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Les Pratiques

L'ex-usine Nestlé redémarre avec difficulté

Les Pratiques | Retour sur | publié le : 05.06.2007 | M.-P. V.

Depuis un an, la torréfaction des fèves de cacao a recommencé sur l'ancien site de Nestlé Saint-Menet à Marseille. Mais les relations sont tendues entre le repreneur, Net Cacao, et Nestlé, son principal client. Quant à la revitalisation de la zone, les premiers résultats se font attendre.

Il y a un an, l'usine Nestlé Saint-Menet changeait de propriétaire. Le site a failli fermer, mais, après un long conflit, les 425 salariés font plier le groupe agroalimentaire suisse. L'activité café est condamnée, mais le chocolat trouve un repreneur, Net Cacao, qui s'engage à réembaucher 180 salariés. Il conclut aussi un accord de sous-traitance avec Nestlé qui devient, ainsi, son principal client. Aujourd'hui, le bilan est en demi-teinte. Net Cacao a tenu ses promesses : sur les 182 propositions d'emploi, 170 ont trouvé preneurs. L'usine emploie 189 personnes. Selon le prévisionnel, ils devraient être 250 salariés au premier semestre 2008.

Retard de production

Mais le plan d'embauche est compromis par un chiffre d'affaires deux fois moins élevé que prévu et un retard de production de neuf à dix mois. Le fautif serait Nestlé, selon Jean Chenal, le fondateur de Net Cacao, qui vient d'assigner le groupe devant le tribunal de commerce de Paris. Il veut obtenir la résiliation anticipée du contrat de sous-traitance. « Quand nous avons remis l'usine en marche, nous avons constaté l'ampleur des dégradations accumulées faute d'investissement », explique-t-il.

Nestlé n'y mettrait pas du sien en imposant des plannings de production fantaisistes. « Le développement commercial de Net Cacao via la prospection de nouveaux clients s'en trouve ralenti », estime Jean Chenal. Nestlé se dit « surpris » de ces allégations. « Ni le temps ni les moyens d'information n'ont manqué à Net Cacao avant de signer l'accord, cela sans émettre aucune réserve. Aujourd'hui, Net Cacao est considéré comme n'importe quel autre fournisseur », indique un porte-parole de la direction.

Contestation devant les tribunaux

Dans un communiqué publié suite à l'assignation, Nestlé « s'étonne de cette procédure », et affirme que le groupe « a rempli l'intégralité de ses obligations contractuelles et continue à satisfaire tous ses engagements envers Net Cacao ». Ce n'est pas l'avis de Joël Budanic, ancien délégué syndical de Nestlé Saint-Menet : « Nestlé s'était engagé à faciliter la montée en charge, mais c'est le contraire qui semble se produire. » Il est aujourd'hui responsable RH de Net Cacao, mais s'exprime uniquement en qualité de négociateur de l'accord de sous-traitance. Lui aussi « envisage de [se] tourner vers les tribunaux si le groupe poursuit dans cette voie ».

Sur les lignes de production, le ressenti monte face à un client pas comme les autres. « Il y a des choses qu'on ne pourra jamais oublier », note l'ancien délégué syndical. Tant et si bien qu'actuellement, 103 salariés de Net Cacao et 63 autres ex-Nestlé contestent leur licenciement devant les prud'hommes.

Il n'y a pas davantage de motifs de satisfaction du côté de la convention de revitalisation passée entre Nestlé et l'Etat. Signée en juillet 2006, elle fixe un objectif minimum de 220 emplois créés sur trois ans. Le groupe suisse a mandaté le lyonnais Vauban Développement qui, pour un euro symbolique, a récupéré les 20 hectares et les 85 000 m2 de locaux laissés vacants. En échange, il doit investir 80 millions d'euros pour développer un parc d'activités comptant un millier d'emplois d'ici à 2011. Mais pas un seul n'a encore été créé.

Manque d'informations

De mois en mois, Vauban Développement reporte les demandes d'interview et de visite du site. Jean-François Molina, qui est encore investi de son mandat de délégué syndical de Nestlé Saint-Menet, relève que le comité de pilotage n'a jamais été réuni : « Il y a tout juste eu deux tables rondes au cours desquelles Vauban Développement n'a donné quasiment aucune information. En janvier, il a quand même été question d'une entreprise textile qui devait s'installer sur le site en avril et créer 50 emplois. Nous avons aussi entendu parler par la presse d'une entreprise de tôlerie industrielle marseillaise de 45 salariés. » Son déménagement vers Saint-Menet aurait lieu en août. Mais Vauban Développement reste discret. « Nous avons un nombre sérieux de prospects assez consistants. Certains ont pris des décisions, mais doivent d'abord les annoncer en interne », indique son dirigeant, Carlos Teixeira, qui ne dit rien non plus des travaux d'aménagement en cours. Ces silences ne manquent pas d'inquiéter les partenaires sociaux.

Un reclassement réussi

Seuls 11 des 425 ex-Nestlé sont encore sans solution de reclassement aujourd'hui. Outre les 170 personnes reprises par Net Cacao, 84 sont parties en préretraite ou en retraite et 34 ont accepté une offre de poste au sein du groupe Nestlé ; 14 sont en longue maladie et 32 en invalidité. Les autres ont été prises en charge par l'antenne emploi animée par le cabinet BPI ; 37 ex-Nestlé ont retrouvé un emploi (un en intérim avec promesse d'embauche, quatre en CDD de plus de six mois et 31 en CDI) ; 19 ont créé leur entreprise et trois sont sur le point de le faire.

Une formation de reconversion longue a été engagée pour quatre personnes, tandis que cinq projets personnels ou externes sont finalisés.

Douze personnes ont refusé, arrêté ou suspendu l'accompagnement proposé par BPI.

Auteur

  • M.-P. V.