Les cadres, qui étaient traditionnellement du côté des patrons, sont devenus, aujourd'hui, partie prenante des conflits sociaux. Moteur de l'économie dans les années 1970-1980, qui ont vu la baisse des effectifs ouvriers, ils ont, depuis, payé eux aussi un lourd tribut aux licenciements. De là date leur moindre allégeance à l'entreprise.

Aujourd'hui, alors que l'emploi cadre semble à nouveau avoir le vent en poupe, les cadres restent de mauvaise humeur.

De notables qu'ils étaient, autonomes et respectés par la hiérarchie et par les autres salariés, ils se vivent de plus en plus comme de simples exécutants appliquant des procédures prédéterminées, contraints à des résultats chiffrés avant même qu'on leur ait demandé leur avis sur les conditions de faisabilité de ces prouesses permanentes. D'où la montée d'un mécontentement, d'abord insidieux, puis de plus en plus net.

Mobilisés par les 35 heures, fragilisés par le CNE, ils sont parfois descendus dans la rue à l'occasion du CPE pour soutenir leurs enfants. Mais, surtout, ils revendiquent maintenant pour leur propre compte : actions des jeunes doctorants, conflit des chercheurs, mobilisation des stagiaires, des magistrats... Cet engagement inattendu reflète un malaise réel des cadres dans leurs fonctions et dans la société.

L'ouvrage de Marie-José Kotlicki et Jean-François Bolzinger, qui dirigent ensemble l'Ugict-CGT, cherche à mieux cerner cette montée du doute et de la révolte d'une population d'ordinaire si sage. Jean-Loup Julien, journaliste social, leur prête sa plume.

t Marie-José Kotlicki est cadre supérieure de la fonction publique d'Etat et membre (CGT) du Conseil économique et social.

Jean-François Bolzinger t est responsable des cadres CGT dans l'industrie.