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Les ressources humaines sont capitales

Enquête | publié le : 12.02.2008 |

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Les ressources humaines sont capitales

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Comment dirige-t-on les RH de la première ville de France ? Sept ans après son arrivée, Michel Yahiel, le DRH, a imposé sa méthode et réformé de nombreux champs RH.

Paris, ses Velib', sa tour Eiffel et... son personnel municipal. Avec quelque 47 000 agents, soit l'équivalent des effectifs de la RATP, la ville de Paris fait figure de mastodonte dans le paysage territorial. La ville est à la fois commune et département, ce qui lui donne un statut particulier relevant à la fois de la fonction publique d'Etat et de la fonction publique territoriale.

En 2001, dès le début de la mandature de Bertrand Delanoë, le maire PS, la DRH s'est convaincue de la nécessité de moderniser son service. C'est Michel Yahiel*, inspecteur général des affaires sociales (Igas) et ex-directeur de cabinet de Jean-Louis Bianco, alors ministre des Affaires sociales et de l'Intégration, qui sera chargé de mener à bien cette mission.

Mise en place d'un SIRH

L'une de ses priorités sera la mise en place d'un système d'information des ressources humaines (SIRH) afin de rationaliser des procédures souvent lourdes et fastidieuses. Parallèlement à une gestion individuelle du personnel, des approches plus collectives et plus horizontales sont prônées. Les équipes RH développent, en 2004, un observatoire des métiers pour avoir une meilleure connaissance des missions et des compétences liées à un emploi. Qui sait que Paris compte 330 métiers et emploie des bûcherons-élagueurs, des fleuristes, des scaphandriers, des topographes, des archéologues et des pharmaciens, entre autres ? Sans parler des professions, plus traditionnelles, comme les informaticiens, les photographes, les puéricultrices. De nouveaux outils de pilotage ont vu le jour et le bilan social est, désormais, publié tous les ans alors que la réglementation ne l'impose que tous les deux ans.

L'évolution la plus marquante reste, sans conteste, le passage aux 35 heures. L'accord, signé en 2001, prévoit 22 jours de RTT (25 jours pour les métiers pénibles), et la création d'un CET (compte épargne temps) sur lequel tout agent peut déposer jusqu'à 120 jours maximum. Parallèlement, le texte prévoit des horaires variables pour les agents dans la plupart des services administratifs. Un acquis que personne ne souhaite, aujourd'hui, remettre en cause. Une intersyndicale, CFDT, CGT, FSU et FO, s'est mis vent debout, fin décembre, pour s'opposer au rachat des RTT proposé par la loi Tepa.

Amélioration du pouvoir d'achat

L'amélioration du pouvoir d'achat a, toutefois, fait débat. Le maire a fait un geste en faveur de la couverture santé de son personnel en lui versant, fin 2007, une aide annuelle de 200 euros. Reconductible et renégociable chaque année, ce coup de pouce vient, en fait, en complément d'un dispositif mis en place en septembre 2006, et réservé aux agents les plus modestes. La municipalité accorde, en effet, à tous les employés dont le salaire est inférieur ou égal à 1 350 euros brut, 15 euros par mois pour l'acquisition d'une complémentaire santé.

Plus anecdotique, les agents ont obtenu le remboursement de leur abonnement à Vélib', des places en crèche pour leurs enfants dans un lieu symbolique, les anciens appartements de la famille Chirac à l'Hôtel-de-Ville, et, enfin, la possibilité de bénéficier, « avec plus de transparence », d'un contingent de 16 % de logements sociaux sur le quota de réservation dont dispose le maire de Paris.

Egalité professionnelle

Ces sept dernières années ont également été marquées par un plan d'égalité professionnelle femmes/hommes, décliné à tous les étages de l'organigramme. Les femmes sont, désormais, majoritaires dans les catégories A et B. Une attention particulière a été portée à la mixité des métiers. Paris compte, ainsi, une centaine d'éboueuses. Mais les effectifs masculins sont encore peu présents dans les crèches.

A son actif également, un accord sur le handicap, en 2003, portant à la fois sur le recrutement, la formation, l'aménagement des postes et le transport des agents. Le taux des personnes handicapées est actuellement de 5 %.

Rationalisation statutaire

En outre, une réforme de la catégorie C (75 % des agents) a été menée : outre des revalorisations indiciaires, l'objectif consistait à donner à tous les agents la possibilité d'accéder à l'échelle 6 de rémunération. Elle contribue à la simplification et à la rationalisation du paysage statutaire de la ville, avec, à la clé, une refonte des corps, passant de 62 à 19, et une restructuration de tous les corps en trois ou quatre grades.

