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Les syndicats préparent la VAE de leurs militants

Les Pratiques | Point fort | publié le : 19.06.2007 | Emmanuel Franck

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Les syndicats préparent la VAE de leurs militants

Crédit photo Emmanuel Franck

Plusieurs syndicats préparent la validation des acquis de l'expérience (VAE) de leurs militants. Ils espèrent ainsi leur offrir davantage de débouchés. Deux approches de la VAE syndicale sont en train de naître entre lesquelles les employeurs trancheront.

Afin que le militantisme syndical ne soit plus synonyme de «voie de garage», des syndicats tentent de mettre en place une validation de l'expérience acquise par leurs militants au cours de leur mandat. L'objectif est de répondre à l'attente des jeunes générations qui souhaitent allier carrière professionnelle et militantisme.

Alors qu'un tiers de leurs cadres partiront à la retraite dans les dix ans à venir, les syndicats doivent, en effet, songer à la relève. Les premiers diplômés issus de la VAE syndicale pourraient entrer sur le marché dans deux ans. Celui-ci fera alors le tri entre deux approches : l'expérience syndicale est sanctionnée par un titre ad hoc, un «diplôme de syndicaliste», ou, au contraire, par un titre qui existe déjà. La première met en exergue le parcours syndical, et fait le pari que les employeurs lui trouvent une valeur ajoutée, la seconde le banalise.

Un «diplôme de syndicaliste»

La CFE-CGC est la seule à avoir adopté la première approche. La confédération de l'encadrement projette de créer un diplôme, une certification ou une qualification - la question n'est pas encore tranchée - spécialement conçu pour les militants syndicaux. Pour autant, la CFE-CGC n'envisage pas que son intitulé se réfère au syndicalisme et penche pour l'expression, plus neutre, d'«engagé social». Financé pour moitié par la CFE-CGC et pour moitié par un programme du Fonds social européen (FSE) courant jusqu'en juin 2008, ce titre ne sera donc pas prêt avant cette date. Sa création s'inscrit dans le projet plus vaste d'élaboration d'un «contrat d'engagement social», c'est-à-dire d'un statut du militant, sur lequel la CFE-CGC fonde l'espoir de régénérer le syndicalisme.

Préparation d'un référentiel

Pour l'heure, le syndicat des cadres est en train de lister les compétences syndicales en vue de créer un référentiel. Il a constitué un groupe d'une vingtaine de militants, essentiellement des conseillers prud'homaux, qu'une équipe de chercheurs du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) observe in situ, sur leur lieu de travail. « Nous cherchons à déterminer quelles compétences mobilise un militant pour passer d'une situation de militantisme à celle de travail, et, ainsi, à montrer que la première enrichit la seconde », explique Sophie Simonpoli, expert auprès de la confédération, ex-déléguée nationale, en charge du dossier. Les compétences en question peuvent avoir trait à la communication, à la gestion des conflits, à la rédaction d'un acte juridique et, moins classique, à la gestion de la loyauté. « Une spécificité d'un militant syndical cadre est qu'il peut détenir des informations confidentielles sur l'entreprise et donc vivre un conflit entre sa loyauté à l'égard de son employeur et celle qu'il doit avoir envers le syndicat », expose-t-elle. La phase d'observation, très lourde, durera encore plusieurs mois. La phase suivante consistera à associer les ministères certificateurs et, celle d'après, à créer un service dédié à la VAE pour accompagner les militants.

Parcours syndical banalisé

Les autres syndicats ont choisi une approche qui banalise le parcours syndical. La Fédération chimie-énergie (FCE) de la CFDT est la plus avancée. En mai 2006, son comité directeur a officiellement lancé le «parcours militant», destiné à « faciliter l'émergence de responsables et [à] assurer le renouvellement de manière naturelle et harmonieuse ». Bruno Lamy, délégué fédéral en charge de la formation syndicale, constate, en effet, que « le niveau d'exigence des adhérents et des salariés augmente, que les dossiers sont plus complexes, et qu'il est difficile de remplacer un responsable lorsqu'il s'en va ».

