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« Une victoire du dialogue social »

L'actualité | publié le : 22.01.2008 |

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« Une victoire du dialogue social »

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E & C : L'accord est-il bien équilibré en termes de flexibilité et de sécurité ? Les deux parties - employeurs et salariés - sont-elles gagnantes ? Y a-t-il des perdants ?

P.-H. A. : L'accord du 11 janvier 2008 est une formidable victoire du dialogue social interprofessionnel. Les partenaires sociaux ont bien compris que, depuis la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, ils ont une plus grande responsabilité dans la «fabrication» de la règle sociale et qu'il faut l'exercer.

Ils auraient pu, depuis septembre dernier, jeté l'éponge à de multiples reprises ; ils n'ont pas cédé à la facilité du renoncement, pour parvenir à un texte qui marquera le droit du travail français. Il n'y a donc pas, à mes yeux, de perdants : les signataires sont gagnants, comme le dialogue social et, plus largement, le droit du travail. C'est un accord intitulé «modernisation du marché du travail» ; c'est aussi un accord relatif à la modernisation du droit du travail.

L'accord peut être lu à la lumière de la «flexicurité», chère à la Commission européenne, encore que le concept n'est pas apprécié par tous de la même façon. Un renforcement de la sécurité pour les salariés s'exprime par la sécurisation des parcours professionnels. L'accord du 11 janvier 2008 s'engage bien dans cette voie avec, notamment, la portabilité de certains droits. D'aucuns estimeront que ce n'est pas suffisant. Sans doute, mais le sujet est compliqué, et d'autres discussions sont déjà annoncées.

Pour les entreprises, la flexibilité qui, à mon sentiment, n'est pas un terme adéquat, s'exprime aussi par de la sécurité. La quête d'une meilleure sécurité juridique est légitime, singulièrement en matière de rupture du contrat. On comprend, ainsi, l'intitulé de l'article 11 : « Encadrer et sécuriser les ruptures du contrat de travail ». Il y a, sur ce terrain, des avancées significatives, mais il reste encore du chemin à parcourir. Au final, cet accord, que je qualifierai d'accord «à double sécurité», réalise un assez bon équilibre entre les aspirations des uns et des autres.

E & C : La rupture à l'amiable est-elle vraiment innovante ?

P.-H. A. : La rupture conventionnelle n'est pas un mode nouveau de rupture du contrat de travail, comme le rappelle, depuis des années, la chambre sociale de la Cour de cassation. La nouveauté réside, en premier lieu, dans les droits offerts au salarié qui signe un accord de rupture : versement d'une indemnité spécifique, non assujettie aux prélèvements sociaux et fiscaux, et dont le montant ne peut être inférieur à la nouvelle indemnité interprofessionnelle unique de licenciement ; versement des allocations de l'assurance chômage. L'accès à ces dernières est essentiel pour permettre un épanouissement de ce mode de rupture, car jusqu'à présent, seules les ruptures amiables liées à un motif économique ouvraient droit à une couverture chômage. Or, c'est le plus souvent dans un contexte non économique que ce mode de rupture peut être utile. Il est, en effet, des situations où la volonté commune de rompre un contrat de travail est réelle ; trop souvent, pour permettre au salarié de percevoir les allocations chômage, de faux licenciements ont été mis en oeuvre. L'accord met fin à ces démarches frauduleuses.

La nouveauté réside, en second lieu, dans des conditions particulières de conclusion de l'accord, garantes de la liberté de consentement des parties : assistance du salarié lors des discussions ; information du salarié, notamment auprès du service de l'emploi ; droit de rétractation de 15 jours ; homologation de l'accord par le directeur départemental du travail. C'est un peu lourd, mais au moins, on réduit considérablement le risque de contestation.

E & C : Que vous inspire la création d'un CDD à objet précis ?

P.-H. A. : En ma qualité de membre de la commission de Virville, je ne peux qu'approuver la création de ce CDD. Comme quoi, le temps permet aux esprits d'évoluer, car, en 2004, la même proposition avait été fustigée par les organisations syndicales. Le régime de ce contrat me paraît équilibré et efficace.

