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La Poste réorganiseles métiers du courrier

Les Pratiques | Point fort | publié le : 05.06.2007 | Marie-Pierre Vega

La Poste a mis sur les rails Cap Qualité Courrier, un vaste programme de modernisation de ses centres de préparation, de tri et de distribution du courrier. Il entraîne des changements de métier et de lieu de travail pour des dizaines de milliers de salariés. Pour y faire face, le groupe déploie un programme RH d'accompagnement.

Direction et organisations syndicales sont au moins d'accord sur un point : La Poste est en train de vivre une révolution. Vitale selon la première, peut-être nécessaire mais certainement inquiétante pour les secondes. Son nom de code : Cap Qualité Courrier (CQC). Il s'agit d'un programme de modernisation des outils de tri, de transport et de distribution du courrier. Concrètement, La Poste rénove et concentre ses centres de tri, passant d'une centaine de sites à une quarantaine de plates-formes industrielles de courrier. En amont et en aval, le traitement et l'acheminement du courrier seront assurés par une centaine de plates-formes de préparation et de distribution de courrier. Enfin, plusieurs milliers de plates-formes de distribution, équivalentes des bureaux de poste, constitueront le dernier maillon de la nouvelle chaîne du courrier.

Accroître la rentabilité

Avec cette réforme, La Poste poursuit un double objectif : améliorer la qualité de service au client et accroître la rentabilité. L'investissement, qui s'étale jusqu'en 2010, est chiffré à 3,4 milliards d'euros. Il doit permettre au groupe d'affronter l'ouverture européenne des marchés, prévue pour 2009, et la concurrence d'Internet, le média désigné comme responsable de la baisse de son activité courrier.

Maîtrise de quatre à cinq postes par agent

L'impact social du projet est massif. Dans quelques années, les salariés de la direction courrier - 180 000 aujourd'hui - auront entre les mains un nouvel outil de travail, ultra-mécanisé. Par ailleurs, « pour chaque nouvelle plate-forme industrielle de courrier créée, au moins un millier de personnes vont changer de métier ou d'implantation géographique », indique Muriel Barnéoud, directrice des grands programmes et directrice industrielle de la direction courrier. Cap Qualité Courrier se traduit aussi par davantage de polyactivité. Jusqu'alors, les opérateurs étaient monotâches. Demain, les agents devront maîtriser au minimum quatre ou cinq postes. « La polyactivité permet de préserver la santé au travail de nos agents, mais aussi d'accroître la qualité du service, grâce à des opérateurs qui savent ce qui se passe avant et après », explique la directrice.

Préparation au changement

Quatre plates-formes industrielles de courrier ont déjà ouvert. Paris-Nord, à Gonesse, en Ile-de-France, a été la première, en février 2004. Depuis, trois autres lui ont emboîté le pas, et trois ouvertures supplémentaires sont programmées d'ici au deuxième trimestre 2008. « La préparation au changement, qui démarre deux ans avant, est déjà engagée sur ces trois territoires », souligne Muriel Barnéoud.

Le mode opératoire est à chaque fois le même. Sur la base du volontariat, les agents sont reçus en entretien individuel par leur chef d'équipe. Ensemble, ils identifient l'orientation professionnelle souhaitée en fonction des désirs et des contraintes de l'opérateur. A-t-il envie de changer de métier ? Est-il mobile ? Sur quel périmètre ? Quels sont les freins à sa mobilité ? S'il le faut, ils se rencontrent plusieurs fois. « Ce rendez-vous, qui enregistre un taux de participation de 95 %, permet de comprendre comment le travail et la vie privée de l'agent s'emboîtent et comment ces deux aspects pourront continuer à s'emboîter », explique Muriel Barnéoud.

Une centaine de conseillers en mobilité

Reste à faire correspondre les désirs des agents aux besoins du groupe. C'est tout le travail de la centaine de conseillers en mobilité. Géographiquement implantés sur leur territoire d'intervention, ils peuvent être jusqu'à une dizaine sur un même site. Ils identifient les opportunités de postes et informent les directeurs opérationnels sur les agents disponibles. Ils proposent également des forums de découverte, des témoignages d'agents qui ont vécu une mobilité géographique et/ou fonctionnelle, et des stages de découverte de postes étalés sur plusieurs semaines. Enfin, ils veillent à la qualité de l'intégration de chaque agent dans son nouvel emploi. A cet effet, La Poste a prévu une enveloppe formation de 160 millions d'euros sur la période 2004-2010. Tous les opérateurs devraient, ainsi, bénéficier de dix à vingt jours de formation.

Le volet social du projet CQC, d'un montant total de 800 millions d'euros, comporte aussi des mesures d'accompagnement matériel : prise en charge de l'intégralité du déménagement, aide à l'accès à la propriété, réservation de capacités dans les programmes de logements sociaux... « La Poste ne souhaite pas que ses collaborateurs passent leur temps sur la route. Aussi, au-delà d'un certain seuil d'éloignement entre le domicile et le lieu de travail, fixé aux alentours de 30 km, avec des variantes selon les sites, nous les aidons à déménager. » En guise d'incitation, les kilomètres parcourus au-delà de ce seuil ne sont pas remboursés.