A la différence de la CFE-CGC, la FCE-CFDT ne cherche pas à créer un diplôme, mais, parmi ceux qui existent, elle en a identifié qui intéressent ses militants. Quatre domaines sont visés : communication, RH, formation, sécurité. Le Cesi, l'Afpa, le Cnam et l'Apec sont partenaires de la FCE. Concrètement, le « parcours militant » consiste en deux séries d'entretiens auxquels s'ajoutent des services. Les premiers entretiens, dits d'«accompagnement», permettent de faire le point sur les compétences du militant par rapport à un référentiel constitué par la fédération.

Entretiens volontaires et confidentiels

Compte tenu de la mauvaise image de l'évaluation des compétences parmi les militants, associée dans leur esprit à un outil patronal de sanction, la FCE a pris garde que les entretiens demeurent volontaires et confidentiels. Les seconds entretiens, dits d'«anticipation», s'adressent aux volontaires qui souhaitent entamer une VAE, notamment en vue de reprendre un travail. La FCE soutient alors ses militants dans cette démarche complexe. Elle les aide également à négocier leur réintégration avec leur employeur en les accompagnant d'un tiers issu de la CFDT. « L'objectif est que l'issue de cette étape ne dépende pas de discussions bilatérales entre un militant et son employeur, qu'on ne compte plus sur la bonne volonté aléatoire du DRH ou du patron et qu'on limite, ainsi, la place laissée au hasard », relève la FCE. La conception du parcours militant est financée par la FCE. Il est prévu que les employeurs financent les formations et la VAE des militants. Ces derniers y investissent leur DIF.

«GPEC des ressources militantes» à la CGT

Dans un premier temps, le parcours militant s'adresse aux permanents de la FCE, avant de s'élargir à tous les militants de la FCE dont le syndicat est inscrit dans la démarche. A l'heure actuelle, la fédération a réalisé une vingtaine d'entretiens d'accompagnement et en espère 50 à 100 d'ici à la fin de l'année. Elle a également réalisé un entretien d'anticipation. Les autres syndicats sont moins avancés. La CGT travaille, actuellement, à une «GPEC des ressources militantes». Elle organise des entretiens individuels tous les deux ans, afin d'identifier les besoins des militants, et prépare un référentiel de compétences. La CGT n'envisage pas de créer un diplôme spécial de syndicaliste, mais a identifié ceux susceptibles d'intéresser les militants : master en conduite du changement, master en ressources humaines. « Le syndicalisme n'est pas un métier, donc il ne peut déboucher sur un diplôme », expose Luc Dareau, ex-responsable de la politique des cadres syndicaux, qui vient de quitter son poste de permanent qu'il occupait depuis... vingt-six ans, pour rejoindre un Opca. Quant à FO, son union départementale de l'Isère mène, actuellement, une expérience avec l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble.

Le Medef sollicité

Quelle que soit l'approche adoptée, la réussite de ces projets de VAE dépendra de l'accueil des employeurs. Ceux des secteurs associatif, mutualiste et public sont traditionnellement proches des syndicats. Mais ceux du secteur privé ont toujours un a priori défavorable sur les militants syndicaux, et les exemples de réintégration réussie en entreprise sont rares. « Si les patrons n'adhèrent pas à notre démarche, elle demeurera nombriliste », admet Sophie Simonpoli. C'est pourquoi elle a demandé au Medef d'entrer dans le comité scientifique du diplôme d'engagé social. Bruno Lamy, de son côté, affirme que quatre DRH, dont ceux d'EDF et de GDF, se sont déclarés intéressés par le parcours militant.

L'essentiel

1 Afin d'attirer de nouveaux militants et de gérer les compétences de ceux actuellement en activité, les syndicats sont en train de mettre en place la validation des acquis de l'expérience militante.

2 Deux approches émergent : mettre en avant la spécificité de l'expérience syndicale en la sanctionnant par un diplôme ad hoc, ou, au contraire, banaliser cette expérience en lui attachant un diplôme existant.

3 L'enjeu de ces VAE est la reconversion des militants dans les entreprises du secteur privé. Ces dernières trancheront entre les deux approches.

Auteur

  • Emmanuel Franck