trouvent leur compte à titre individuel, commente Jérémie Cren, délégué CFTC. Mais il nous faut encore trouver le moyen de les toucher de manière collective. » Pour y parvenir, la section CGC d'Accenture explore, de son côté, toutes les possibilités du «web 2.0». Après une incursion sur Second Life à l'automne dernier, elle s'intéresse, aujourd'hui, au réseau social Facebook, tandis que son nouveau site, développé il y a un peu plus d'un an, mise particulièrement sur la vidéo.

Son objectif est clair : garder le contact avec les salariés nomades, créer l'événement en adoptant une démarche marketing vis-à-vis des collaborateurs et soutenir le développement d'Accenture. « Les salariés ont une image traditionnelle du monde syndical, commente Eric Pigal, responsable CFE-CGC chez Accenture. Nous sommes dans une entreprise innovante. Nous devons l'être aussi. » Une expérience pilote, dont les bonnes pratiques pourraient être diffusées dans la branche. Si tant est que les salariés adhèrent au concept.

Une présence sur le web encore limitée

Le site de la Fieci CFE-CGC (Fédération nationale du personnel de l'encadrement des sociétés de service informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie) liste une trentaine de sites web affiliés. La fédération CGT des sociétés d'études n'en compte qu'une vingtaine, tandis qu'Ivan Béraud, secrétaire national de la F3C CFDT, en charge du pôle conseil publicité, dénombre moins d'une dizaine de sites et blogs CFDT dans l'édition et le service informatique.

Si tous ne sont pas comptabilisés, beaucoup de sites ne s'animent qu'au gré des grosses actualités du moment (NAO, PSE, élections professionnelles...) et quelques-uns sont en friche. D'autres ne voient le jour que pour accompagner un mouvement social, dans l'objectif de mobiliser tous les salariés, mais également de médiatiser l'événement pour faire pression sur la direction. En janvier dernier, une intersyndicale a, ainsi, lancé un blog d'informations et d'échanges pour les salariés d'AEMS (Atos Euronext Market Solutions), inquiets des conséquences de la scission, en août prochain, de cette entité qui gère l'informatique de la Bourse Euronext.

C'est Ubifree, le premier mouvement de contestation virtuelle des salariés de l'éditeur de jeux vidéo Ubisoft, qui avait ouvert la voie en décembre 1998. Le site a été fermé en mars 1999 et reste accessible en l'état.