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Les pratiques

Les «ex-Lustucru» continuent leur lutte devant les tribunaux

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 08.04.2008 |

Panzani avait décidé de fermer l'usine de riz camarguais après son inondation, en décembre 2003. Le groupe agroalimentaire en a fini, aujourd'hui, avec son obligation de revitalisation. Mais les prud'hommes viennent de juger qu'aucune raison économique ne justifiait la fermeture ni le licenciement des 146 salariés.

Les 146 ex-Lustucru n'ont pas oublié ce jour de décembre 2003 où la crue du Rhône a sinistré leur usine de transformation et de conditionnement de riz. Ils restent persuadés que Panzani en a profité pour liquider l'outil racheté un an et demi plus tôt à un groupe familial marseillais, licencier la totalité des salariés et conserver seulement les marques. Ils sont aussi convaincus que leur lutte pour préserver leur emploi était légitime. Le conseil des prud'hommes d'Arles vient de leur donner raison.

Fin janvier, le groupe Panzani a été condamné à verser 2,1 millions d'euros d'indemnités à une soixantaine de salariés qui avaient décidé de contester leur licenciement ; à comparer aux 46 millions d'euros d'assurances encaissées, et à la vente des machines et du savoir-faire à un groupe espagnol, Ebro-Puleva, estimée à plusieurs centaines de millions d'euros.

« Cette décision est surtout très importante sur le fond : elle valide notre lutte, l'occupation de notre usine pendant plus d'un an et demi, et notre tentative de reprendre l'activité en Scop », estime Serge Bonutti, ancien délégué syndical CGT de l'usine. Dans leur jugement, les prud'hommes considèrent que « les motifs économiques invoqués par la SA Lustucru pour justifier la fermeture du site d'Arles ne reposent sur aucune cause réelle et sérieuse ». Conséquence : chaque plaignant devrait recevoir de 12 175 à 52 226 euros en indemnisation de son «licenciement abusif».

Préjudice financier confirmé

Pour Panzani, ce jugement est « totalement incompréhensible ». « Le tribunal d'instance de Tarascon et la cour d'appel d'Aix ont tour à tour confirmé les motifs économiques et le préjudice financier, et validé le plan social, rappelle Michel Peudevin, directeur des opérations du groupe. L'inondation de l'usine d'Arles a fait perdre des parts de marché importantes à la société, qui a été fortement pénalisée en 2004 et 2005 sur le plan commercial et financier. Par ailleurs, l'usine était totalement sinistrée, il aurait fallu entre un an et demi et deux ans pour la réhabiliter. »

Nouvelles plaintes

Le groupe a fait appel de la décision auprès de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et lui a demandé de suspendre l'exécution du paiement. Panzani va également déposer un recours auprès de la cour d'appel administrative contre une décision du tribunal administratif de Marseille. Fin février, celui-ci a annulé la décision du ministre du Travail de l'époque, Jean-Louis Borloo, qui avait autorisé le licenciement de cinq délégués du personnel et délégués syndicaux CGT. Et la bataille judiciaire n'est pas terminée : « 45 autres ex-Lustucru ont décidé, à leur tour, de monter un dossier aux prud'hommes d'Arles », se réjouit Serge Bonutti.

La décision des prud'hommes est également importante d'un point de vue financier pour les ex-Lustucru, dont près de la moitié des licenciés n'auraient pas retrouvé d'emploi stable, soutiennent les syndicats. « Ils vivotent avec de l'intérim ou des CDD, d'autres ne se voient proposer que des stages pour se reconvertir », déplore Serge Bonutti. Il est très critique sur l'efficacité, « proche de zéro », du cabinet de reclassement qui les a accompagnés. Quant aux CDI, le salaire et les avantages sociaux proposés sont nettement inférieurs aux conditions pratiquées chez Lustucru.

La réalité décrite par Panzani est différente. Sur les 146 salariés, « 110 à 120 » auraient retrouvé un emploi permanent et « 20 à 30 » occuperaient des emplois précaires. « Pendant très longtemps, beaucoup de salariés ont mis tous leurs espoirs dans le projet de Scop. Certains n'ont pas voulu profiter pleinement des opportunités offertes par le cabinet de reclassement », regrette Michel Peudevin. Panzani rappelle l'ampleur des moyens engagés dans le plan social, financé à hauteur de 12 millions d'euros.

Revitalisation

Le groupe a aussi investi 3,5 millions d'euros dans la revitalisation du bassin d'emploi, par l'intermédiaire de la société Sodie. La convention signée avec l'Etat vient d'arriver à son terme. Près de 250 emplois auraient ainsi été créés. « C'est vrai, beaucoup d'argent a été donné aux entreprises, mais ce qu'elles disent est invérifiable. On ne sait pas combien d'emplois ont été réellement créés, ni sous quel type de contrat », proteste Claude Mas, responsable de l'union locale CGT d'Arles. Une petite partie de ces emplois sont implantés dans les locaux de l'ancienne usine, réhabilités par la mairie d'Arles qui les avait récupérés pour un euro symbolique. Mais, comme le déplore l'union locale, aucun de ces nouveaux emplois n'est occupé par un ex-Lustucru.