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Enquête

Départs volontaires contre billets verts

Enquête | publié le : 18.03.2008 |

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Départs volontaires contre billets verts

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Le constructeur automobile General Motors vient de lancer un nouveau plan de départs volontaires pour ses 74 000 salariés. Objectif : évincer les cols bleus les mieux rémunérés pour les remplacer par des salariés «à moitié prix».

General Motors, le numéro un de l'automobile américaine, vient de proposer à l'ensemble de ses 74 000 salariés une offre de départ volontaire extrêmement tentante, avec des primes pouvant aller de 45 000 dollars à 140 000 dollars. La direction du groupe, installée à Détroit, a presque fait du sur-mesure. Les cols bleus âgés, qui affichent au moins trente ans de présence dans la maison, peuvent partir en retraite, à taux plein, tout en gardant leurs droits à une assurance santé. Pour les convaincre, la direction de General Motors met sur la table 45 000 dollars, voire jusqu'à 62 500 dollars, si le salarié occupait un emploi spécialisé.

Prime de préretraite

Pour les cadres approchant de l'âge de la retraite, les stratèges du constructeur ont imaginé la préretraite. Là encore, une prime de 45 000 à 62 500 dollars est promise, avec le versement de mensualités jusqu'à ce que le salarié atteigne ses trente ans de carrière.

La moyenne d'âge des salariés de GM est de 49 ans, avec une ancienneté maison de vingt-trois ans. Le potentiel de départs en retraite et en préretraite s'élève à 46 000 personnes.

Par ailleurs, le constructeur américain a également prévu, pour ses jeunes salariés, le versement de grosses sommes : de 70 000 à 140 000 dollars, selon le nombre d'années de présence. L'offre est cependant conditionnelle. Le partant ne bénificie ni d'assurance santé ni d'aide à la reconversion.

De 15 000 à 20 000 salariés visés

Toutes ces mesures mises bout à bout devraient convaincre, selon les estimations de Ron Gettelfinger, le patron du syndicat UAW (United Auto Workers), plus de 15 000 salariés, peut-être même 20 000. Ces troupes rendront leur bleu de travail cet été, au début du mois de juillet.

Ce dernier plan de départs volontaires n'est pas franchement original. Le numéro deux de l'automobile, Ford, est en train de mettre en oeuvre un projet similaire, avec, en plus, des possibilités de formation pour sa main-d'oeuvre plus jeune. Ainsi, les salariés de Ford peuvent poursuivre quatre ans d'études supérieures, tout en gardant leur assurance santé et 50 % de leur fiche de paie.

Les «big 3» de Détroit - Ford, General Motors, Chrysler - sont des habitués des adieux volontaires. General Motors a ainsi réduit sa force de travail, au cours des deux dernières années, de 40 000 personnes.

Recrues moins chères

Mais la grosse différence cette fois-ci, souligne Richard Hurd, professeur de relations du travail à l'université Cornell, « c'est qu'on remercie les employés pour faire place à de nouvelles recrues moins chères ». Les constructeurs américains se servaient auparavant des départs volontaires pour réduire leurs effectifs et ajuster la main-d'oeuvre à la production. Les concurrents japonais ayant grignoté une part de plus en plus importante du marché nord- américain, les «big 3» ont, bon gré mal gré, ajusté la voilure.

Une retraite revue à la baisse

Aujourd'hui, ils ne cherchent plus à diminuer la force de travail, ils veulent seulement abaisser son coût. Et les accords passés, cet automne, avec l'UAW autorisent General Motors à embaucher jusqu'à 16 000 nouveaux venus... à moitié prix. Le col bleu senior reçoit 28 dollars de l'heure. Son remplaçant se contentera de 16 dollars. Et en plus, il devra accepter une retraite et une assurance santé moins généreuses. « Les départs volontaires se paient cher à court terme, mais ils permettent d'économiser beaucoup sur le long terme », assure Richard Hurd. Pour la direction de General Motors, « c'est le moyen le plus rapide d'abaisser la structure des coûts, explique le professeur Dave Cole, président du Center for Automotive Research, à Ann Arbor, dans le Michigan, tout près de Détroit. Nous n'avions jamais vu une réduction de coûts d'une telle ampleur ». Le professeur a, en effet, fait ses comptes. Les économies réalisées ces derniers temps sur le poste de l'assurance santé permettent, à elles seules, de sauver 2 500 dollars par véhicule fabriqué. En ajoutant les nouvelles mesures mises en oeuvre, les autres méthodes de production et d'ingénierie, le coût salarial s'allège... - un gain de 5 000 dollars en moyenne pour le constructeur. De quoi économiser, d'ici à 2010, 4 à 5 milliards de dollars, a-t-on calculé à la direction financière de General Motors. Et aligner enfin des coûts de fabrication allégés, comparables à ceux des concurrents japonais, installés dans les usines du sud des Etats-Unis.

Que devient le salarié quittant son poste ?

La stratégie de la direction de General Motors paraît bonne pour le constructeur. Mais qu'en est-il du salarié qui, lui, abandonne son poste ? « Pour moi, la transition a été aisée, répond Mark Strong, 50 ans, un ancien de l'usine de Lansing, parti deux ans plus tôt à la retraite, avec une prime de 35 000 dollars en poche. Mark Strong et son frère avaient déjà lancé leur nouvelle entreprise dans le jardin de sa maison, quand il travaillait encore à l'usine. A ses temps perdus, il fabriquait des machines outils pour General Motors, Ford, Chrysler, l'industrie aéronautique... La prime lui a permis de rembourser certains emprunts et il s'est lancé à fond dans sa nouvelle aventure. La société Strong Products emploie, aujourd'hui, sept personnes. Mark Strong travaille de 9 heures du matin à 8 heures du soir. Et il adore. « C'est pour ma propre entreprise », se réjouit le jeune retraité.

Malgré tout, il ne recommande pas le départ volontaire pour tous. Car Mark Strong a vu de nombreux collègues, mal préparés, s'ennuyer à mourir. « Ils vont beaucoup à la pêche, regardent la télé, pratiquent les jeux vidéo. Quand on a tout juste fini le lycée, conclut-il, on ne peut pas retrouver un emploi à 28 dollars comme ça. »

Des dossiers à étudier de près

Chaque candidat doit soigneusement étudier son dossier. Les retraités peuvent toujours se reposer sur leur pension. Mais pas les jeunes salariés. « Que leur réserve l'avenir ? demande le professeur Hurd. Y aura-t-il un emploi pour eux chez General Motors dans cinq ans, dix ans ? » Certains le croient et restent. D'autres préfèrent prendre la cagnotte et préparer leur reconversion.

Pour le syndicat UAW, ces plans de départs répétitifs sont aussi lourds à digérer. L'UAW perd ses troupes. Le syndicat ne pèse plus qu'un tiers de ce qu'il était à la belle époque, dans les années 1970. Ses finances se réduisent. Et les nouveaux salariés moins bien payés lui sont moins fidèles. « Mais, observe Dave Cole, mieux vaut être petit et mince que mort. »