L'intérim est la forme d'emploi dominante dans nombre de métiers du bâtiment et, notamment, dans les métiers de manoeuvre. En outre, le recours à une main-d'oeuvre immigrée au statut précaire est massif.

Dans ce secteur, le racisme est si omniprésent que la place de chacun semble strictement déterminée par son origine ethnique, constituant un véritable apartheid professionnel, où «Mamadou» et «manoeuvre» deviennent des mots quasi synonymes.

Derrière ces évidences peu reluisantes au regard de l'éthique se joue, bien sûr, une politique d'externalisation et de précarisation de la main-d'oeuvre, sans laquelle les marges bénéficiaires des grands du bâtiment ne seraient pas ce qu'elles sont. Pourtant, le rapport de force entre employeurs et ouvriers, qui semble si souvent défavorable aux salariés les plus fragiles, est loin d'être toujours aussi simple qu'il y paraît, du point de vue des intérêts économiques.

Après avoir passé un an comme ouvrier intérimaire, Nicolas Jounin, professeur et chercheur, met en évidence les résistances ténues, éparpillées, silencieuses et têtues, qui menacent, à l'occasion, les constructions elles-mêmes, et qui contraignent les employeurs à mettre en place des stratégies de compensation.

Une immersion qui met à jour le jeu de l'oppression et de la résistance sur les chantiers.

Nicolas Jounin est maître de conférence en sociologie à Paris-8 et chercheur au laboratoire Urmis (Unité de recherches migrations et société).