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« Faire émerger des négociateurs syndicaux responsables »

Enquête | publié le : 01.04.2008 |

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« Faire émerger des négociateurs syndicaux responsables »

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E & C : Quels sont les enjeux de la négociation démarrée le 24 janvier ?

B. V. : Cette négociation revêt trois dimensions : technique, syndicale et politique.

Le premier volet concerne l'évolution de certaines règles en vigueur, qui demandent un sérieux toilettage. Exemple : « l'attitude patriotique pendant l'Occupation » à remplacer par l'attachement aux valeurs républicaines, afin d'éviter l'implantation de syndicats extrémistes, politiques ou religieux. Il inclut aussi l'évolution des règles de validité des accords collectifs.

Le deuxième volet a pour objet la resyndicalisation du monde du travail, la légitimité des organisations syndicales et l'évaluation de leur poids respectif. La question étant de savoir s'il faut se fonder sur le nombre de suffrages recueillis au cours d'une élection ou sur le nombre d'adhérents.

Enfin, cette négociation pose la question plus générale de l'organisation d'une société de plus en plus fragmentée. A qui confie-t-on le soin de représenter les citoyens et les salariés ? Dans un contexte de montée en puissance des associations, des ONG et des syndicats autonomes, qui est l'interlocuteur de l'Etat ? Quel rôle pour les corps intermédiaires dans la régulation de l'économie de marché et le maintien des grands équilibres sociaux ?

E & C : Un des principaux points du débat concerne la place de l'audience, mesurée par une élection, comme critère de la représentativité d'un syndicat. Quelle est votre position ?

B. V. : Je suis davantage favorable à un syndicalisme d'adhésion qu'à un syndicalisme d'élection. La finalité de la réforme de la représentativité est de faire émerger des négociateurs syndicaux responsables. Fonder la représentativité sur l'élection permettra, certes, de simplifier l'échiquier syndical, mais pas de régler les problèmes de fond : la responsabilisation des syndicats ; leur capacité à négocier des accords et à exprimer les attentes des salariés.

Partant du constat que le paysage syndical français est émietté, il est intellectuellement tentant de vouloir réduire le nombre de syndicats, mais, ce faisant, le nombre de syndiqués n'augmentera pas. Or, notre pays a besoin d'adhérents syndicaux.

E & C : Comment augmenter le nombre de syndiqués ?

B. V. : On peut envisager que l'adhérent bénéficie de contreparties. Surtout, il faut favoriser le renouvellement des élites syndicales, fluidifier l'entrée et la sortie des mandats, afin que les salariés n'y restent pas des années, et donc valoriser les compétences acquises au cours de ce mandat. Les syndicalistes doivent rester en mouvement et non se fonctionnariser.

E & C : Quel est l'état d'esprit des acteurs de cette négociation ?

B. V. : Les syndicats, comme les organisations patronales, y seront allés à reculons. On est dans un schéma d'intérêts à préserver, côté patronal comme côté syndical.

Il y a un autre acteur, qui n'est pas dans la salle de négociation, mais qui regarde les choses de très près, ce sont les pouvoirs publics qui, eux, poussent à la réforme. Il semble que l'Elysée et Matignon ont leur projet : élection de représentativité, majorité d'engagement, avec comme objectif d'aider la CGT à se responsabiliser. La réforme des retraites du régime général viendra bientôt, le gouvernement a besoin de savoir sur qui il peut compter. En outre, le Président veut avoir avancé sur ces réformes avant que la France ne prenne la tête de l'Union européenne, cet été.

E & C : Vous êtes donc pessimiste sur l'aboutissement de cette négociation...

B. V. : Elle est mal engagée, et même si les partenaires sociaux parviennent à un accord, il ne sera pas complet puisqu'il ne réglera ni la question des syndicats qui demandent à être reconnus, l'Unsa notamment, qui ne participe pas à la négociation, ni celle des forces qui montent en puissance : ONG et associations.