logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

VW Bruxelles sauvé par Audi, mais au prix fort

Enquête | publié le : 15.04.2008 |

Image

VW Bruxelles sauvé par Audi, mais au prix fort

Crédit photo

Fin 2006, l'ancienne usine Volkswagen de la banlieue de Bruxelles était promise à la fermeture. Le front syndical transnational, l'activisme des autorités fédérales et des négociations sur les conditions et les coûts du travail ont permis une poursuite de l'activité sous logo Audi. Avec moins de la moitié des salariés.

Un chiffre d'affaires en hausse de 8 % et une production de véhicules en progression de 6,5 % : le 11 mars dernier, Audi présentait ses résultats annuels avec le sourire. Du côté de Forest, en Belgique, on a écouté avec une attention particulière ces nouvelles en provenance d'Ingolstadt. Car la toute dernière usine européenne de la marque aux anneaux se trouve dans cette banlieue de Bruxelles. Elle aura la charge de produire, à elle seule, la totalité du modèle A1, la petite Audi, à partir de 2010.

Menace de fermeture totale

Il y a moins de deux ans, cet établissement, qui comptait alors 5 400 personnes, était pourtant menacé de fermeture. Il portait encore le logo de Volkswagen, produisait essentiellement le modèle Golf. Et se trouvait en sursis. Le 21 novembre 2006, au matin, les salariés apprenaient, d'abord par des SMS de leurs représentants réunis en conseil d'entreprise (équivalent du CE), que la direction du groupe VW envisageait 4 000 suppressions d'emploi et rapatriait la Golf vers deux sites allemands.

« C'était un coup de massue, se souvient Manuel Castro, président de la fédération régionale Brabant de FGTB Metal, le syndicat socialiste belge. Nous attendions une restructuration : IGMetall nous en avait avertis. Mais pas dans de telles proportions, qui laissaient imaginer une fermeture totale en deux phases, les sites allemands ne pouvant reprendre immédiatement la totalité de la production de Forest. »

Bras de fer

Dans cette région encore traumatisée par l'affaire Renault-Vilvorde, un bras de fer commence entre les syndicats et la direction, sur deux fronts : le maintien d'une activité pérenne sur le site et les conditions de départ. L'usine est bloquée par la grève pendant le mois de décembre. Les contacts entre la FGTB, la CSC - les deux syndicats belges -, IGMetall et la Fédération européenne des métallurgistes (FEM) se multiplient. « Le démarrage de cette action a été un peu chaotique, juge Isabelle Barthès, senior policy adviser de la FEM. Mais, in fine, l'action conjointe des organisations et la capacité d'IGMetall à peser sur les décisions n'ont sans doute pas été négligeables dans la recherche d'une solution. »

3 000 emplois en jeu

Car, au départ de l'affaire, il n'est pas question d'Audi. De son côté, le Premier ministre de l'époque, Guy Verhofstadt, rencontre les dirigeants de VW. C'est lui qui annonce le premier, en décembre 2006, que le groupe VAG réfléchit à « un futur » pour l'usine bruxelloise, élaboré autour de la prochaine Audi A1. La société soeur de VW entamerait la production de ce modèle en 2010, mais elle pose des conditions : 3 000 emplois devront être supprimés et le site devra réduire ses coûts de production. Ingolstadt impose à Bruxelles le modèle des accords dérogatoires que de nombreuses entreprises allemandes ont accepté pour éviter des délocalisations de production. La négociation sociale aboutit à des primes de départ historiquement élevées, tandis que près d'un millier de salariés pourront bénéficier de prépensions. Au total, il n'y aura pas de licenciements secs.

Forest devient Audi

En mars 2007, la direction et les syndicats signent une déclaration d'intention qui fait de Forest une usine Audi. Le nouveau DRH d'Audi Forest peut annoncer que pour la production de l'A1, « il ne s'agira pas de venir en support d'autres usines du groupe... ; (le site) portera l'entière responsabilité de la production de ce modèle ».

Une garantie d'emploi pour 2 200 personnes est assurée, mais Forest s'engage à devenir 20 % moins cher. Pour cela, les syndicats et la direction commencent par négocier le passage graduel de 35 à 38 heures hebdomadaires sans compensation salariale. Les réformes annoncées par le gouvernement fédéral pour l'industrie aident aussi à atteindre l'objectif, en particulier les réductions de charges patronales pour le travail en équipe, qui doivent se poursuivre.

Alors que l'usine est en cours de modernisation et d'adaptation pour commencer à monter le nouveau modèle, elle produit des Polo et certaines Audi A3, la Golf ayant déserté ses chaînes de montage. Le management des salariés évolue lui aussi. « Nous venons d'achever la négociation sur la rémunération variable, explique Jan Van der Poorten, délégué FGTB de Forest. Alors que les rémunérations ont subi une chute de 20 % avec le passage à 38 heures, la direction a proposé cette prime variable, qui peut atteindre 1 900 euros par an et dépendra de la qualité, de la santé, des coûts et de la productivité ».

Dès le mois de mai, c'est sur le travail en équipe que les partenaires sociaux doivent se retrouver, pour rapprocher l'usine du modèle de production d'Audi. Il devrait s'agir d'unités de travail d'une dizaine d'ouvriers, avec une plus forte autonomie, en lieu et place du travail posté.

Flexibilisation du temps de travail

Ensuite viendra la flexibilisation du temps de travail, sur le modèle des autres usines de la marque, avec des comptes épargne temps sur lesquels les salariés accumuleront les heures effectuées en période de forte charge, pour les récupérer en période de faible charge. « Une négociation que nous ne souhaitons pas entamer avant la fin de cette année, annonce Jan Van der Poorten. L'agenda social est très chargé. »

En tout état de cause, la culture et les méthodes Audi doivent avoir investi Forest au début de 2010 pour le démarrage de l'A1, et ce, même si « beaucoup de salariés restent traumatisés par cette restructuration », estime le syndicaliste. Quant aux ex-Volkswagen, qui avaient choisi le guichet des départs, hormis les prépensionnés, la moitié, soit un millier, avaient retrouvé un poste à la fin 2007, six mois en moyenne après leur prise en charge par les cellules de reclassement.

Audi bruxelles

• Secteur : automobile.

Effectifs : 2 100 salariés (2 200 prévus en 2010).