Au total, le nombre d'agents permanents est passé de 39 000 à 47 000, avec la création nette de 8 100 emplois pendant la mandature. Un chiffre qui fait bondir la principale opposante au maire, Françoise de Panafieu (UMP), qui prône une gestion plus rigoureuse de la masse salariale, défendu bec et ongles par Bertrand Delanoë au profit d'un meilleur service public.

Si le maire sortant est réélu, les prochains chantiers de Michel Yahiel - qui sera, quelle que soit l'issue du scrutin, fidèle au maire - porteront sur la gestion des compétences et la transmission des savoir-faire. De fait, la ville enregistrait 850 départs à la retraite en 2002, contre 1 200 aujourd'hui. « Il faut organiser cette transmission des compétences. C'est tout un pan de la mémoire ouvrière qui s'en va, et, avec elle, des savoir-faire spécifiques à nos métiers. » Certes, à Paris, comme ailleurs, l'effet papy-boom a été fortement atténué. Le scénario catastrophe tant redouté des pénuries de main-d'oeuvre n'a pas lieu.

Problème de vieillissement

La réforme des retraites de 2003, qui allonge la durée des cotisations, retarde d'autant les départs et, donc, les postes susceptibles d'être ouverts au recrutement. Toutefois, les municipalités, contrairement au privé, n'ont pas de culture de préretraite. Les seniors sont toujours en place à 50-55 ans et au-delà. « Nous avons un vrai problème de vieillissement », reconnaît Michel Yahiel. L'enjeu est, aujourd'hui, d'accompagner cette deuxième partie de carrière. « Jusqu'ici, la carrière des agents plafonnait à 45-50 ans. Nous avons commencé à revoir nos conditions d'avancement, de grade, afin de «décoincer» les agents qui voyaient leur carrière bloquée. » C'est ainsi qu'un programme vient d'être lancé à destination des auxiliaires de crèche afin de les reconvertir vers des métiers administratifs (plate-forme téléphonique, secrétariat). Parallèlement, une réflexion a été menée sur les conditions de travail et la prévention des risques.

Mobilité de carrière

L'autre gros chantier concernera la mobilité de carrière, l'un des points noirs traditionnels de la gestion des RH des collectivités. « Nous devons gérer l'arrivée de nouvelles recrues plus diplômées et plus exigeantes vis-à-vis de leur carrière. »

D'ores et déjà, des avancées ont été faites. En 2004, une filière «bibliothèques» a permis d'assurer un déroulement de carrière de la catégorie C à la catégorie A, et de nouveaux corps en catégories B et A ont été créés dans le cadre de la mise en place d'une filière «musées». Pour bouger, les concours internes sont également encouragés : « Sur 1 300 reçus aux concours de la ville, en 2007, nous avons eu 300 lauréats en interne », se félicite le DRH.

Les syndicats apprécient cette gestion des RH « plus professionnelle ». La CGT, majoritaire, dénonce, toutefois, « la restructuration des services et le redéploiement des emplois qui génère des tensions et des pertes de repères ». Selon Jean-Jacques Malfoy, secrétaire général de la CGT de la ville, « 5 000 emplois font défaut à la ville. Beaucoup de services tournent en flux tendu ». Il milite également pour une rémunération de base à 1 500 euros brut et la titularisation de 10 000 personnes (contrats aidés, vacataires...).

Françoise Riou, secrétaire générale de la CFDT, demande, elle, « une politique sociale plus innovante en matière de restauration, de logement et de protection sociale ». La confédération de François Chérèque souhaite également la réduction des temps partiels, notamment pour les personnels d'entretien, et demande que les heures de ménage soient effectuées en journée.

Des progrès à faire

Pour Françoise Riou, des progrès restent également à faire en matière d'égalité salariale : la filière sociale, employant majoritairement des femmes, bénéficie traditionnellement de primes inférieures à celles des filières plutôt masculines (propreté, espaces verts...). En outre, la CFDT dénonce l'emploi de « vacataires permanents », embauchés à temps plein, notamment dans les écoles, et pourtant payés à l'heure ; 5 000 personnes seraient dans ce cas.

Plus globalement, les partenaires sociaux regrettent, de manière unanime cette fois, les rares rencontres avec le maire. Bertrand Delanoë n'a reçu les syndicats que deux fois... au cours de sa mandature.

* Michel Yahiel a également été directeur du cabinet de conseil Bernard Brunhes International.

Paris

• Population : 2,101 millions d'habitants.

• Nombre d'agents municipaux : 47 000.

• Effectifs au sein de la DRH : 590 agents.

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