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Les pratiques

Le projet d'instance européenne de négociation dans l'impasse

Les pratiques | Retour sur... | publié le : 26.02.2008 |

Après presqu'un an de préparation, le projet d'accord de Sanofi-Aventis sur une instance de négociation européenne a buté sur le vote des syndicats nationaux.

Il n'est pas simple de faire avancer la négociation d'entreprise au niveau européen. Sanofi-Aventis vient d'en faire l'expérience, en échouant à mettre en oeuvre une instance de négociation européenne. Le courrier envoyé à son directeur des relations sociales Frédéric Cluzel par le patron de la fédération européenne de la chimie Emcef, pourtant associée depuis plusieurs mois à ce projet, douche les espoirs de la direction et d'un certain nombre de partenaires sociaux du groupe pharmaceutique, qui compte 54 000 salariés en Europe.

« Nous avons un CE européen, mais nous souhaitions élaborer, par ailleurs, une instance permettant de négocier des accords applicables, quitte, bien sûr, à les décliner en fonction des législations locales, explique Frédéric Cluzel. Au cours de l'année passée, nous étions pourtant parvenus en phase de signature d'un projet d'accord avec les deux fédérations européennes légitimement habilitées à signer, la Feccia (cadres, NDLR) et l'Emcef. » Une telle instance de négociation aurait été pour le moins innovante, alors que les CE européens ne peuvent qu'être informés et consultés, et que la réforme de la directive de 1994 les concernant a pris sept ans de retard.

Fin 2006, le bureau du CEE et la direction de Sanofi-Aventis s'accordaient sur l'idée d'une nouvelle instance de négociation. « Dès avril dernier, la direction, qui souhaitait signer avec les fédérations européennes, disposait d'un texte de base pour négocier », se souvient Françoise Pierre, secrétaire CFDT du comité européen.

Accord à durée déterminée

Le projet d'accord, validé par le CEE, instituait une instance de négociation, composée de 24 membres pour trente pays, des syndicalistes appartenant à une organisation nationale membre de l'Emcef ou de la Feccia. Une proportionnalité lissée devait équilibrer l'importance relative des pays participants. Ainsi, la France, avec 29 000 salariés, aurait disposé de six représentants. A partir de 160 salariés, chaque pays pouvait disposer d'un représentant. En outre, chacune des deux fédérations européennes désignait un membre supplémentaire, parmi les salariés du groupe.

« Sur un terrain aussi nouveau, nous avions prévu un accord à durée déterminée, limité à trois ans, poursuit Frédéric Cluzel. La première réunion était destinée à déterminer par accord les thèmes susceptibles d'être traités par cette instance et aurait rappelé les sujets de prérogative nationale. »

L'Europe du Nord refuse de valider

Pour Françoise Pierre, dont le syndicat, CFDT, fait partie de l'Emcef, le coup est rude : « Nous avons été la seule fédération française à répondre dans les temps et positivement, regrette-t-elle. L'Europe de l'Est et l'Europe du Sud ont globalement répondu «oui» à la consultation de l'Emcef ; l'Europe du Nord, dont la France et l'Allemagne, a rejeté l'accord. » En France, FO et la CGT ne l'ont pas validé.

Au siège de l'Emcef, à Bruxelles, on ne souhaite guère s'étendre sur cette décision. « Elle est le résultat d'une consultation des membres », indique-t-on en sourdine. C'est que le dossier semble avoir pris des chemins de traverse au sein de cette fédération européenne. « Il y a eu, semble-t-il, une confusion sur la question des prérogatives d'un CE européen, estime Gilles Hellier, secrétaire adjoint du CEE de Sanofi-Aventis et représentant CGT. Dans notre projet d'accord, il s'agissait bien d'une instance distincte. » Au dernier moment, à l'Emcef, le dossier passe des CEE à la commission du dialogue social. Le courrier de consultation des instances nationales part finalement le 20 décembre dernier, pour une validation prévue le 18 janvier. « Le délai était court et le courrier un peu orienté, juge un syndicaliste. Il revenait en particulier sur le fait que les CEE ne doivent pas négocier. »

Il aura manqué un peu de pédagogie pour faire progresser cette initiative. Françoise Pierre rappelle, néanmoins, que l'Emcef avait déjà refusé la signature d'un texte des CEE sur les « principes de la politique de l'emploi » du groupe, lors de l'OPA de Sanofi-Synthelabo sur Aventis, en 2004.

Mais, au-delà du jeu des acteurs, l'initiative de Sanofi-Aventis, en avance sur la réglementation européenne, soulevait des questions de fond. « De nombreuses fédérations souhaitaient que les sujets traités par une telle instance soient définis à l'avance, par crainte d'un empiètement sur les prérogatives des partenaires sociaux nationaux, souligne Gilles Hellier. D'autre part, en cas de litige, quelle juridiction aurait été compétente ? »

Frédéric Cluzel se veut fataliste : si nécessaire, « l'Europe sociale prendra d'autres chemins chez Sanofi-Aventis ».