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La recherche de reclassement préalable au licenciement économique : vers un nouveau recul des frontières ?

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 29.04.2008 |

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La recherche de reclassement préalable au licenciement économique : vers un nouveau recul des frontières ?

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Au sein du chapitre du Code du travail consacré au licenciement pour motif économique, le nouvel article L 1233-4, appelé à succéder dans quelques jours à l'actuel article L 321-1, constituera, désormais, à lui seul, la sous-section régissant les « obligations d'adaptation et de reclassement » en cette matière.

Et la règle reste, bien sûr, inchangée, selon laquelle un tel licenciement ne peut intervenir que lorsque « le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient », le troisième alinéa du même texte assignant aux « offres de reclassement proposées au salarié » d'être « écrites et précises ».

Dans la pratique du contentieux individuel développé autour des licenciements pour motif économique, le débat du reclassement émerge probablement comme le plus délicat.

Des principes désormais acquis, pour résulter directement du texte et de son interprétation, au sein d'une construction prétorienne, déjà pléthorique, il convient de retenir essentiellement que :

> l'offre de reclassement n'implique pas nécessairement d'être de même calibre que le poste occupé au moment du licenciement envisagé, si le salarié est disposé à accepter un poste de niveau inférieur ;

> le nombre de propositions faites à un salarié doit être exhaustif au regard de celui des postes effectivement disponibles ;

> le groupe, périmètre des recherches de reclassement, ne s'arrête pas aux frontières nationales, ni même européennes, dès lors, selon un principe jurisprudentiel aujourd'hui bien établi, que les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des entreprises le composant permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (cass.soc. 5 avril 1995).

Dans un pays où la mobilité géographique est, de l'aveu de tous, une vue de l'esprit pour l'immense majorité des salariés, cette impulsion judiciaire est à la fois méritoire et, sans aucun doute, utile, car les évolutions du monde du travail commandent d'évidence de ne plus faire de l'ancrage géographique, dans une vie professionnelle, un élément par principe déterminant.

L'employeur, de son côté, se doit « d'exécuter loyalement l'obligation de reclassement » (cass. soc. 5 décembre 2006). Rien que de très normal.

Ainsi, ne répond pas à cette obligation le fait d'exclure du champ d'investigation des offres de reclassement celles situées en Suisse, sans démontrer en quoi la législation helvétique légitimait une telle option (cass.soc. 4 décembre 2007).

Quoique sans concession, la conclusion paraît juste puisque l'usage régulier d'un droit suppose que l'on se trouve bien dans les conditions posées à son exercice.

On est, en revanche, plus réservé face à l'affirmation selon laquelle « le seul envoi de lettres circulaires à des sociétés relevant du groupe auquel appartenait l'employeur ne pouvait suffire à établir que ce dernier avait effectué une recherche préalable, sérieuse et active des possibilités de reclassement existant dans le groupe » (cass.soc 13 février 2008 n° 06-44.984 F-D). Lorsque la lecture de l'arrêt enseigne que les dites lettres étaient accompagnées d'une liste de l'ensemble des postes et des catégories de personnel concernés par le licenciement, le procédé ne témoignant pas... « d'une implication suffisante de l'employeur dans l'identification des postes disponibles » (Sic !), la réserve le cède à la perplexité.

Quelle mesure est censé prendre le DRH devant reclasser quelques dizaines de salariés bretons, lorrains ou provençaux lorsque le groupe compte quelques dizaines de milliers de salariés sur tous les continents ? Car c'est en ces termes que la question se pose.

Surtout lorsque « l'absence de réponse à un questionnaire de mobilité ne dispense pas l'employeur d'adresser au salarié, dans le cadre de l'obligation individuelle de reclassement qui pèse sur lui, des offres précises, concrètes et personnalisées » (cass. soc. 7 novembre 2007).

Doit-on comprendre que l'employeur doit être plus «impliqué» que le salarié lui-même dans son propre reclassement ?

Il faut persister à répondre par la négative si le but est bien de soutenir, au sein des entreprises, la mobilisation d'efforts directs et dédiés pour la recherche des reclassements, qui, dans la plupart des cas, est réelle et toujours plus consciencieuse.

A défaut, elle risque de devenir un objectif inatteignable auquel il pourrait devenir plus simple et finalement moins onéreux de substituer quelques milliers d'euros.

Danièle Chanal, avocate, cabinet Joseph Aguera & Associés, membre d'AVOSIAL, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.