Alors que le progrès technique constituait la principale source d'extraction de plus-value pendant les trente glorieuses, cette même plus-value tend, aujourd'hui, à être de nouveau réalisée sur l'augmentation de la quantité de travail et les baisses de salaire, comme au tout début du capitalisme. Les dynamiques redistributives se sont inversées au profit du capital et au détriment des salaires. Dans le même temps, la globalisation de l'économie a entraîné la perte de contrôle des Etats-nations sur nombre de régulations économiques et sociales : le profit à court terme semble une règle à laquelle il paraît maintenant impossible de déroger.

Si le concept de «souffrance», qui tend à monter en puissance pour désigner le caractère insupportable des situations de précarisation, d'exclusion ou de stress au travail, permet bien de dénoncer pour partie l'injustice, la domination et la perte de valeur, celui-ci reste insuffisant pour une critique générale de cette situation.

L'extension légitime du concept de souffrance ne doit donc pas servir à faire l'impasse de la critique de l'aliénation accrue liée à l'émergence du néolibéralisme.

Pour Emmanuel Renault, philosophe à l'ENS Lyon, l'analyse des dysfonctionnements sociaux en termes de souffrance reste donc légitime, mais elle doit s'intégrer dans une problématique critique d'ensemble du fonctionnement social.