A juste titre, la branche et l'entreprise sont mobilisées pour permettre le recours à ce contrat particulier. L'accord du 11 janvier met en place des règles suffisamment protectrices (durée, clauses obligatoires, indemnisation...) qui devraient éviter une utilisation frauduleuse de ce nouveau contrat au détriment du CDI. Comme il s'agit d'un dispositif expérimental, l'évaluation du comportement des acteurs permettra d'apporter, par la suite, les aménagements nécessaires. n

Qui veut du CDD de projet ?

Si plusieurs fédérations professionnelles applaudissent la souplesse donnée par ce nouveau contrat, son impact devrait pourtant être limité.

Et revoilà le CDD de mission ! Mais, cette fois, strictement encadré. L'accord sur la modernisation du marché du travail prévoit la création d'un nouveau CDD à objet précis, conclu pour une durée comprise entre 18 et 36 mois, et réservé uniquement aux ingénieurs et cadres.

Qu'en pensent les branches professionnelles ? Si Syntec Informatique revendiquait, dès 2004, ce type de contrat, il se montre, aujourd'hui, plus prudent que par le passé. « Nous ne sommes plus dans le même contexte qu'en 2003, assure Anne Vaisbroit, déléguée aux affaires sociales de Syntec Informatique. Actuellement, 98 % des contrats signés sont des CDI, et ce n'est pas près de changer. Des tensions existent sur plusieurs métiers, et nous n'avons d'autres choix, pour rester attractifs, que de proposer des CDI. » Yvan Béraud, secrétaire national de la fédération F3C CFDT en charge du secteur des SSII et des éditeurs, n'est pas vraiment inquiet. Les garde-fous figurant dans l'accord sont, selon lui, dissuasifs. « En cas de dérapages, le contrat pourra être dénoncé par les partenaires sociaux », explique-t-il.

A la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), Eric Verhaeghe, directeur des affaires sociales, estime que ce contrat pourrait être utilisé... Mais à la marge. « Ce n'est pas une révolution, indique-t-il, mais il s'agit d'un nouvel outil qui nous apporte une souplesse supplémentaire, notamment pour des projets informatiques. » A ses yeux, 10 % des futurs recrutements pourraient être concernés ; la majorité des contrats signés dans la profession étant des CDI.

Pascal Le Guyader, directeur des affaires sociales du Leem (Les entreprises du médicament), s'est également montré enthousiaste. Le secteur pharmaceutique étant fréquemment composé d'entreprises multinationales ou européennes, « leurs différentes filiales sont concurrentes dans l'attribution de projets de recherche ou de développement - essais cliniques, par exemple -, dont la pérennité est conditionnée par une autorisation de mise sur le marché ».

Favoriser l'attractivité de la France

Pascal Le Guyader estime, ainsi, que le contrat de projet est « susceptible de favoriser l'attractivité de la France en facilitant la mise en oeuvre de ces projets ». Il regrette, cependant, que les non-cadres ne puissent pas en bénéficier (risque de coexistence de statuts différents sur un même projet) et envisage de proposer, dès que possible, à la commission sociale du Leem la signature d'un accord de branche.

Au Syntec Ingénierie, qui, à l'instar du bâtiment, dispose du contrat de chantier (3 % à 5 % de l'emploi total), ce nouveau CDD ne devrait avoir qu'une portée limitée. « Comparé au contrat de chantier, indique Jean Félix, délégué central de l'organisation professionnelle, ce nouveau CDD est beaucoup plus contraignant. Il ne peut pas être rompu comme un contrat de chantier en fonction des aléas, notamment climatiques. Il n'est pas ouvert aux non-cadres. De plus, il n'est pas renouvelable. Le premier répond davantage à la spécificité de nos métiers. »

Le Syntec conseil en management apprécie, lui, la formule, notamment en cas de retournement de conjoncture. « Ce n'est pas le cas actuellement, assure Jean-Luc Placet, son président. En 2004-2005, nous avons beaucoup souffert de la crise et nous n'avions aucune structure pour y répondre de manière adaptée. Ce CDD nous donnera la souplesse que nous n'avions pas jusqu'ici. » n

A. B. AVEC AURORE DOHY