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Les syndicats du centre commercial de la Part-Dieu s'organisent

Les pratiques | publié le : 22.01.2008 |

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Les syndicats du centre commercial de la Part-Dieu s'organisent

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A Lyon, les organisations syndicales ont constitué un «comité de pilotage» sur les conditions de travail au centre commercial de la Part-Dieu, soutenu par les collectivités, la DRTEFP et l'inspection du travail. La direction fait la sourde oreille.

Cinq niveaux, 260 enseignes (dont un hypermarché Carrefour), 30 millions de visites par an, 688 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2006 : le centre commercial de la Part-Dieu est l'un des plus importants de France. Or, ses 3 500 salariés partagent des conditions de travail spécifiques... sans en avoir conscience. Ce manque de «structuration collective» est apparu il y a un an, à l'issue d'une formation des délégués syndicaux régionaux à la lutte contre les TMS, financée par la DRTEFP : ceux-ci voyaient mal comment organiser le transfert de connaissances dans les magasins du centre commercial. En effet, seules cinq enseignes ont un CHSCT sur le site, et le turn-over et le recours à l'intérim sont importants. Quant au niveau de syndicalisation, il est faible. En 2002 déjà, une enquête du Certu* constatait qu'à la Part-Dieu, la « forte individualisation conduit à l'absence de plaintes et de revendications structurées », ainsi qu'à l'absence « d'attentes collectives en termes de services susceptibles d'améliorer les conditions de vie ». Elle révélait, pourtant, des problèmes de transport et de garde d'enfants du fait des horaires atypiques.

Premier état des lieux

Malgré tout, les élus CGT, CFDT, FO et CFTC ont constitué, il y a quelques mois, un comité de pilotage «santé au travail». Ses membres ont commencé à dresser un état des lieux des conditions de travail, lors de contacts informels avec quelque 250 salariés, « ceux qui voulaient bien se laisser approcher par les syndicats », reconnaît Jean-Jacques Dumas, secrétaire régional «santé au travail» de la CGT. Si une enquête plus formalisée est en préparation avec le cabinet Transformations sociales, le comité a présenté ses premières données, le 13 novembre dernier, à des partenaires invités - inspection du travail, Aravis (Agence Rhône-Alpes pour la valorisation de l'innovation sociale), Grand Lyon : « Les employés parlent de chaleur et d'air insuffisamment renouvelé, de bruit de fond permanent, d'absence de lumière du jour, caractéristiques propres à l'enfermement », rapporte Jean-Jacques Dumas, responsable du comité de pilotage. Des vendeuses soulignent l'inadéquation entre le montant des titres-restaurants et l'offre de restauration, l'absence de tarif spécial sur le parking, ainsi que le sentiment d'insécurité aux heures tardives : « Il y a deux ans, sans concertation et sans embauches supplémentaires, l'heure de fermeture du centre est passée de 19 h 30 à 20 heures, explique Danielle Torres, hôtesse de vente aux Galeries Lafayette. Aujourd'hui, nous voyons venir l'extension à 22 heures avec le projet de galerie commerciale mitoyenne, la Tour Oxygène. »

Pour compléter ce ressenti, le comité de pilotage a amorcé un échange d'informations avec le laboratoire Genre, travail, mobilités de l'université Paris-10, qui étudie les nouvelles formes de pénibilité dans la grande distribution et en centres commerciaux.

Direction silencieuse

Face à cet état des lieux, les membres du comité de pilotage se désolent de n'avoir pu « faire venir la direction du centre commercial (groupe Unibail-Rodamco, NDLR) autour de la table ». Contactée, celle-ci reste tout aussi silencieuse. Le comité de pilotage mobilise donc ses partenaires pour trouver des médiateurs auprès d'elle. Ainsi, Jacques Dechoz, inspecteur du travail, tente l'argument juridique : il a effectué des relevés acoustiques, notamment aux abords de la fontaine centrale incriminée. « Mais le bruit qu'elle génère est inférieur au seuil fixé par le Code du travail. Cependant, ajoute-t-il, je vais saisir le préfet et le procureur en me basant, cette fois, sur un article du Code de la santé publique (bruits émergents dans un contexte de voisinage). » Il avoue aussi son impuissance légale à propos du «brouhaha» de fonds musicaux ou encore dans les cas de suréclairage.

Financement d'enquêtes par la région

De son côté, Alain Charvet, chargé de mission d'Aravis, propose d'essayer d'attirer les employeurs « par un élargissement des thèmes à la gestion des compétences, aux risques psychosociaux ou aux TMS ». Lucie Verchère-Tortel, chargée de mission «articulation des temps» au Grand Lyon, propose, quant à elle, au comité intersyndical, de participer aux projets qu'elle monte avec la DRTEFP et Agefos-PME, d'un plan de déplacements et d'une crèche interentreprises pour la Part-Dieu. « Mais même la vice-présidente de la communauté urbaine n'a pas réussi à obtenir de réponse de la part du directeur du centre commercial !, s'étonne-t-elle à son tour. Nous sommes donc partants pour travailler avec le comité de pilotage. » Enfin, le comité a trouvé une écoute attentive à la région pour le financement d'enquêtes dans d'autres centres commerciaux de Rhône-Alpes.

Inventer une nouvelle forme de syndicalisme

Mais cette action va d'abord devoir passer par la formalisation du comité de pilotage en intersyndicale. « Ce projet nécessite du temps. Il faut donc créer des structures fixes de dialogue social et inventer une nouvelle forme de syndicalisme, estime Jean-Jacques Dumas. Pourquoi ne pas inviter les franchisés, par exemple : ils sont patrons, mais partagent les conditions de travail des salariés... » A suivre, donc.

* Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions.

L'essentiel

1 Les 3 500 salariés du centre commercial lyonnais de la Part-Dieu partagent des conditions de travail difficiles.

2 Mais ils ne sont pas organisés pour formaliser leurs revendications.

3 Les syndicats tentent de structurer le dialogue social.

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