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Les pratiques

L'utilisation du français au centre d'un accord de GE Medical Systems

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 18.03.2008 |

Après un feuilleton judiciaire de plusieurs années, direction et syndicats sont parvenus, fin janvier dernier, à un accord encadrant l'usage du français dans les documents internes de l'entreprise. Une première.

Jusqu'en 1987, alors que l'entreprise appartenait à Thomson, la langue de Molière prévalait. Mais le rachat de cette société de matériels médicaux de Buc (78) par l'américain General Electric a changé la donne. Peu à peu, les salariés ont eu à faire avec des documents rédigés en anglais et non plus traduits comme avant. Il s'agissait, au départ, de communications techniques utiles aux techniciens de terrain.

Disparition des versions françaises

Pour la grande majorité des salariés, à 80 % des cadres, rien de très ennuyeux à ces nouvelles pratiques, nombre d'entre eux maîtrisant l'anglais. « Mais ce n'était pas le cas des plus anciens et des moins qualifiés », raconte Jocelyne Chabert, déléguée du personnel CGT, représentante syndicale au CHSCT. Puis, est venu le tour des supports de communication interne, qui ne circulaient plus qu'en anglais, et des logiciels de travail. La goutte d'eau, pour les élus du CE et du CHSCT, qui, dès 1998, alertent la direction et réclament des versions françaises. « On craignait à la fois des erreurs d'interprétation dans la traduction, mais aussi de mauvaises appréciations de la part de la hiérarchie à l'égard de ceux rencontrant des difficultés avec l'anglais », précise la cégétiste.

C'est alors que les représentants du personnel prennent connaissance de la loi Toubon du 4 août 1994. Son principe ? Les entreprises doivent rédiger en français tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail. L'inaction de la direction contraint la CGT à durcir le ton : inspection du travail, consultation chez un avocat et, finalement, saisie de la justice. Le syndicat est alors rejoint par les deux CHSCT de l'entreprise et par la CFDT via le CE ; FO préférant s'abstenir. « La démarche n'était pas facile, on sortait des sentiers battus et l'on a souvent été traités de ringards », avoue Jocelyne Chabert.

Le tribunal de grande instance de Versailles leur donne pourtant raison, le 11 janvier 2005. Les juges condamnent GE Medical Systems à une astreinte de 20 000 euros par document non traduit ; 58 au total avaient été préalablement identifiés comme entrant dans le cadre de la loi Toubon. « Ils ont même été au-delà de la loi en exigeant une version française de textes relatifs à des produits venant de l'étranger et non exclusivement réservés au marché français », précise la déléguée. Lors de l'appel, en 2006, la décision est confirmée, à ceci près qu'elle limite la traduction aux documentations techniques de produits destinés à l'Hexagone et baisse l'astreinte à 10 000 euros par unité.

Traduire l'indispensable

La direction, qui s'est alors pourvue en cassation, n'a pas attendu pour réagir et pour commencer à introduire le français là où il était absent. Elle a souhaité également négocier avec les partenaires sociaux. « Le propos était de construire un accord intelligent. Plutôt que de s'intéresser à la provenance des documents, nous souhaitions que soit traduit tout ce qui était nécessaire aux salariés pour effectuer leur travail », résume Diane Bacquet-Herbaux, responsable juridique de GE Medical Systems, comptant, aujourd'hui, 1 800 salariés de 45 nationalités.

S'en est alors suivi un important travail de recensement. « Pas question d'être jusqu'au boutiste, signale Dominique Gillier, secrétaire général de la fédération mines et métallurgie de la CFDT. Il fallait se concentrer sur les documents qui permettaient d'assurer la sécurité des salariés. » Un avis partagé par la cégétiste : « Il ne fallait pas se tromper de combat. Ni anglophobes, ni francophones forcenés, nous luttions contre la discrimination des salariés ne maîtrisant pas l'anglais. » Le choix s'est porté sur des textes liés aux procédures globales de travail (comme la qualité), à l'approvisionnement, aux demandes clients ainsi que sur les documentations techniques comportant des chapitres sécurité et celles des outils informatiques.

L'accord - le seul du genre à ce jour -, conclu le 25 janvier 2008, sera paraphé par la CFDT, majoritaire, et par la CGT. Il prévoit, en outre, la présence d'interlocuteurs référents pour aider au maniement de certains matériels informatiques étrangers, un traducteur automatique d'écran sur certaines applications et des heures de formation à l'anglais par modules de 30 heures « pour améliorer l'employabilité de nos salariés », précise la responsable juridique. Une commission «langue française» paritaire a également été mise en place pour examiner tout nouveau document susceptible de nécessiter une traduction.

Laisser vivre l'accord

Depuis la conclusion des négociations, le pourvoi en cassation n'a plus lieu d'être. « Il faut aujourd'hui laisser vivre cet accord, commente Dominique Gillier. L'important est d'avoir établi un cadre », dont pourront, à n'en pas douter, s'inspirer quantité d'entreprises.