Contrairement aux autres Européens, les Français semblent tout aussi attachés à la catégorie des «cadres» que nos voisins italiens, par exemple, au titre de «dottore», attribué à ceux qui décrochent un diplôme universitaire. Comme au-delà des Alpes, le titre de «cadre» est difficile à dénier à ceux qui fonctionnent, entre autres, à la reconnaissance sociale. De ce fait même, la catégorie apparaît un peu fourre-tout.

Pour tenter de mieux cerner cette donnée sociologique, certes, déjà ancienne, Alain Pichon remet en perspective l'évolution des effectifs cadres depuis les années 1960 et, surtout, décortique les différents profils sociologiques concernés. A partir de cette analyse fine, il examine les liens de cette population à l'entreprise, dans un contexte général marqué par la peur du chômage et par le passage d'une logique technique de l'expertise à une logique gestionnaire.

L'auteur consacre également un chapitre aux aléas de la délégation fondée sur une plus ou moins grande confiance des équipes de direction à l'égard de l'encadrement et dénonce les risques de désapprobation silencieuse liés au manque de transparence sur les décisions stratégiques. On ne peut apparemment pas manipuler les cadres comme de simples pions sans danger de désimplication d'une population subjectivement très attentive à la dimension symbolique du pouvoir et objectivement impliquée dans le partage par tous des valeurs de l'entreprise.

Alain Pichon est sociologue, ingénieur-chercheur au Laboratoire d'histoire économique, sociale et des techniques (Lhest) de l'université d'Evry-Val d'Essonne.