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Enquête

Un accord de branche pour maintenir les seniors dans l'emploi

Enquête | publié le : 19.06.2007 | G. L. N.

Le 5 décembre 2005, l'industrie laitière a conclu le premier accord en faveur du maintien dans l'emploi des seniors. Mais ce texte innovant rencontre une certaine résistance sur le terrain.

Le premier accord sur le travail des seniors a été conclu le 5 décembre 2005 entre la Fédération nationale de l'industrie laitière (Fnil) et l'ensemble des organisations syndicales. Volontiers qualifié de «novateur», cet accord vise à alléger la pénibilité de la fin de carrière et à rendre attractive la poursuite de l'activité. Il fait suite à un avenant à la convention collective signé le 11 juillet 2005, relatif à la mise en retraite d'office avant 65 ans et prévoyant une majoration de l'allocation de carrière dégressive pour tout départ à partir de 60 ans. Contrepartie, complément ou contradiction ? Les organisations syndicales divergent sur l'interprétation à donner à la succession des deux textes.

Transmission de savoirs

Quelque temps après ce premier accord, le 15 décembre, des dispositions similaires étaient prises dans les coopératives laitières, les deux secteurs partageant - entre autres problématiques - une même pyramide des âges : 23 % de leurs salariés ont plus de 50 ans. « Avec plus de 10 % de départs à la retraite dans les cinq prochaines années, précise Jean-Jacques Cazaumayou, secrétaire fédéral FGTA-FO, il était essentiel - dans un secteur aux pratiques encore souvent traditionnelles - de permettre une transmission du savoir-faire dans de bonnes conditions. »

Autre spécificité du secteur : la pénibilité. « Même si l'automatisation des grands groupes comme Danone, Lactalis ou Bongrain a réduit les risques, les métiers de l'industrie laitière restent globalement difficiles, explique Yann Nizart, secrétaire fédéral FGA-CFDT. Il y a, en outre, des métiers comme l'affinage des fromages dans lesquels la machine ne remplacera jamais la main de l'homme. »

L'accord du 5 décembre prévoit, en premier lieu, la mise en place, dès 45 ans, d'un entretien spécifique pour organiser la deuxième partie de sa carrière, tel que prévu par le plan national d'emploi des seniors, avec la possibilité d'effectuer un bilan de compétences, ainsi que l'affectation d'un minimum de 10 % du financement du plan de formation aux actions destinées aux seniors.

Mesure de la pénibilité

Second axe : l'incitation à établir, en collaboration avec le CHSCT, la mesure de la pénibilité des postes afin de favoriser un changement d'affectation - avec maintien de la rémunération dès quinze ans d'ancienneté - pour tous les seniors dont le poste aurait été identifié comme plus pénible que la moyenne. « Recenser, ainsi, de façon objective, la pénibilité dans l'entreprise est également une façon de sécuriser les «futurs seniors», se félicite Yann Nizart, qui rappelle qu'un salarié sur deux dans l'industrie laitière a plus de 40 ans. »

L'accord prévoit, enfin, une majoration de l'allocation de fin de carrière en cas de poursuite de l'activité au-delà de 60 ans ainsi que la possibilité d'opter pour un temps partiel choisi à partir de 55 ans, avec le maintien des droits en matière de retraite complémentaire et de prévoyance.

Timide mise en place

Après une première année de diffusion et d'appropriation par les entreprises, les mesures préconisées par l'accord - entretien professionnel en tête - sont timidement mises en place. « Cet accord incite à un véritable changement culturel, souligne Gérard Allezard, directeur des affaires sociales de la Fnil. Dans les secteurs soumis, comme le nôtre, à de fortes restructurations, les employeurs ont toujours privilégié la mise en retraite d'un senior plutôt que le licenciement d'un père ou d'une mère de famille de 40 ans. »

Résistance

Autre difficulté : la résistance des intéressés euxmêmes. « N'oublions pas que dans les usines, la majorité des ouvriers n'aspirent qu'à partir, poursuit Yann Nizart. Fréquemment, cet accord a été perçu comme une volonté d'entraver ce projet. » Pour soutenir des entreprises dans la mise en place des entretiens professionnels, la Fnil a conçu, en partenariat avec sept autres branches de l'industrie agroalimentaire, un guide pratique de l'entretien professionnel, en cours de diffusion.

Industries laitières

> Effectifs : 63 000 salariés, dont 23 % de plus de 50 ans.

> Nombre d'entreprises : 318.

> Chiffre d'affaires 2006 : 23,5 milliards d'euros.

Orlac : du «contrat de qualification senior» à l'entretien professionnel pour tous

t En s'associant, dès 2002, au projet Equal Part'@ge, Orlac - une des sept unions régionales coopératives assurant l'approvisionnement en lait du groupe Sodiaal - s'est très tôt penchée sur la question du travail des seniors. Clos en 2005, le projet Part'@ge se proposait, en effet, de favoriser la formation des travailleurs âgés du secteur de l'agriculture, l'industrie laitière en particulier. En 2002, le projet initial d'Orlac portait sur la mise en place d'un parcours de formation de plus de 200 heures pour les commerciaux agrofournitures - produits nécessaires à l'élevage laitier - ayant la plus forte ancienneté. « Leurs clients agriculteurs sont aujourd'hui de plus en plus formés, explique Hugues Ferrier, responsable formation. Nous souhaitions mettre en place une forme de «contrat de qualification senior» comme il en existe pour les plus jeunes afin de mettre à jour les compétences nécessaires. »

t Très rapidement ressentie comme stigmatisante par les intéressés, l'initiative n'aboutit pas ; la direction réoriente alors le projet vers la mise en place d'outils d'évaluation des compétences destinés à l'ensemble des classes d'âge. Après l'accord signé en 2005 dans les coopératives laitières, Orlac s'apprête aujourd'hui à mettre en place l'entretien professionnel... pour tous ses salariés sans distinction d'âge. « Dans nos métiers, souligne Hugues Ferrier, il me semble, désormais, que la meilleure façon d'aider les travailleurs âgés est de mettre en place des actions non discriminantes. »

Auteur

  • G. L. N.