Avant même la réforme des retraites de 2003, les experts avaient déjà fait savoir que celle-ci ne permettrait pas de résoudre, à terme, le problème inéluctablement lié au vieillissement de la population. Qui plus est, l'annonce de lendemains difficiles a eu tendance, pour un certain nombre d'actifs redoutant une dégradation du système, à précipiter la liquidation de leur retraite.

La crise des retraites n'a pourtant pas frappé par surprise. Cela fait bientôt quarante ans qu'elle est annoncée et, depuis la fin des années 1970, il ne se passe pas une semaine sans qu'un rapport ou un ouvrage vienne nous rappeler les risques à venir.

La durée des mandats électifs et les intérêts électoralistes ont découragé les représentants politiques d'adopter des politiques vraiment drastiques. L'échec d'Alain Juppé en 1995 montre qu'au final, c'est la rue qui gouverne. Pourtant, il faudra un jour se rendre à l'évidence : en matière de retraite, rien n'appartient en propre au citoyen, l'Etat est maître d'élargir ou de rétrécir les droits que les salariés pensaient avoir achetés en payant leurs cotisations sociales. La banqueroute du système porte donc, en quelque sorte, atteinte au droit de propriété. A la lumière de cette évidence, Jacques Bichot, économiste, interroge le régime actuel qui, selon lui, distribue des faux droits, car les promesses faites n'intègrent pas les aléas qui sont au coeur de toute réalité économique et démographique. Au surplus, ce système condamne à la pauvreté ceux, ou plutôt celles - car il s'agit souvent des femmes -, dont la carrière est incomplète.

Jacques Bichot est économiste, professeur à l'université Jean-Moulin (Lyon 3), spécialiste de la protection sociale.