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Enquête

L'«action positive», une pratique émergente

Enquête | publié le : 26.02.2008 |

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L'«action positive», une pratique émergente

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L'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) a effectué un relevé des objectifs quantifiés, supposant une action positive, que se sont fixés certaines entreprises, et les a classés. L'outil le plus populaire est l'enveloppe salariale dédiée à la réduction des écarts.

L'Orse a produit, mi-février, une note relative aux «actions positives» des entreprises en matière d'égalité professionnelle, qu'Entreprise & Carrières a pu consulter. Sont concernées les entreprises ayant signé des accords visant « à assurer l'égalité réelle et concrète par des actions spécifiques et temporaires » réservées aux femmes, mais aussi aux hommes, en vue d'atteindre des objectifs quantifiés.

Sans prétendre à l'exhaustivité, l'Orse a distingué les actions des entreprises dans cinq domaines RH : le recrutement, les promotions, les classifications, les rémunérations et... la parentalité, c'est-à-dire un rééquilibrage des rôles dans la vie familiale au profit des hommes. Dans le domaine du recrutement, il peut s'agir d'objectifs globaux de féminisation (20 % chez EADS à l'horizon 2006) ; d'objectifs sur certains postes (lire l'article sur ADP p. 25), ou encore pour les stagiaires et les apprentis (PSA). S'agissant des promotions, l'objectif chiffré est utilisé pour briser le plafond de verre. Ainsi, BNP-Paribas s'engage à parvenir à un taux minimum de 44 % de femmes parmi l'effectif cadre d'ici à la fin de 2010.

Révision des classifications

Constatant que certaines de leurs classifications, fortement féminisées (secrétariat), étaient mal rémunérées, des entreprises « se sont engagées dans une révision de ces classifications pour permettre un changement de statut des femmes concernées et, par conséquent, de leur niveau de rémunération », à l'instar de Schneider Electric Industries avec les titulaires d'un BTS de secrétariat.

C'est dans le domaine des rémunérations que les entreprises font le plus preuve de volontarisme. « C'est d'autant plus nécessaire que la loi de mars 2006 oblige les entreprises à supprimer tout écart de salaire d'ici au 31 décembre 2010 », explique la note.

L'Orse distingue deux catégories d'actions volontaristes en la matière : celles qui, pour éviter que les écarts ne se creusent à l'avenir, prévoient un principe de proportionnalité entre la répartition des augmentations et la population féminine (EADS, PSA, France 3...) ; et celles qui, pour le passé, travaillent à supprimer les écarts existants. Dans ce dernier cas, les entreprises procèdent de deux manières : en examinant les dossiers des catégories susceptibles d'être discriminées (Crédit mutuel de Normandie, Valéo, BNP, Société générale) ; et/ou en définissant une enveloppe salariale dédiée aux rattrapages. Cette dernière pratique semble la plus répandue : l'Orse a compté 24 accords d'entreprise prévoyant de telles enveloppes. La plupart sont postérieurs à 2003.

Enfin, l'Orse introduit une nouvelle catégorie d'actions positives, engagées en direction des hommes, par des entreprises qui « font le constat que les dispositifs de conciliation [des temps de vie, NDLR] ne sont utilisés que par les femmes et, de ce fait, les pénalisent », comme, par exemple, les congés parentaux ou les temps partiels. Elles peuvent alors agir en direction des salariés masculins, par exemple, en assurant le maintien du salaire pour le congé paternité, quand la prise en charge légale est de 84 % du salaire brut plafonné.

Vecteur de changement social

« Ces entreprises considèrent donc que, si elles veulent réaliser l'égalité entre les hommes et les femmes, elles doivent aussi s'engager sur des questions extraprofessionnelles ; un accord d'entreprise devient ainsi un vecteur du changement social », commente François Fatoux, délégué général de l'Orse.

125 accords d'égalité professionnelle signés depuis 2002

Entre 2002 et mi-février 2008, 125 accords d'entreprise consacrés entièrement aux questions d'égalité professionnelle ont été signés, selon l'Orse, le seul à tenir le compte de ces accords (la plupart sont téléchargeables sur <www.egaliteprofessionnelle.org>). L'année dernière, 19 accords ont été paraphés - un en 2008 - contre 33 en 2006. Cette baisse de la production normative sur ce thème pourrait s'expliquer par le fait que « les entreprises attendaient la conférence sociale qui s'est tenue le 26 novembre », avance François Fatoux, délégué général de l'Orse. En revanche, 10 avenants ont été signés en 2007 contre quatre l'année précédente. Ils correspondent à des rajouts ou à une renégociation de l'accord précédent, dont la durée de vie légale est de trois ans.

Présence des grandes entreprises

Sur ces 125 accords, un cinquième proviennent du secteur de la banque et de l'assurance. « Toutes les grandes entreprises sont représentées », relève l'étude. Vient, ensuite, le secteur du transport, qui, avec 15 accords, compte pour 12 % du total. Les secteurs des biens et services industriels, de l'automobile et des équipementiers, et de l'énergie arrivent ensuite.

L'étude relève que « s'il est difficile d'avoir une vision précise des effectifs couverts par les accords égalité [...], aucune entreprise ne compte moins de 1 000 salariés ». Sur les 40 sociétés du CAC 40, un peu plus de la moitié (24) ont signé un accord. Si l'on se réfère au SBF 120, seules 20 % (34) des entreprises cotées dans cet indicateur ont signé. Quant aux branches, 13 d'entre elles se sont dotées d'un accord sur l'égalité professionnelle depuis 2002, la dernière étant la mutualité sociale agricole, en janvier dernier. « Différentes branches sont en cours de négociation, et notamment le Syntec, la chimie, la plasturgie, le pétrole », relève l'étude.

E. F.

Un droit importé

Les actions positives ou les discriminations positives en faveur des femmes ont fait leur entrée dans le Code du travail à l'occasion de la loi du 13 juillet 1983 (loi Roudy) relative à l'égalité entre les hommes et les femmes. L'article L. 123-3 du Code du travail les définit comme des « mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à établir l'égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes ». Elles concernent les domaines de l'embauche, de la formation, de la promotion, de l'organisation et des conditions de travail. Les termes de «discrimination positive» ou d'«action positive» ne figurent pas dans l'article du code.

Michel Miné, professeur de droit du travail à la chaire de droit social du Cnam, insiste sur l'aspect « temporaire » de ces mesures : « Elles n'ont pas vocation à être instaurées de façon permanente. En général, elles sont mises en place pour une durée de trois ans, ce qui correspond à la durée d'un accord, et s'arrêtent dès lors qu'on est arrivé à l'égalité. C'est ce qui distingue l'action positive européenne de la discrimination positive indienne. » Notons que l'expression d'«action positive» figure dans l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 sur l'égalité professionnelle, mais pas sa définition.

L'action ou discrimination positive « n'est pas une invention du droit français, mais une traduction du droit communautaire, lui-même influencé par le droit britannique », relève Michel Miné. La disposition de la loi Roudy est, en effet, une transposition d'une directive européenne du 9 février 1976, qui pose que ne sont pas contraires au principe de l'égalité de traitement « les mesures visant à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes ».

Documents consultables sur

< www.wk-rh.fr >, rubrique Entreprise & Carrières, «compléments d'articles».