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La représentativité des syndicats salariés

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 19.02.2008 |

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La représentativité des syndicats salariés

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Alors que les partenaires sociaux réfléchissent à une réforme de notre démocratie sociale, le Medef a transmis aux organisations syndicales salariées, le 1er février 2008, une «note de problématique» dressant un bien sombre tableau de l'état du syndicalisme français. Dans la perspective d'une «décentralisation» croissante de la définition de la norme collective au niveau des entreprises, il est tout à fait naturel de s'interroger sur la question de la représentativité des syndicats de salariés.

Néanmoins, deux constats préalables sont nécessaires. En premier lieu, il faut relever que rares sont les accords collectifs, parmi la masse des accords conclus chaque année, qui font l'objet d'un contentieux, voire d'une critique portant sur la représentativité des organisations syndicales qui les ont signés. La plupart des accords se révélant globalement favorables aux salariés, il est logique que ceux-ci ne trouvent d'ailleurs pas à s'en plaindre, indépendamment de la légitimité de leurs signataires. La question de la représentativité est donc, avant tout, un débat intellectuel avant de poser un réel problème pratique au sein des entreprises. D'ailleurs, lorsque celles-ci se plaignent du manque de représentativité des organisations syndicales, c'est plutôt parce qu'elles ont l'impression que la difficulté de parvenir à un accord tient justement à ce manque de représentativité. En second lieu, toutes les réformes mises en oeuvre jusqu'ici pour améliorer la légitimité des organisations syndicales, comme en témoigne le critère de majorité inséré par la loi du 4 mai 2004, n'ont pas eu pour effet de renforcer les organisations syndicales. Si l'on s'attache aux chiffres, grandes ou petites organisations syndicales demeurent, dans le secteur privé, très peu représentatives, bien que le taux de syndicalisation se soit stabilisé ces dernières années après la chute brutale des années 1980-1990. En 2004, seuls 5,2 % des salariés français des entreprises privées étaient syndiqués ; 8,2 % en tenant compte des salariés des entreprises publiques. Des chiffres sans aucune mesure avec les taux de syndicalisation de nos voisins européens : 29 % en Allemagne et au Royaume-Uni ; 40 % en Autriche ; 65 % en Belgique et jusque 75 % au Danemark.

Les politiques visant à renforcer les exigences de représentativité ne semblent donc pas avoir atteint leur objectif. La faiblesse du syndicalisme français s'explique, néanmoins, également, par des difficultés plus profondes. Il faut tout d'abord constater que l'adhésion au principe même d'une défense collective des intérêts des salariés, qui peut et entraîne nécessairement des concessions individuelles, n'est pas dans l'air du temps... Il faut également s'interroger sur l'intérêt qu'un salarié peut trouver à se syndiquer lorsque les accords conclus dans son entreprise lui seront applicables, qu'il soit ou non syndiqué. Pour autant, il paraît aujourd'hui impossible de revenir sur cet acquis pour réserver le bénéfice des accords collectifs aux adhérents des syndicats qui les signent.

Face à ce constat, le principe du référendum pour assurer la légitimité des accords semblerait le plus à même de répondre à ce souci de légitimité. Or, il semble que les entreprises soient assez hostiles à une telle pratique, coûteuse et particulièrement lourde à mettre en place. Au surplus, l'idée même de renforcer la légitimité des accords conclus par le recours au référendum nie, par essence, la représentativité des organisations syndicales qui les signent. Une autre solution pour renforcer la légitimité pourrait encore être imaginée par l'instauration d'un vote obligatoire des salariés aux élections professionnelles. La solution serait pour le moins radicale et difficile à faire respecter, mais gardons à l'esprit qu'une petite réforme sur les critères de représentativité, dont les effets seraient seulement d'écarter certaines organisations syndicales ou l'émergence de nouvelles, ne renforcerait sans doute pas significativement la démocratie sociale et risque de compliquer sérieusement la conclusion d'accords dans les entreprises...

Joël Grangé, avocat associé au cabinet Gide Loyrette Nouel, membre fondateur d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.