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Enquête

Les indices de la souffrance au travail existaient

Enquête | publié le : 12.06.2007 | Aurore Dohy

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Les indices de la souffrance au travail existaient

Crédit photo Aurore Dohy

Sous le feu des médias après le suicide de quatre salariés de la centrale de Chinon depuis 2004, la DRH a annoncé, mi-avril, la mise en place de trois actions prioritaires dans les mois à venir. Les syndicats fustigent l'attentisme de l'entreprise.

Création d'un observatoire de la qualité de vie au travail, renforcement du dispositif éthique et amélioration du management de proximité : après avoir pris connaissance des conclusions de la «mission d'écoute et de compréhension» dépêchée sur le site nucléaire de Chinon (37) pendant deux jours et demi, en mars dernier, ce sont les trois mesures qu'a retenues Yann Laroche, directeur général délégué RH.

Temps de la réflexion

A l'exception d'un numéro vert à la disposition des salariés - élément du dispositif éthique -, qui devrait être opérationnel en septembre, leur calendrier n'est pas encore défini. « Nous prenons le temps de la réflexion pour concevoir un dispositif efficace, dont les différents outils se complèteront et s'enrichiront mutuellement », indique-t-on chez EDF.

Destiné à améliorer la prévention des risques psychosociaux, le projet d'observatoire a fait l'objet d'une première réunion à la DRH : « Nous réfléchissons à son positionnement - il s'agit d'y associer les organisations syndicales et la médecine du travail sans pour autant prendre leur place - ainsi qu'à sa composition : nous souhaitons son ouverture à toute personne extérieure susceptible d'apporter une plus-value. »

Des rapports sans effets

Chez les professionnels en charge des questions de santé et de prévention à EDF, un tel projet rend amer. « Voilà dix ans que les médecins de la centrale de Chinon réalisent, chaque année, une veille en santé mentale avec indicateurs quantitatifs et qualitatifs, explique Dominique Huez, un des quatre médecins du travail du site. Ces documents sont remis à la direction et présentés au CE. Ils n'ont jamais été suivis d'effets. »

Même son de cloche au niveau du groupe. « A ce jour, il a déjà été démontré de façon objective que certains salariés se sentent isolés, subissent des pressions morales et une surcharge de travail », explique Pierre Monfort, représentant FO du CHSCT national, qui cite, notamment, une étude sur la santé mentale menée en 2003 par une délégation de la Commission nationale de la médecine du travail - une instance spécialisée du CCE -, qui avait proposé un certain nombre de recommandations. Restées finalement lettre morte.

Des «correspondants» parmi les salariés

« Il est temps que la direction admette enfin que la souffrance au travail existe, et passe à l'action. » Pierre Monfort s'interroge, en outre, sur l'efficacité d'un observatoire «au-dessus de la mêlée» : « Aura-t-il, comme le CNHSCT, une représentativité, une capacité à se faire entendre et à alerter ? »

Le flou règne également sur le «renforcement du dispositif éthique» : il s'agirait de veiller à ce que les valeurs d'EDF soient respectées sur le terrain grâce à des correspondants choisis parmi les salariés. Cette organisation serait complétée par l'ouverture d'un numéro vert, prévue pour septembre.

A ce jour, les organisations syndicales ont d'ores et déjà été consultées sur ce dernier dispositif, volontiers qualifié de « gadget » ou de « bobothérapie », et dont elles déplorent qu'il existe déjà dans certaines unités, sans que personne n'en soit réellement informé. « En matière d'écoute des salariés, ajoute Dominique Huez, la vraie question à se poser serait plutôt «comment rétablir la confiance ?» Je ne crois pas que ce puisse être grâce à une voix anonyme au bout du fil. »

Scepticisme

C'est finalement la volonté affichée d'améliorer le management de proximité qui suscite le plus de scepticisme dans les rangs syndicaux. « Répondant à des impératifs strictement financiers, les «rationalisations» successives de l'organisation du travail ont enfermé dans leur bureau des managers débordés par les tâches administratives, déplore Michel Lallier, représentant CGT du CHSCT de la centrale. La surcharge de travail les guette, et personne n'aborde sérieusement la question de l'emploi. »

Secrétaire fédéral CFDT, Christian Delespinay voit une raison d'espérer au-delà des mesures annoncées. En juillet 2006, la CFDT a, en effet, signé avec la CGT, la CFE-CGC et la direction un agenda social 2006-2008 prévoyant la tenue de négociations sur les conditions de travail. « Nous les réclamions depuis la mise en place de la RTT en 1999, se félicite-t-il. Ce n'était vraisemblablement pas une priorité pour EDF, mais les circonstances ont joué un rôle d'accélérateur. »

Accords non appliqués

Des premières négociations sont d'ores et déjà ouvertes dans la branche EDF Commerce. Elles devraient aboutir à un accord avant l'été. « Avec la libéralisation totale du marché de l'électricité prévue le 1er juillet prochain, les 12 000 salariés de cette branche subissent aujourd'hui une très forte pression », précise Christian Delespinay. Le secrétaire fédéral tient cependant à nuancer : « Malheureusement, nous constatons fréquemment que nos accords, souvent très satisfaisants, restent inappliqués sur le terrain. Et pour cause : le management local est débordé... »

edf

> Activité : opérateur d'énergie.

> Effectifs : 156 524 salariés.

> Chiffre d'affaires 2006 : 58,9 milliards d'euros.

Les principales mesures du plan d'action

- Création d'un observatoire de la qualité de vie au travail

- Renforcement du dispositif éthique

- Mise à disposition des salariés d'une ligne téléphonique d'écoute

- Amélioration du management de proximité

Auteur

  • Aurore Dohy