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« Les entreprises ont besoin de la «génération Y» »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 19.02.2008 |

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« Les entreprises ont besoin de la «génération Y» »

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La «génération Y» est arrivée en entreprise. Les comportements de ces personnes nées entre 1978 et 1994 défient les classifications habituelles des générations et nécessitent de repenser le recrutement, l'intégration, la formation ou encore le management.

E & C : Quelles sont les principales caractéristiques de la génération Y ?

Benjamin Chaminade : Elle partage quatre spécificités : des parents surprotecteurs, qui ont eu tendance à en faire des enfants-rois ; une méfiance vis-à-vis du marketing dans lequel elle baigne depuis toujours ; un marché de l'emploi en leur faveur (même si la France, dans ce domaine, reste une anomalie) ; et une technologie omniprésente (Internet, mobile...). Ces caractéristiques ont créé des comportements que l'on peut regrouper sous les «4i» : individualisme, interconnexion, impatience et inventivité. L'individualisme s'exprime, par exemple, par le fait que le salarié cherche à apprendre, d'abord pour se rendre indispensable et, ensuite, pour choisir son employeur... L'interconnexion se traduit par le développement de réseaux tels que Facebook, où l'individu est à la fois seul et connecté avec sa tribu. Il n'est plus nécessaire de se rencontrer pour être amis. Le côté positif est que cette génération est capable de trouver les réponses aux questions qui lui sont posées via ces communautés virtuelles. L'impatience s'exprime par «je veux tout, tout de suite et pour rien !». Toute attente ou longueur devient insupportable. Enfin, l'inventivité. Jamais nous n'avons eu autant de facilités à accéder à des outils de création (photo, vidéo, écriture, blog...) et de partage avec le monde entier. Dans l'entreprise, cela s'exprime par des individus qui ont des idées, mais ne veulent plus attendre d'être managers pour les voir prises en compte. En revanche, ils ont du mal à se fixer sur un point précis. Ce sont d'éternels zappeurs qu'il faut encadrer et canaliser.

Il est important de les comprendre, car les entreprises ont besoin d'eux. Etant souvent «derrière le comptoir», ils représentent l'entreprise et son image. Sans oublier que la guerre des talents est plutôt à leur avantage.

Au niveau démographique, la génération Y est plus nombreuse que la génération X (ceux nés entre 1960 et 1980). Plusieurs éléments leur donnent l'impression qu'ils vont pouvoir changer les choses : les départs à la retraite de la génération des baby-boomers, le fait qu'ils «doublent» souvent les générations X sur les postes qui se libèrent, le culte de la jeunesse. En France, il n'est pas très développé, mais aux Etats-Unis, notamment, on estime que les meilleures idées arrivent avant 25 ans.

E & C : Quelles pratiques managériales sont remises en cause par cette culture Y ?

B. C. : La fidélisation et le respect ne sont plus dus, ils se méritent. « Respecte-moi d'abord, et je te respecterai », telle est leur devise. Le contrôle et les hiérarchies sont également menacés. On veut une direction et des moyens d'apprendre par soi-même, pas un chef sur le dos. On estime avoir également des choses à apprendre aux plus anciens. Il faut donc développer l'autonomie pour garder les personnes motivées. La génération Y veut qu'on lui dise « tu dois aller du point A au point Z en X mois, et je te donne tels moyens », mais sans lui indiquer les différentes étapes. Elle considère le travail comme un voyage, une quête d'apprentissage et d'identité.

Il faut également favoriser les réseaux de compétences et d'intérêts (interne et externe), même si, sur ce sujet, la France est très en retard. La génération Y a de grandes facilités à travailler en groupe, même sans se connaître. Or, beaucoup d'entreprises françaises font l'inverse en fermant l'accès à Internet. Il faut, au contraire, organiser ces échanges, à l'instar d'Alstom, qui a nommé une responsable Community Networks.

Par ailleurs, corollaire de la guerre des talents, il faut recruter qui veut et non qui sait. Choisir qui a envie de s'investir, même s'il n'a pas d'expérience, plutôt que quelqu'un qui possède le savoir, mais un profil de mercenaire ; oublier le CV pour se concentrer sur les valeurs, les compétences, la personnalité et les comportements.

E & C : En termes de politique RH, sur quels points doit-on être très attentifs ?

B. C. : Les comportements de la génération Y se répercutent sur les autres générations. Il est donc plus juste de parler de culture Y. Cela implique de ne pas traiter les gens selon leur âge, mais selon leur situation dans la vie professionnelle. Il faut prendre en compte leur niveau d'engagement (sont-ils en phase d'exploration, de stabilisation, de maintenance ou de démobilisation ?) afin d'adopter les attitudes managériales les plus adaptées.

E & C : Certaines entreprises ont-elles intégré cette culture Y ?

B. C. : Le Club Med réfléchit sérieusement à l'intégration et au management des moins de 30 ans. Dans certains villages, où les managers ont voulu maintenir les pratiques anciennes, la désertion des jeunes est massive. A l'inverse, les chefs de village qui savent demander aux plus jeunes leur avis ont réussi à réduire le turn-over à 2 %. C'est épuisant, mais c'est payant !

E & C : Les pratiques de marketing RH de certaines entreprises vous paraissent-elles bien adaptées aux attentes de la génération Y ?

B. C. : La génération Y se méfie terriblement du marketing, vite considéré comme de la «manipulation». Davantage que la marque employeur, il vaut mieux développer l'offre employeur, plus terre-à-terre, car la génération Y est facilement déçue. Quand on rencontre un candidat, il faut lui présenter la personne avec qui il travaillera, ce qu'elle va lui apprendre, le projet sur lequel il sera positionné dans un an, les formations qu'il recevra les trois premières années... Il faut parler des collaborateurs et pas seulement du poste à pourvoir.

Cette culture Y est en train d'arriver en France, mais avec au moins cinq ans de retard sur le reste du monde.

Parcours

• Benjamin Chaminade est un expert franco-australien en management des talents.

• Il anime le blog < www. generationy20.com > traitant de la génération Y et de la culture 2.0.

• Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la gestion des talents, le management des compétences... Son prochain livre, consacré à la génération Y, paraîtra en juin aux éditions Studyrama.

Lectures

Funky business forever, Jonas Ridderstrale et Kjell Nordstrom, Prentice Hall, 2008.

Senior, talent et compétences dans l'entreprise, Alain Labruffe, Afnor, 2007.

Savoir se vendre pour réussir sa carrière, Armand Mennechet, Afnor, 2007.