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Enjeux

Arrêts du 23 janvier 2008 : le durcissement du recours aux CDD d'usage

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 01.04.2008 |

Par deux décisions du 23 janvier 2008, la Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence sur le recours aux contrats à durée déterminée d'usage, privant, pour l'avenir, les secteurs d'activité concernés, d'une souplesse certaine.

Alors qu'auparavant, elle validait, sous certaines conditions, le recours à des contrats à durée déterminée d'usage successifs, elle considère, désormais, qu'en présence d'une succession de CDD d'usage, le juge doit vérifier que celle-ci est justifiée « par des raisons objectives », qui s'entendent comme des « éléments concrets permettant d'établir le caractère par nature temporaire de l'emploi ».

Sont particulièrement concernés par cette jurisprudence les secteurs d'activité suivants : le déménagement, l'hôtellerie et la restauration, les spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, l'information, la production cinématographique, l'enseignement, les activités d'enquête et de sondage, l'édition phonographique, les centres de loisirs et de vacances, le sport professionnel, le bâtiment et les travaux publics pour les chantiers à l'étranger...

Avant cette jurisprudence, étaient inapplicables aux contrats d'usage les conditions posées, notamment, par :

> l'article L 122-1-1, 3° du Code du travail, qui limite la faculté de conclure des contrats d'usage aux emplois dans lesquels il est d'usage de ne pas recourir aux CDI « en raison [...] du caractère par nature temporaire de ces emplois » ;

> l'article L 122-1 du Code du travail, aux termes duquel le contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise (alinéa 1er) et un tel contrat ne peut - sous réserve des contrats liés à la politique de l'emploi - être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire (alinéa 2).

La circonstance que les diverses fonctions occupées par les CDD d'usage relèvent de l'activité normale et permanente de l'entreprise était, la plupart du temps, impuissante à emporter la requalification des CDD d'usage en une relation contractuelle à durée indéterminée.

> Dans la première espèce, un formateur - professeur d'éducation artistique - a été embauché par un centre de formation selon des contrats à durée déterminée successifs pendant quatorze années scolaires.

La Cour de cassation indique que : « Attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que l'enseignement figurait dans les secteurs d'activité où il peut être recouru à des contrats à durée déterminée dits «d'usage», a constaté que M. [...] avait occupé le même emploi [...] pendant quatorze années scolaires successives et que cet emploi n'avait pas un caractère temporaire ; qu'il en résulte que la conclusion de contrats à durée déterminée successifs n'était pas justifiée par des raisons objectives [...] ».

> Dans la seconde espèce, une journaliste pigiste est déboutée de sa demande tendant à la requalification de CDD d'usage successifs pendant neuf ans, au motif, notamment, que la société appartenait au secteur de l'audiovisuel, visé par l'article D. 121-1 du Code du travail et qu'il était d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée s'agissant des journalistes pigistes, eu égard au caractère par nature temporaire des programmes télévisés.

La Cour de cassation casse, au motif « qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants tirés du caractère temporaire des programmes de télévision sans rechercher si l'emploi de journaliste pigiste occupé par le salarié [...] faisait partie de ceux pour lequel il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et si l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

A l'avenir, le contrôle judiciaire ne portera donc plus uniquement sur le secteur d'activité et l'existence d'un usage constant - qui ne constitue pas en soi une raison objective de recourir à une succession de CDD ; dès lors que les CDD d'usage pourront être rattachés à l'activité normale et permanente de l'entreprise, comme tous les CDD, ils encourront leur requalification en CDI.

Mary-Daphné Fishelson, cabinet Lefèvre Pelletier & Associés, membre d'AVOSIAL, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.