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« Il est temps de dépoussiérer tout cela »

Enquête | publié le : 04.03.2008 |

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« Il est temps de dépoussiérer tout cela »

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Alain Meignant, consultant RH spécialiste de la formation, juge nécessaire la défiscalisation du plan de formation des entreprises de plus de 10 salariés, mais pas sur les autres contributions. Il appelle aussi l'Etat à prendre ses responsabilités envers les 150 000 jeunes sortant chaque année du système éducatif public sans qualification.

L'obligation fiscale a peut-être été une étape utile historiquement, mais elle a eu comme effet pervers de faire confondre le moyen et le but. Les entreprises n'ont pas de problèmes de formation. Elles ont des problèmes de disponibilité de compétences. Les salariés n'ont pas de problèmes de formation, ils ont des problèmes d'accès à des parcours professionnels qualifiants et de maintien de leur employabilité. Or, tout le dispositif actuel tend à enfermer la formation comme une fin en soi : une obligation de financement perçue comme une taxe, des règles d'imputabilité qui la limitent dans des formes assez académiques, des indicateurs de volumes plutôt que de résultats. D'autres pays développés ont des systèmes efficaces en se passant très bien de cette approche fiscale. Il est temps de dépoussiérer tout cela.

Opca redéfinis

« Aujourd'hui, il est de la responsabilité des partenaires sociaux de branche de monter les dispositifs appropriés et de fixer contractuellement les règles de leur financement en s'appuyant sur des Opca dont le statut serait redéfini et, peut-être aussi, sur des prestataires de services labellisés. Certains Opca de branche font, aujourd'hui, un travail remarquable.

Règles a minima

Quant aux entreprises, c'est à leur direction de prendre la mesure de l'importance de la qualification du personnel. Beaucoup le font d'ailleurs très bien, et depuis longtemps. L'Etat n'a pas à leur tenir la main pour cela.

« Bien entendu, cet avis ne porte que sur le plan de formation. La partie de l'obligation qui finance les actions pour les jeunes, les parcours professionnels, le CIF, les bilans de compétence, et, de manière générale, ce qui ne relève pas directement de la stratégie propre à l'entreprise, doit rester fiscalisée, avec des règles nationales a minima améliorables par conventions de branche.

Mais si 150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif public sans qualification, avec les coûts que cela induit pour la formation postscolaire, ce n'est pas de la faute des entreprises. Dans une réforme globale du système de formation, chacun doit prendre ses responsabilités.

Droits attachés à la personne

« Sur le DIF transférable, la question est, pour moi, essentiellement politique. Ce pays veut-il donner à chacun une sorte de crédit d'éducation tout au long de sa vie, attaché à sa personne et non à sa relation avec un employeur particulier ? L'accès à la reconnaissance de la qualification pourrait emprunter trois voies, également valorisées, ouvertes pendant toute une vie : la formation initiale, la formation continue, la VAE. Ce serait certainement une avancée sociale très significative, une contribution au dynamisme de notre économie, et à l'employabilité de nos concitoyens.

Si oui, comment le financer ? C'est évidemment là que cela se complique, chacun comptant sur les autres. Si les politiques ne donnent pas du souffle à ce projet, il va s'enliser dans les bricolages et la bureaucratie. C'est comme si on ne parlait de la santé publique qu'en termes de taux de remboursement de la Sécurité sociale.

Sur la question des Opca, l'équilibre est délicat. Il faut à la fois faire des économies d'échelle pour maîtriser les coûts de gestion, dégager des ressources pour des investissements mutualisés, mais aussi conserver une orientation politique fixée par les professions, qui sont les seules à pouvoir défendre leurs intérêts.

Autonomie menacée

« Les petites branches craindront, à juste titre, de perdre leur autonomie si elles sont minoritaires dans des regroupements plus larges. Si vous regroupez le petit commerce alimentaire avec la grande distribution, vous renforcez l'hégémonie de cette dernière, alors que, précisément, des politiques des petites branches visent à s'en dégager en renforçant l'avantage concurrentiel que peut leur donner la compétence de leurs vendeurs spécialisés. Toute mesure réglementaire de regroupement obligé me semble inappropriée.

Reste la question de l'interprofessionnel et de la dimension territoriale. Les marchés étant mondiaux, l'échelon régional n'a pas grand-chose de pertinent à dire, si ce n'est soutenir les entreprises dans leur développement. En revanche, il a un rôle à jouer dans la régulation du marché de l'emploi local et un gros effort à faire sur l'optimisation des instruments dont il dispose. Quant aux Opca interprofessionnels, ils ont souvent démontré leur efficacité. Pour les entreprises dont les branches professionnelles sont inertes sur ces questions, ils constituent une alternative, et, puisqu'on est en économie libérale, une saine concurrence fondée sur la qualité des prestations fournies est souhaitable. »

«

« Dommage de ne pas attendre six ans »

« La suppression du 0,9 % plan de formation des entreprises de plus de 10 salariés renforcerait la différence de traitement entre les grandes entreprises et les petites. Les premières formeraient toujours, peut-être un peu moins ; les petites et moyennes y réfléchiraient vraiment.

Sur le DIF transférable : s'il est retenu une «taxe DIF» financée via les Opca de 9,15 euros/heure, alors que les tarifs des formations intra tournent autour de 25-30 euros l'heure et ceux des formations inter autour de 60-70 euros l'heure, les entreprises réfléchiront à deux fois avant de financer des formations via le DIF. On peut craindre que celles qui n'ont pas promu le DIF s'inscrivent, du coup, dans une stratégie attentiste.

Quant à la question des Opca, étant donné que je siège au sein de notre Opca de branche, Auvicom, je sais bien tout le travail qui y est fait, et en tant qu'utilisateur de ses services, j'en suis tout à fait satisfait : qualité de conseils, montage de formations pour les TPE... J'ai peur qu'une restructuration maladroite des Opca me fasse perdre en proximité. Je sais aussi que la gestion paritaire d'un Opca nécessite des moyens.

Au final, je trouve dommage de ne pas avoir été au bout du premier cycle de six ans de la réforme de 2004, car, visiblement, le DIF commence à démarrer. »

PROPOS RECUEILLIS PAR L.G.