Les syndicalistes américains tentent de se renouveler avec audace. Les dirigeants de SEIU (Service Employees International Union) parient sur un nouveau syndicalisme de service. Ils vont lancer, à l'automne prochain, sur Internet, un site conseil pour les jeunes. Objectif : les aider à sélectionner une assurance santé, soutenir et conseiller ceux qui sont surendettés. Le site virtuel baptisé Qvisory Tools for Life est financé à hauteur de 1 million de dollars par la fondation Rockefeller, et de 500 000 dollars par le syndicat. Eileen Quigley, une transfuge de la société de logiciels RealNetworks, s'installe aux commandes, à Seattle, le berceau high-tech de Microsoft.

Les Etats-Unis sont connus pour la faiblesse de leurs organisations syndicales. Seulement 10 % des salariés américains seraient membres d'un syndicat. Mais certaines organisations, comme SEIU, réussissent malgré tout à tirer leur épingle du jeu. Le mouvement, qui revendique 1,8 million d'adhérents, a doublé en dix ans. Très implanté initialement chez les concierges et dans les entreprises de nettoyage, SEIU a réussi à faire entendre sa voix en multipliant les coups d'éclat dans les villes (sittings, grèves du nettoyage) et en accueillant dans ses rangs les immigrés. La formule a convaincu d'autres professionnels : des fonctionnaires, des agents de sécurité, des infirmières, des aides-soignantes et même des médecins.

Les jeunes sont un public convoité, mais guère enclin à s'inscrire dans des organisations jugées pesantes et rigides. Andrew Stern, le président de SEIU, et ses collègues se sont demandé comment attirer leur attention. Leurs trois inquiétudes, selon le président : « Les finances, les finances, les finances. » C'est donc sur ce terrain que les syndicalistes s'activent.

Le site Qvisory s'adresse aux jeunes de 18 à 35 ans, syndiqués et non syndiqués, diplômés ou non. Il leur parlera argent dans des blogs, chats et autres lieux de rencontre virtuelle. Eileen Quigley négocie, actuellement, avec les groupes d'assurance américains pour tenter d'obtenir des couvertures santé à un prix raisonnable pour les jeunes salariés non couverts. Idem avec des instituts financiers pour leur décrocher de petits taux d'intérêt sur les cartes de crédit et les emprunts.

Andrew Stern espère créer une communauté de jeunes internautes qui dans d'autres conditions ne seraient sans doute pas venus à SEIU. Et il offre ses services aux enfants de ses adhérents. La démarche rappelle celle du syndicat Communications Workers of America (CWA), qui, à la fin des années 1990, a créé avec succès WashTech, une organisation souple pour les employés high-tech, jusqu'alors réfractaires aux «unions».