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Représentation du personnel : le casse-tête des salariés extérieurs

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 15.04.2008 |

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Représentation du personnel : le casse-tête des salariés extérieurs

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Les effets conjugués du recours à l'externalisation et du passage à une économie en réseau conduisent les entreprises à accueillir un nombre croissant de salariés mis à leur disposition par des prestataires extérieurs.

Cette pratique pose de nouveaux problèmes en matière de mise en place et de gestion des institutions représentatives du personnel. Se posent, en effet, les questions de la prise en compte de ces salariés extérieurs dans l'effectif de l'entreprise d'accueil, de leur inclusion dans le corps électoral et, enfin, de leurs conséquences en matière de financement du comité d'entreprise.

L'article L. 620-10 du Code du travail (article 1111-2-2° du nouveau Code) dispose que doivent être pris en compte dans l'effectif de l'entreprise, notamment, « les travailleurs mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires... à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents ».

La Cour de cassation a défini les critères de cette prise en compteen estimant, tout d'abord, que seuls les salariés participant « au processus de travail » de l'entreprise utilisatrice devaient être inclus dans l'effectif (Cass. soc. 27 novembre 2001). La Chambre sociale a, par la suite, estimé que devaient être pris en compte les salariés mis à disposition « qui participent aux activités nécessaires au fonctionnement de l'entreprise utilisatrice » (Cass. soc. 26 mai 2004).

S'agissant de la participation des salariés mis à disposition aux élections professionnelles au sein de l'entreprise d'accueil, la Cour de cassation a d'abord établi une distinction entre les élections des délégués du personnel, auxquelles les salariés détachés ont vocation à participer, et les élections des membres du comité d'entreprise, pour lesquelles ils n'avaient pas voix au chapitre.

Par un arrêt important du 28 février 2007, la Chambre sociale a précisé et unifié sa position en posant pour principe que, « sauf dispositions législatives contraires, les travailleurs mis à disposition d'une entreprise, intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, inclus à ce titre dans le calcul des effectifs en application de l'article L. 620-10 du Code du travail, sont, à ce même titre, électeurs aux élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel, dès lors qu'ils remplissent les conditions [légales de participation aux élections] ».

Remplissant les conditions d'électorat, ils sont éligibles pour autant qu'ils remplissent les conditions légales applicables.

Dernière pierre à l'édifice jurisprudentiel, dans la droite ligne de l'arrêt précité, la Chambre sociale affirme que, « pendant le temps de leur mise à disposition, les salariés intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail doivent être pris en compte par le comité d'entreprise dans l'exercice de sa mission. La masse salariale servant au calcul de la contribution patronale au budget du fonctionnement du comité d'entreprise doit inclure le montant de leur rémunération, fût-elle payée en tout ou en partie par [l'entreprise d'accueil] » (Cass. soc, 7 novembre 2007).

Pour les DRH, loin de clarifier les choses, ces précisions sont sources d'interrogations nouvelles !La notion de « communauté de travail » n'est, en effet, pas juridiquement définie. Que doit-on entendre par une intégration « étroite et permanente » à celle-ci ? Ces interrogations et difficultés pratiques sont particulièrement sensibles pour les entreprises prestataires de services informatiques (SSII), les intervenants des secteurs de la maintenance industrielle, de la restauration, du nettoyage et du gardiennage et pour leurs clients.

Première difficulté :définir si les modalités de l'intervention des salariés mis à disposition entraînent leur « intégration étroite et permanente à la collectivité de travail » de l'entreprise cliente ou utilisatrice.

Doit-on fixer un critère de durée (nombre de mois de présence) ?

L'intégration suppose-t-elle un travail effectif sur le site de l'entreprise cliente ? Un collaborateur peut-il être considéré comme « intégré » et, a fortiori, « étroitement intégré » lorsque son intervention, quoique durable, est seulement intermittente ?

Enfin, selon quelles modalités pratiques s'effectuera la prise en compte de la rémunération des salariés mis à disposition dans l'assiette de la subvention au comité d'entreprise de l'entreprise utilisatrice alors que ces salariés ne sont pas rémunérés par celle-ci ? Une proratisation est-elle envisageable ?

Sur l'ensemble de ces questions, les DRH manquent cruellement de solutions pratiques. La réponse des tribunaux d'instance - saisis dans le cadre du contentieux des élections professionnelles - consiste souvent à renvoyer les parties à la négociation. Or, ces sujets sont difficiles à négocier à chaud dans le cadre préélectoral !

Une clarification législative sur l'ensemble de cette question apparaît indispensable.

François Vergne, avocat associé, Cabinet Morgan Lewis, membre d'AVOSIAL, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.