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Grève virtuelle... effets réels

Dossier | publié le : 20.05.2008 |

Première mondiale, la manifestation des salariés d'IBM Italie dans l'univers virtuel de Second Life aurait contribué au départ du Pdg de l'entreprise informatique transalpine.

Le renouvellement des syndicats passera-t-il par le monde virtuel de Second Life ? Davide Barillari, coordinateur national du syndicat italien RSU (Représentation syndicale unitaire), affilié à l'UNI (Fédération syndicale internationale des services), en est convaincu. « Les formes classiques de protestation ne suffisent plus. Une grève traditionnelle parvient de moins en moins souvent à résoudre un conflit. Elle n'attire plus les médias, et ce sont les travailleurs qui en souffrent le plus, sur le plan économique », soutient-il, fort du succès remporté par la première mobilisation virtuelle des salariés d'IBM Italie (9 000 collaborateurs).

« Nous étions en lutte avec la direction, car elle avait supprimé la prime de résultat, contrairement aux accords stipulés lors du renouvellement de la convention collective interne. Cela signifiait une perte annuelle de 1 000 euros pour tous les employés. Nous avons donc eu l'idée d'utiliser notre alter ego cybernétique, notre avatar, selon le langage de Second Life, pour organiser un mouvement de protestation sur l'univers créé par Linden Labs. »

Après un mois d'organisation, cette grève virtuelle a eu lieu le 27 septembre 2007. Près de 2 000 avatars de salariés IBM de 32 pays différents se sont retrouvés sur Second Life, pendant douze heures, pour revendiquer des droits réels, à l'aide de pancartes, banderoles, slogans et tee-shirts customisés.

Sur les 30 îles virtuelles dans lesquelles le colosse informatique a investi des millions d'euros - notamment pour ouvrir des centres d'affaires, de services et d'assistance -, sept ont été occupées par les manifestants, qui ont même réussi à interrompre une réunion en ligne entre managers, tout à fait réelle.

Renouvellement des pratiques

Davide Barillari observe que cette grève a attiré beaucoup de jeunes salariés dubitatifs quant à l'action des syndicats traditionnels. « Renouveler le syndicalisme, c'est aussi notre ambition », affirme-t-il, enthousiaste. Les résultats de cette protestation virtuelle ont, de fait, largement dépassé les espoirs de ses organisateurs. Les négociations ont été relancées et les salariés transalpins ont non seulement récupéré leur participation salariale aux résultats de l'entreprise mais ils ont aussi obtenu une augmentation des contributions versées par IBM Italie au fonds national d'assurance santé.

Du côté de la direction italienne, on se refuse cependant à tout commentaire. Selon Davide Barillari, ce silence s'explique par le fait que le mouvement, qui a touché l'entreprise en plein coeur, est à l'origine de la démission, en octobre 2007, du Pdg Andrea Pontremoli. « IBM Corp lui a reproché de ne pas avoir su gérer un conflit salarial et de ne pas avoir pu empêcher que l'image d'IBM et sa réputation dans le monde soient écornées. » Le syndicat RSU et l'UNI ont désormais l'intention de développer, grâce aux évolutions du réseau Internet, une nouvelle force de solidarité internationale des salariés, le «syndicat 2.0», pour faire face aux défis que représente l'organisation en télétravail.

Reconnaissance

La créativité des Italiens a, en tout cas, séduit le Forum Nextplorateur, qui récompense les pratiques les plus innovantes dans la manière d'utiliser Internet. La grève virtuelle des salariés d'IBM Italie a été sélectionnée parmi les dix meilleures initiatives au monde de l'année 2007, en raison de son originalité, de son exemplarité et... de son impact social.