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La réindustrialisation du territoire devient une affaire d'Etat

L'actualité | publié le : 26.02.2008 |

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La réindustrialisation du territoire devient une affaire d'Etat

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Pour endiguer la série noire des restructurations, Nicolas Sarkozy propose de créer un fonds national pour la réindustrialisation. Mais sans fournir le mode d'emploi.

Un fonds national de réindustrialisation du territoire ? Si les modalités de cette nouvelle structure sont encore floues, le souhait de Nicolas Sarkozy est, lui, très clair : les plans sociaux ne sont pas uniquement l'affaire des entreprises, contrairement aux déclarations de Francis Mer, président du conseil de surveillance de Safran, ancien ministre de l'Economie, qui indiquait, le 21 février, dans une interview à La Croix, que « L'Etat n'a pas le droit d'empêcher un groupe de restructurer ». « Au nom de quoi l'Etat français interviendrait-il maintenant pour empêcher que le numéro un mondial de son secteur gère correctement ses actifs ? De même, au nom de quoi serait-il interdit à Michelin de fermer l'usine de Toul ? »

Devoir d'intervention du gouvernement

Pas question pour le gouvernement de rester inactif, surtout à la veille des élections municipales. Les pouvoirs publics ont aussi un devoir d'intervention. Il s'agit de « mettre le paquet là où il y en a le plus besoin », a déclaré le chef de l'Etat, lors d'une visite sur le site de l'ex-usine Metaleurop (Pas-de-Calais), le 21 février. Ce fonds serait abondé par l'Etat, aux côtés des collectivités et des entreprises. « Le contribuable n'a pas à se substituer à l'employeur, surtout lorsqu'il s'agit de grands groupes bénéficiaires », a aussitôt critiqué la CFDT du Nord-Pas-de-Calais.

L'hémorragie se poursuit

Si le projet est encore au stade du balbutiement, le gouvernement affirme la prééminence du politique pour le maintien du tissu industriel. Déjà, le 16 janvier, devant les employés de l'aciérie d'ArcelorMittal, à Gandrange, le président de la République avait laissé entendre que l'Etat était prêt à subventionner le site pour en préserver l'activité. Le groupe sidérurgique avait annoncé la suppression, d'ici à 2009, de 595 des 1 108 emplois de l'usine. Et l'hémorragie se poursuit ces dernier mois : Miko, Salomon, Arc International, Arkema, SKF, AGF... Ce mouvement s'accompagne parfois de conflits musclés.

A Toul, notamment, deux cadres de l'usine Kléber (Meurthe-et-Moselle), le DRH et le chef du personnel, ont été séquestrés pendant trois jours, du jeudi 14 au dimanche 17 février ; les salariés estimant que les conditions de départ étaient insuffisantes.

Durcissement des conflits

A Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), les salariés de l'Imprimerie nationale ont bloqué pendant trente jours, du 19 janvier au 20 février, le site où sont imprimés de nombreux sujets de concours nationaux pour protester contre un plan social prévoyant la suppression de 77 des quelque 120 emplois. Un protocole de fin de conflit, rédigé le 17 février, à l'issue de longues négociations, avait été estimé « acceptable » par les syndicats CGT et CFDT. Mais le résultat de la consultation auprès des salariés a été jugé trop serré pour qu'il puisse être signé en l'état.

En Gironde, l'affaire s'est durcie et se passe, désormais, au tribunal. La direction de Getrag Ford Transmissions (GFT) a assigné, devant le TGI de Bordeaux, le 20 février, quatre responsables syndicaux de Ford Aquitaine Industries pour entrave au fonctionnement de l'usine. GFT avait dû mettre ses 900 salariés au chômage technique à la suite d'un blocage des approvisionnements par des salariés de l'usine voisine Ford Aquitaine Industrie, qui protestait pour obtenir des garanties sur la pérennité de leur site après 2010.

L'impact de ces restructurations sur l'opinion publique est d'autant plus marqué que certaines de ces entreprises viennent, dans le même temps, d'annoncer d'excellents résultats. Les déclarations de Nicolas Sarkozy apaiseront-elles le climat ? D'ores et déjà, les gouvernements qui se sont succédé ont tenté d'améliorer les règles du jeu.

Promesses non tenues

En 2003, Jean-Pierre Raffarin avait créé la mission interministérielle sur les mutations économiques (Mime). En parallèle, les contrats de site, chargés d'accompagner les victimes des licenciements, ont été lancés, en mobilisant des « moyens exceptionnels » (Etat, service public de l'emploi, collectivités locales, entreprises). Mais les résultats restent contrastés. La Mime n'a jamais disposé de budget propre et les contrats de site n'ont pas tous tenu leurs promesses.

C'est surtout la loi de modernisation sociale, de 2002, puis celle de cohésion sociale, du 18 janvier 2005, qui ont posé le principe de responsabilité des entreprises, avec l'obligation de revitalisation. Aujourd'hui, toute société de plus de 1 000 salariés entamant un PSE est tenue de favoriser la création d'activités nouvelles pour des montants qui ne peuvent être inférieurs à deux fois le Smic brut mensuel par emploi supprimé. Mais quels que soient les moyens déployés, la difficulté de la tâche ne doit pas, toutefois, être masquée. Trouver des filières de remplacement sur un territoire est ardu.

Quelle politique industrielle ?

Pour Dominique Paucard, consultant chez Syndex, cabinet d'expertise pour les comités d'entreprise, « ce projet est une bonne idée ». Même si plusieurs réserves s'expriment. « De quelle manière les acteurs locaux seront-ils associés ? Sera-t-il opportun de proposer ce fonds aux entreprises en bonne santé ? Il est urgent de développer une politique industrielle cohérente, mais elle ne peut se décréter sur un simple coup médiatique. »