Accord national dénoncé

Pour la CFDT, l'accompagnement social n'est pas toujours à la hauteur des enjeux. A l'origine, un accord national avait été négocié, mais il a été dénoncé par trois organisations syndicales, CGT, Sud et FO. « Le volet social était, à nos yeux, indissociable des volets industriel et organisationnel, mais la direction a refusé de négocier ces deux aspects avec les organisations syndicales. C'est pourquoi, tout en participant aux discussions des mesures d'accompagnement pour faire valoir nos propositions, nous avons refusé de signer l'accord », explique Hervé Tellier, membre du bureau fédéral de la CGT-PTT.

Déclinaison locale des mesures

Mais, en l'absence d'un accord-cadre national, « la direction laisse une grande place à la déclinaison locale, qui dépend largement de la réalité des présences syndicales et de la qualité du dialogue social, regrette Christian Illy, secrétaire fédéral CFDT en charge du courrier. Sur certains sites, les primes de mobilité, par exemple, sont aussi élevées que ce qui avait été négocié dans l'accord, mais les mesures qualitatives sont absentes, comme, notamment, la mise en place du temps partiel pour les seniors sans conséquence sur le calcul de la retraite ».

A ce jour, selon la direction, moins d'une dizaine de personnes sont encore en attente d'un poste ou d'une solution deux mois après l'ouverture de la plate-forme industrielle créée en Lorraine. Toutes les difficultés ont été résolues sur les trois autres sites. Ce n'est pas l'avis de la CGT : « Sur le terrain, les agents sont mécontents, raconte Hervé Tellier. Les horaires sont encore plus flexibles qu'auparavant. La polyactivité n'est pas accompagnée de l'effort de formation et de l'effort salarial attendus. D'une manière générale, il y a de grandes insatisfactions concernant la reconnaissance salariale, qu'il s'agisse des heures de nuit ou des qualifications. »

Forte mécanisation du processus

Au chapitre emploi, La Poste rappelle qu'il n'y aura aucun licenciement. Cependant, le projet repose sur une très forte mécanisation du processus. Aujourd'hui encore, la moitié des objets sont triés à la main. Demain, il n'y en aura plus que 10 %. Résultat : les effectifs devront diminuer d'une manière ou d'une autre.

La CGT redoute « 40 000 à 60 000 suppressions d'emploi d'ici à 2010 ». La direction, elle, ne donne aucun chiffre. « Nous ne remplacerons pas tous les départs à la retraite », indique seulement Muriel Barnéoud. « Oui, mais des départs auront lieu sur des postes qui ont vocation à être maintenus, prévient la CFDT. C'est pourquoi il y a urgence à travailler sur la mobilité et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. »

L'essentiel

1 L'activité courrier de La Poste modernise ses outils de distribution, de transport et de tri pour améliorer ses performances sur un marché promis à la concurrence européenne en 2009.

2 Les agents devront, désormais, être capables de tenir quatre postes différents au minimum. Plusieurs dizaines de milliers d'entre eux vont changer de métier et, pour certains, de lieu de travail.

3 Les agents sont épaulés par leurs encadrants et des conseillers mobilité pour établir un nouveau projet professionnel. Des mesures d'incitation au déménagement sont également proposées.

L'état d'avancement du projet

Quatre plates-formes industrielles de courrier sont déjà ouvertes : Paris-Nord (Val-d'Oise), en février 2004, avec 850 salariés ; Sorigny, près de Tours (Val-de-Loire), en octobre 2006 (266 agents) ; et, en décembre 2006, Pagny-lès-Goin, près de Nancy (Meurthe-et-Moselle, 500 agents), et Lognes, près de Meaux (Seine-et-Marne, 370 agents).

Deux ouvertures sont programmées en 2007 : Paris-Sud, à Wissous (Essonne), qui emploiera plus de 700 agents à partir d'octobre, et Lyon, en décembre, avec 650 agents. Saint-Gibrien, près de Châlons-en-Champagne (Marne), sera opérationnelle au cours du deuxième trimestre 2008, avec 190 personnes.

Dans la plupart des cas, ces plates-formes sont issues de la transformation ou de la rénovation du centre de tri déjà en place. A ce jour, seules les créations de Paris-Nord et de Pagny-lès-Goin ont entraîné des fermetures de site et une relocalisation sur un nouveau lieu géographique.

Précision

La société Iota-Group, citée dans l'article intitulé « La sécu ne veut plus d'une gestion «en Suisse» » (n° 850), s'est estimée injustement mise en cause par ce texte principalement consacré à la gestion de certains expatriés de Total par une filiale du groupe pétrolier implanté en Suisse. Nous y mentionnions par ailleurs que de nombreuses sociétés suisses ou britanniques proposaient des services de gestion administrative des expatriés, dont Iota, une des plus connues. Dans le même article, un avocat indiquait qu'il faut rester vigilant, au regard du droit du travail et de règlements de sécurité sociale, sur la régularité des contrats proposés par les multiples intervenants de ce secteur.

Nous précisons donc qu'en aucun cas il ne s'agissait de mettre en cause les entreprises mentionnées dans l'article, dont Iota-Group, qui est une des plus anciennes et importantes dans ce domaine, pas plus qu'Expatrium, par exemple, autre société citée et qui explicitait ses pratiques dans nos colonnes à cette occasion.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega