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Enquête

Divorce tendu à Bochum

Enquête | publié le : 15.04.2008 |

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Divorce tendu à Bochum

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Communication déplorable, absence de consultation des comités d'entreprise : la fermeture annoncée du site allemand de Bochum par Nokia est le contre-exemple d'une restructuration réussie. Pour limiter les dégâts en termes d'image, la multinationale finlandaise a dû faire d'importantes concessions.

Aujourd'hui, l'émotion est retombée. La formidable vague de protestations s'est effondrée, mais l'affaire est loin d'être close. Le 15 janvier 2008, Nokia, le géant finlandais de la téléphonie, annonce, à la surprise générale, en dépit d'un bénéfice record, la fermeture, d'ici à cet été, de son site allemand de Bochum et sa délocalisation en Roumanie. Soit la suppression, à terme, de 2 300 emplois dans l'usine même et de 1 700 emplois chez les sous-traitants.

Dans un communiqué au ton très sec, la direction justifie cette mesure par le manque de compétitivité du site de Bochum. « En Roumanie, les gens travaillent pour un dixième des salaires allemands. Même si ces salaires doublaient ou triplaient dans les années à venir, cela vaudrait le coup », justifie, peu après, dans une interview, Juha Äkräs, Senior Vice President Human Resources chez Nokia.

Dans la région de la Ruhr, encore meurtrie par la faillite, en octobre 2006, de BenQ, ancienne division de téléphonie mobile de Siemens, cette nouvelle fait l'effet d'un coup de massue. Au sein de l'usine, la colère est d'autant plus grande que les comités d'entreprise, allemand et européen, n'ont été prévenus que la veille de l'annonce officielle. La Fédération européenne des métallurgistes (FEM) dénonce « l'information tardive de son CE européen » et « une évidente violation de la directive sur les comités d'entreprise européens ».

Appel indirect au boycott

Du côté de la classe politique, l'indignation est également à son comble. Reprochant à Nokia de lâcher Bochum après avoir encaissé d'importantes subventions étatiques, des hommes politiques de premier plan appellent indirectement au boycott des téléphones portables Nokia. Le CE et le syndicat de la métallurgie IG-Metall organisent des manifestations géantes et des marches au flambeau. « Nous nous battrons jusqu'au bout pour le maintien du site de Bochum », martèle IG-Metall. Mais en vain.

Le 12 février, à l'issue d'une rencontre très attendue entre la direction de Nokia et le CE, au siège de l'entreprise à Espoo, en Finlande, le groupe annonce le maintien de sa décision.

Un plan social de 200 millions d'euros

Tout ça pour rien ? « Bien au contraire, assure, le 7 avril, Wolfgang Nettelstroth, le porte-parole de la section d'IG-Metall en Rhénanie du Nord-Westphalie (RNW). Sans cette mobilisation, les négociations que nous menons à l'heure actuelle avec la direction n'auraient pas été possibles. »

Le lendemain, c'est le dénouement. La direction de Nokia et le CE annoncent, à la surprise générale, avoir fixé les grandes lignes d'un plan social d'un montant de 200 millions d'euros, soit trois fois plus que proposé par Nokia. L'usine fermera bien ses portes le 30 juin prochain, mais les dates des licenciements seront fixées de manière individuelle pour chaque salarié en fonction de son ancienneté.

Par ailleurs, les contrats de tous les salariés licenciés seront repris pendant un an par une société de reclassement. Sur les 200 millions d'euros, environ 185 millions seront affectés au paiement d'indemnités et 15 millions, à la société de reclassement. Le CE et la direction de Nokia se déclarent satisfaits du résultat. Les salariés ont obtenu d'importantes concessions.

Le groupe finlandais espère, ainsi, probablement, limiter les dégâts en termes d'image en Allemagne, un marché clé pour lui. Car ces derniers sont déjà considérables. Selon un sondage national début février, 56 % des Allemands ont déclaré vouloir renoncer à acheter des produits Nokia.

Sous-estimation des conséquences

Selon Heiko Kretschmer, spécialiste de la communication, les managers sous-estiment souvent les conséquences émotionnelles de leurs décisions : « En cas de fermeture d'usine, les entreprises doivent, avant tout, faire preuve de sensibilité. »

Pour Nokia, la fermeture du site pourrait se révéler encore plus onéreuse que prévu. Le Land de RNW réclame, en effet, au groupe, le remboursement de 41 millions d'euros de subventions étatiques, plus 18 millions d'intérêts, soit quelque 60 millions d'euros. Le Land estime avoir subventionné 2 860 «emplois durables» sur le site de Bochum, qui n'emploie que 2 300 personnes. Le 11 mars, le Land a menacé de déposer une plainte si Nokia ne remboursait pas les 60 millions d'ici à fin mars. Mais, s'estimant dans son bon droit, l'entreprise n'a pas réagi à l'ultimatum. Elle compte, en effet, dans son personnel à Bochum, outre ses 2 300 salariés, également les intérimaires et les employés des services de nettoyage et de sécurité, soit 3 200 personnes au total. « Nous avons rempli toutes les conditions », a assuré une porteparole de Nokia. A suivre.

Nokia

• Secteur : téléphonie.

• Effectifs : 112 000 salariés.

• Chiffre d'affaires 2007 : 51 milliards d'euros.