Mais qui sont donc les blogueurs estampillés RH ? On y trouve des fondateurs de cabinets de conseil ou des éditeurs de solutions en ressources humaines, mais aussi des salariés en poste chez ces prestataires. Sur leurs blogs, ils affichent leurs casquettes professionnelles, font le lien avec la société qu'ils ont créée ou qui les emploie, et publient, à la première personne, des notes que tout le monde est libre de commenter. Des auteurs qui assument totalement leur «bloguisme» au point de signaler l'adresse de leur blog sur leur signature électronique professionnelle.

On compte plusieurs dizaines de ces blogueurs RH. Les prestataires ne sont pas les seuls à comprendre l'intérêt des blogs. Des chercheurs, comme Yannick Fondeur, de l'Ires (Institut de recherche économique et sociale), se sont pris au jeu. « C'est l'occasion de vulgariser, de faire court et de s'exposer aux commentaires tout en faisant mieux connaître nos travaux », estime ce chercheur, qui anime deux blogs respectivement dédiés à l'e-recrutement et aux politiques d'emploi.

Ce sont plutôt les nouveaux entrants sur le marché des prestations RH qui se montrent les plus motivés pour se faire une place sur le territoire des blogs. En quête de visibilité, ces nouveaux acteurs, surtout présents sur les créneaux du recrutement et de la formation, cherchent à se démarquer par leur ton franc, et par des attaques contre les prestataires déjà bien installés... dans les limites qu'impose un milieu où tout le monde se connaît. Dans les faits, les commentaires incendiaires restent rares.

Les acteurs comme Monster ou encore Keljob sont régulièrement la cible des blogueurs RH. Sur son blog, Thomas Delorme, responsable du pôle web de l'agence TMPNeo, spécialisée en communication de recrutement, expose ainsi ses opinions : « Monster, entreprise fun, jeune, innovante, drôle - j'arrête, je suis pas crédible ! -, a lancé, aux Etats-Unis, un jeu mal réalisé et pas intéressant... » Préalablement, il précise tout de même que « ce blog ne reflète que l'avis de son auteur, pas nécessairement celui de son employeur ! » Pierre Polycarpe, consultant chez l'éditeur Taleo, ne s'interdit pas, non plus, de parler de la concurrence sur son propre blog, pour contribuer à éclairer l'évolution du marché. Récemment, il s'interrogeait ainsi sur les conséquences du rachat d'Arinso par Northgate sur l'évolution de leurs gammes de produits (lire Informatique RH, p. 19).

Souvent, le ton est libre : « J'ai rarement vu des gens avec du potentiel qui avait un regard bovin », écrit, par exemple, Charles-Henri Dumon, Pdg de Michael Page, sur son blog. Mais le contenu reste informatif. Conseils méthodologiques, analyses de l'évolution des marchés, commentaires sur des articles de presse, informations sur l'actualité de l'entreprise et celle de ses clients représentent autant de matière pour nourrir un blog. A noter que ceux-ci perdent quelque peu en spontanéité lorsqu'ils sont directement intégrés sur le site institutionnel du prestataire.

La plupart des principaux blogs tenus par des professionnels des RH drainent un trafic de quelques centaines de visiteurs par mois, dont une partie s'abonnent pour recevoir, en temps réel, la moindre nouvelle note publiée. Les auteurs multiplient ainsi les contacts du côté des prospects, clients, partenaires ou encore candidats.

Outre une très grande flexibilité et une facilité de prise en main, les blogs présentent surtout l'intérêt d'être très bien référencés par les moteurs de recherche grâce à une architecture technique parfaitement adaptée. Si le ton y est, le trafic ciblé aussi. Un blog à 10 euros par mois, régulièrement mis à jour, a toutes les chances d'être plus visible qu'un site institutionnel, pour peu que l'auteur tienne le rythme, avec la pertinence en prime. En acceptant le jeu des commentaires, les auteurs se placent dans une dynamique d'échange de liens. Certains blogueurs ont acquis une notoriété grâce, notamment, au relais des médias. Comme Jacques Froissant, créateur du cabinet Altaïde et cofondateur, avec Richard Menneveux, de la plateforme Moovement. Il a été l'un des premiers à comprendre qu'un «petit» acteur ambitieux peut gagner en visibilité en jouant sur les blogs.

Mais les gains se mesurent surtout par l'enrichissement des contacts au sens large. C'est un moyen d'échanger différemment avec des clients. Ainsi, à l'occasion d'une rencontre de visu, il n'est pas rare que des clients fassent part oralement à l'auteur de leurs sentiments sur certains de ses billets. « Mon blog est le sac à dos de ma réputation en ligne », illustre David Guillocheau, cofondateur de Job Meeters, un site de recrutement de nouvelle génération.

Les cas sont rares, mais il peut arriver qu'une direction se montre à ce point convaincue par les analyses d'un consultant sur son blog qu'elle prenne contact avec ce dernier pour une mission. C'est aussi grâce à son blog «Génération talent Power» que David Guillocheau a rencontré son associé Patrice Malaurie. Pour beaucoup, le blog se révèle un bon canal de recrutement. « Il m'a déjà permis de coopter quatre candidats », confirme Pierre Polycarpe. Pour David Bernard, fondateur d'Assessfirst, « une personne qui prend le temps de parcourir notre blog avant que nous la rencontrions en entretien se sera imprégnée de notre culture ». Pour d'autres, comme Gilles Martin, auteur du blog «Zone Franche» et fondateur du cabinet Performance Management Partner, qui emploie une trentaine de salariés, « mes collaborateurs sont les premiers lecteurs de ce bloc-notes sur la gestion du changement. Ils s'approprient ainsi la culture du management que je m'emploie à diffuser au sein du cabinet ». Un blog dont il tirera peut-être un livre... Le principal risque, lorsqu'on lance un blog, reste celui de s'essouffler. « Le plus difficile, c'est d'être bon tout le temps », confie Charles-Henri Dumon, qui invite ses lecteurs à lui poser des questions. Une façon de s'inspirer. Tous les moyens sont bons pour tenir un rythme de publication régulier, quitte à y perdre en pertinence. Rien de pire que de donner l'image d'un blog à l'abandon.

1 L'emploi de la première personne explique en partie pourquoi les blogs des prestataires RH parviennent à fidéliser quelques centaines de visiteurs par jour.

2 Leur ton plus libre que celui des blogs institutionnels donne l'occasion de multiplier et de diversifier les contacts : clients, prospects, partenaires, candidats.

3 Ces blogs permettent aux acteurs des RH de mieux appréhender l'évolution du marché et les positionnements respectifs, tandis que les candidats y voient une nouvelle porte d'entrée pour être recrutés.

Yannick Fondeur : < surlemploi.wordpress.com/ > < erecrutement.wordpress.com/ >

Thomas Delorme : <www.freak-tank.com/wp>

Pierre Polycarpe : < pierrepolycarpe.typepad.com/ >

Charles-Henri Dumon : <www.pageblog.fr/blog/>

Jacques Froissant : < altaide.typepad.com/ >

Moovement : < blog.moovement.com/ >

Jobmeeters : < jobmeeters.blogs.com/ >

David Guillocheau : < talentpower.typepad.com >

David Bernard : < assessfirst.blogs.com/davidbernard/ >

Assessfirst : < assessfirst.blogs.com/ >

Gilles Martin : < gillesmartin.blogs.com >