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L'intégration des salariés dans l'entreprise est l'affaire de tous

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 04.03.2008 |

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L'intégration des salariés dans l'entreprise est l'affaire de tous

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Les ruptures de contrat avant la fin de la période d'essai sont de plus en plus nombreuses. Améliorer l'intégration des salariés dans l'entreprise permettrait d'éviter cette rotation excessive du personnel, qui coûte cher aux employeurs.

E & C : Quelle est l'ampleur du phénomène des ruptures de contrat prématurées et quelles en sont les raisons ?

Odile Maurice-Desbat : Selon l'enquête de l'Insee «Emploi et flux de main-d'oeuvre en France en 2007», il faut compter en moyenne trois personnes recrutées pour une embauche définitive. La rupture est aussi bien le fait de l'employeur que celui des salariés. Mais c'est surtout la rupture côté salarié qui étonne, dans une période de chômage assez élevé. Les raisons de ce turn-over sont multiples. Les entreprises ont pris l'habitude de compter avec un flux de main-d'oeuvre suffisant pour faire et défaire leur volume d'emploi. Elles ont le choix entre plusieurs candidats qu'elles trient selon des critères pas toujours pertinents et envisagent la période d'essai davantage comme une période de test que d'intégration.

De leur côté, les salariés préfèrent parfois décider de la rupture plutôt que la subir. Enfin, parmi les causes de rupture à l'initiative du salarié, on trouve celles qui sont liées aux conditions d'emploi insatisfaisantes (salaires, contrats) ou aux conditions de travail difficiles, pas reconnues comme telles et pas toujours accompagnées de façon à être compensées. Un nouvel embauché ne rompt pas son contrat pour une cause mais pour plusieurs : accueil bâclé, insuffisance d'information sur son poste, pas de visibilité sur son évolution, incompréhension de sa tâche par rapport à l'activité d'ensemble de l'entreprise, etc.

E & C : Quel est l'enjeu pour les entreprises de réduire ce turn-over ?

O. M.-D. : Il y a, d'abord, des enjeux de coûts. Ceux, directs, des recrutements à répétition sont faciles à calculer. En revanche, il n'y a pas de calcul fin sur ce que représente le fait de débaucher et de réembaucher.

Mais, au-delà du coût économique, il y a un coût pour les salariés en place qui doivent accueillir sans arrêt des personnes qui ne restent pas. Cela représente une fatigue mentale et a un impact sur sa santé. Le coût de la précarité pour le nouveau encore en CDD se combine au risque d'accident plus élevé dans ces situations.

Autre élément important : la baisse démographique de la main-d'oeuvre disponible. Les entreprises n'auront plus à leur disposition, dans les années à venir, le flux de main-d'oeuvre auquel elles étaient habituées. Il faut donc qu'elles travaillent sur ce qui va permettre aux salariés de rester, c'est-à-dire sur leur intégration.

E & C : Comment réussir l'intégration d'un nouvel embauché ?

O. M.-D. : L'intégration est un processus à part entière qui se déroule en trois phases : l'analyse des besoins, le recrutement, la stabilisation. Dans les PME, les problèmes d'intégration sont souvent dus à la définition de poste, à l'écart entre ce qui est demandé et ce qui est réalisé. Très souvent, la réalité est plus complexe. Devant la réalité du travail à accomplir, le nouvel embauché peut paniquer, d'autant plus qu'on lui aura dit que la tâche était simple. L'employeur doit donc repérer, dans la définition du poste, ce qui mettra en tension les personnes dans le travail. Il pourra donc plus aisément préciser au candidat ses besoins et ses attentes.

Dans la phase de recrutement, il est important de veiller à établir des critères calés sur les besoins. La motivation, par exemple, n'est pas un critère. On ne peut pas être motivé par un travail qu'on ne connaît pas. Il faut se référer aux tâches et aux missions du poste. Il est toujours possible de recruter quelqu'un qui présente un écart avec le poste, mais à condition d'avoir les moyens en interne de réduire cet écart (formation, tutorat, soutien d'équipe...).

Aujourd'hui, un employeur doit moins s'interroger sur le fait de savoir si le candidat est bon que sur les capacités de l'entreprise à le faire devenir bon. Sur une chaîne, cela pourra être tout simplement placer la personne à côté du salarié qui aura les qualités requises pour accompagner, rassurer, aider à l'appropriation du poste, bref, faciliter la place du nouveau salarié. Un patron de PME qui a fait cela est passé d'une rotation de 20 intérimaires pour un poste à 2 intérimaires fidélisés.La stabilisation se fait dans le temps. Au niveau cadre, en particulier, il faut un an pour comprendre ce qu'on a à faire. L'intégration se prolonge notamment au cours des premiers temps d'évaluation sur les savoir-faire acquis et sur les difficultés rencontrées. Là, il faut faire attention à la pertinence de méthodes qui peuvent conforter le salarié ou l'éjecter.

E & C : L'employeur est-il le seul responsable de l'intégration ?

O. M.-D. : Non. L'intégration nécessite un travail en coopération de tous les acteurs : acteurs internes à l'entreprise et même externes (services de l'emploi, organismes de formation, de conseil...). Il y a coopération lorsqu'un chef d'entreprise demande conseil à des salariés pour la définition d'un poste, quand une équipe de travail convient de qui fait quoi pour intégrer un nouveau. Aujourd'hui, vu le nombre de causes de rupture, je pense que la coopération est la condition de l'intégration. Jamais un seul des acteurs ne peut avoir toute la compréhension d'une situation.

Parcours

• Odile Maurice-Desbat a travaillé dans le domaine de la formation et de l'insertion auprès de publics précaires avant d'intégrer Aravis (Agence régionale pour l'amélioration des conditions de travail de Rhône-Alpes) où elle est chargée de mission.

• Elle intervient, notamment, sur les problématiques d'insertion professionnelle et les liens entre la GRH et le territoire.

• Sous sa direction, vient de paraître L'intégration dans l'entreprise - Travailler en coopération (éditions Anact, collection « Agir sur »).

Ses lectures

Fragile humanité, Myriam Revault d'Allonnes, Aubier, 2002.

Pereira prétend, Antonio Tabucchi, Christian Bourgois, 1995.

Les poèmes d'Emily Dickinson.