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Enquête

Une «fac de lettres» dans la sphère économique

Enquête | publié le : 05.02.2008 |

Afin de convaincre les entreprises locales que les étudiants des filières lettres & sciences humaines ont des compétences à valoriser dans la sphère économique, l'université Rennes-2 opère des rapprochements tous azimuts.

La réalisation de la «monographie de territoire» - un diagnostic économique et social annuel - des caisses locales du Crédit agricole d'Ille- et-Vilaine est désormais chasse gardée des... étudiants de Rennes-2. Depuis trois ans, 21 stagiaires de master d'aménagement, mais aussi de sociologie ou d'histoire, de l'université rennaise de lettres & sciences humaines (LSH) sont, ainsi, les auteurs d'un document encore inédit à l'échelle du groupe bancaire. Ce nouveau «process», qui doit être étendu aux 45 caisses du département, a été conçu avec les tuteurs pédagogiques de Rennes-2, garants des exigences universitaires. Niveau exigences professionnelles, la mission est remplie : « Ces monographies, qui font, chaque année, l'objet d'une présentation en assemblée générale, sont extrêmement appréciées des directeurs d'agence et des fonctions supports au niveau départemental », souligne Daniel Sinquin, responsable de l'animation du réseau. A ce jour, trois des anciens stagiaires ont été recrutés en CDD afin de superviser le travail de leurs successeurs.

Vice-président chargé de l'insertion professionnelle de Rennes-2, Marc Gimonet se félicite de ce partenariat : « A l'origine de ce dispositif, il y a d'abord quelques étudiants qui ont su faire la preuve de leurs compétences sur le terrain. Réunissant un secteur d'activité et des étudiants qui se méconnaissent réciproquement, ce type d'initiative permet de tordre le cou à cette image de «fac de lettres» qui nous colle encore trop souvent à la peau. »

Le vice-président de l'université a d'autant plus de raisons de se réjouir que le Crédit agricole n'entend pas en rester là : son ambition est de rallier quelques entreprises locales afin de s'engager à recruter, chaque année, une trentaine de jeunes diplômés de Rennes-2 en CDI. « Nous avons parfois du mal à boucler notre cinquantaine de recrutements annuels, confie Daniel Sinquin. Les filières LSH représentent un potentiel très insuffisamment exploité. »

Politique d'ouverture

Le rapprochement avec la banque n'est pas une initiative isolée. Depuis deux ans, Rennes- 2 conduit, en effet, une politique active d'ouverture vers le monde de l'entreprise. « Les manifestations anti-CPE de 2005 et le débat université-emploi qui a suivi ont durement stigmatisé les filières LSH », rappelle Marc Gimonet. Convaincu qu'en dépit « des nombreux progrès qui restent à réaliser en matière d'insertion professionnelle, l'université ne mérite pas un tel regard » ; le vice-président de Rennes-2 a pris son bâton de pèlerin pour convaincre les entreprises que ses étudiants ont des compétences à valoriser dans la sphère économique.

En liaison avec les acteurs locaux

Une démarche qui ne laisse pas insensibles les acteurs locaux : Rennes Métropole, la communauté urbaine et l'Union des entreprises d'Ille-et-Vilaine lui ont déjà ouvert les portes de leur réseau. En décembre 2007, c'est sur le thème de l'insertion professionnelle que l'Union des entreprises a inauguré son assemblée générale. « Accompagnés d'enseignants et d'étudiants, nous avons travaillé sur les causes du décalage entre offre et demande : jeunes diplômés sans emploi et entreprises en mal de compétences », explique Joël Chéritel, son président, convaincu qu'une meilleure compréhension de l'université permettra à ses adhérents d'offrir des terrains de stage plus pertinents. 

Aujourd'hui en phase de test, un logiciel informatique devrait prochainement faciliter ce travail de contact grâce à la constitution d'un fichier des stages à l'échelle des deux universités rennaises (10 000 stages chaque année). « Ces données, qui n'existent aujourd'hui que dans le répertoire d'un professeur ou d'un département, seront, ainsi, consolidées, précise Marc Gimonet. Nous aurons alors une photographie précise des secteurs d'activité dans lesquels nous sommes présents et de ceux dans lesquels nous ne le sommes pas encore suffisamment. »

Fondation Lyon-1 : «Un droit de collaboration, pas un droit de regard»

En annonçant la signature d'un partenariat avec Microsoft France, le 26 novembre 2007, Lyon-1 est devenue la première université à officialiser sa fondation partenariale. Laquelle, à la faveur de la loi Pécresse, va remplacer une fondation que supportait la filiale de valorisation de l'université, Ezus (13 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2007).

L'éditeur de logiciels s'est engagé à verser 180 000 euros de dons, sur trois ans ; 60 000 euros iront à l'attribution de bourses d'études, versées par l'université sur des critères sociaux et de résultats scolaires. Les 120 000 euros restants financeront des outils pédagogiques pour la plate-forme e-learning Spiral, que Lyon-1 développe depuis plusieurs années avec le même éditeur. Microsoft ouvre aussi, pour le campus lyonnais de sciences, de pharmacie et de médecine, ses bourses d'emploi et de stages. Et offre son expertise à des projets collaboratifs et d'innovation susceptibles de « développer une appétence pour l'utilisation des technologies Microsoft ».

Indépendance

Selon Gérard Posa, directeur général de la fondation partenariale, l'indépendance de l'établissement restera intacte : « Le conseil d'administration de l'université a adopté, en septembre 2007, une charte de relations avec les entreprises. Elles sont formalisées. Nous leur reconnaissons un droit de collaboration, pas un droit de regard sur nos choix d'enseignement et de recherche. » La fondation vat-elle renforcer l'autonomie de gestion de l'université ? « Oui, mais lever des fonds n'est pas l'essentiel. La fondation est un phare en direction du monde socio-économique pour promouvoir les compétences de l'université », répond Gérard Posa, qui compte déjà pour prochains partenaires quatre pôles de compétitivité, le Medef, la CGPME, la Métallurgie du Rhône et l'entreprise Siemens.

LAURENT POILLOT