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Enjeux

Pour déménager l'entreprise, il faut l'accord des salariés !

Enjeux | Chronique juridique par AVOSIAL | publié le : 05.02.2008 |

Le droit français ne connaît que deux motifs de licenciement : le licenciement pour motif personnel (faute, insuffisance, etc.), c'est-à-dire celui qui est inhérent à la personne du salarié, et le licenciement pour motif économique. Ce dernier concerne toutes les situations où le licenciement tient non pas à la personne du salarié, mais à l'entreprise.

Aux termes de l'article L. 321-1 du Code du travail (article L. 1233-3 du nouveau Code du travail, qui entrera en vigueur en mai prochain), le licenciement pour motif économique est défini comme celui « résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi, d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutif notamment à des difficultés économiques ».

La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation n'admet la validité d'un licenciement pour motif économique que si la société y est contrainte en cas de mutations technologiques, difficultés économiques réelles, avérées et durables, ou afin de sauvegarder sa compétitivité, lorsque sa position sur son marché est effectivement en risque.

On sait, depuis les arrêts de la Cour de cassation du 10 juillet 2006, que l'employeur ne peut imposer au salarié une modification d'un élément essentiel de son contrat (fonctions, rémunération, lieu de travail...) sans l'accord exprès et préalable de celui-ci, lorsque la modification ne constitue pas une sanction disciplinaire. Au vu des dispositions des articles L. 321-1 et L. 321-1-2, le salarié qui refuse ne peut être licencié que pour motif économique, puisque la modification proposée n'est pas inhérente à sa personne, mais découle de l'organisation de l'entreprise.

Une difficulté se pose néanmoins lorsque, tout à fait légitimement, la société se trouve contrainte de proposer au salarié une modification de son contrat, dans des circonstances qui n'ont rien à voir avec des difficultés économiques ou une sauvegarde de sa compétitivité. Tel est le cas, par exemple, lorsque l'entreprise souhaite déménager hors de son secteur géographique habituel. Elle ne peut imposer ce déménagement aux salariés dont le contrat de travail ne contient pas de clause de mobilité, et ce, même si le déménagement s'avérerait favorable au salarié parce qu'il le rapprocherait de son domicile. L'entreprise se trouve, ainsi, entre les mains de ses salariés : devant un refus massif, elle n'a d'autre option qu'un licenciement collectif pour motif économique (ce qui, dans les entreprises de 50 salariés ou plus, implique la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi si plus de 9 salariés refusent la mobilité). Or, le déménagement des locaux peut ne reposer sur aucun motif économique, si bien que le licenciement des salariés se trouve alors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Autre cas : lorsque les salariés sont transférés d'une entreprise à une autre par application des dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail, des modifications des contrats de travail peuvent s'avérer indispensables ; il en va ainsi lorsque, par exemple, la rémunération variable des salariés est assise sur des critères qui ne peuvent plus être pris en compte par le repreneur (les résultats du groupe d'origine, par exemple). L'employeur, qui doit poursuivre les contrats de travail, se trouve néanmoins contraint de proposer leur modification si la rémunération variable a été contractualisée. En cas de refus des salariés et bien que la modification soit nécessaire, le licenciement pourra être jugé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il ne repose pas sur un motif économique.

Le projet de loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 avait envisagé d'introduire le concept de «réorganisation indispensable à la sauvegarde de l'activité» comme motif économique, mais cette flexibilité a été censurée par le Conseil constitutionnel.

Sans qu'il soit judicieux de faciliter les licenciements pour toute réorganisation souhaitée par les employeurs, il serait temps que l'on revienne sur cette définition à l'occasion de la modernisation du droit du travail envisagée actuellement, pour plus de réalisme dans la gestion des entreprises.

Viviane Stulz, avocate au cabinet Clifford Chance, membre fondateur d'Avosial, le syndicat des avocats d'entreprise en droit social.