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Les Pratiques

Modification de la prise en charge par l'employeur

Les Pratiques | L'AVIS DU JURISTE | publié le : 05.06.2007 | Alice Fages Juriste en droit social

Quand l'employeur prend en charge les frais de déplacement du salarié entre le domicile et le lieu de travail, sans que ce soit prévu au contrat de travail, peut-il modifier l'avantage ainsi consenti ? La Cour de cassation vient de répondre à cette question par la négative.

Selon une jurisprudence constante, l'employeur est en droit de modifier, voire de supprimer, un élément de rémunération non prévu par un accord collectif ou par le contrat de travail, qui serait donc accordé soit à titre de gratification, soit à titre d'usage (en suivant, dans ce second cas, une procédure spécifique).

Et pourtant, la Cour de cassation (Cass. soc. 8 mars 2007, n° 05-44.675) a considéré qu'en payant pendant dix ans les frais de déplacement d'une salariée pour se rendre du domicile au lieu de travail, l'employeur avait consenti un avantage contractuel inclus dans la rémunération auquel il ne pouvait unilatéralement mettre fin. Ainsi, pour les juges, le fait de rembourser pendant une longue période certaines dépenses a pour conséquence de contractualiser ce paiement.

Le principe dégagé est surprenant à plus d'un titre.

D'une part, la Cour de cassation analyse la prise en charge des frais de déplacement en un élément de rémunération ; il est vrai qu'il est difficile de considérer que les frais de déplacement domicile-lieu de travail sont des frais professionnels même si, sur le plan de la Sécurité sociale, l'administration admet, à certaines conditions, que l'employeur puisse les prendre en charge, sur la base du barème fiscal des indemnités kilométriques, sans qu'ils soient assujettis à cotisations sociales. Il n'empêche que l'employeur n'est pas tenu de rembourser au salarié ses frais de déplacement pour se rendre au travail (sauf cas particulier de la carte orange en région parisienne), tandis qu'il est tenu de lui rembourser les frais professionnels, qui sont des charges inhérentes à l'emploi. Cet arrêt consacre donc, une fois de plus, l'indépendance du droit du travail par rapport au droit de la Sécurité sociale.

D'autre part, la Cour considère que la prise en charge des frais de déplacement a une nature contractuelle, alors même qu'elle n'est pas prévue par le contrat lui-même. On peut supposer (mais rien ne permet de l'affirmer) que les juges se sont prononcés eu égard à la longue période pendant laquelle l'employeur avait consenti cet avantage, soit, en l'espèce, une période de dix ans. Cela est manifestement surprenant, et des précisions seraient bienvenues.

En effet, si cette solution venait à être consacrée, les employeurs ne seraient guère incités à accorder ce type d'avantage aux salariés, sachant qu'il leur serait interdit de revenir sur cette pratique.

Auteur

  • Alice Fages Juriste en droit social