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Les cadres locaux se forment aux relations sociales

Enquête | publié le : 29.05.2007 | E. F.

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Les cadres locaux se forment aux relations sociales

Crédit photo E. F.

La direction de Lafarge Ciments organise des formations aux relations sociales pour les cadres de ses sites. Celles-ci améliorent le climat social local et permettent de régler des problèmes à ce niveau, sans pour autant garantir la paix sociale.

« Tout ne peut pas se négocier au niveau central, ni au niveau local. » Comme ses prédécesseurs à ce poste, Jean-François Jacquet, directeur des relations sociales de Lafarge Ciments, prône une certaine décentralisation du dialogue social. Outre que la filiale de Lafarge spécialisée dans les ciments est la plus ancienne activité du groupe - 170 bougies -, dotée d'une histoire sociale spécifique, cette décentralisation se justifie par le fait que l'entreprise est éclatée en de nombreux sites aux activités diverses et aux contraintes multiples : cimenteries, dépôts, stations de broyage, directions régionales des ventes, centre de formation, siège. Exemple, avec les astreintes : « Celles-ci dépendent des organisations de travail locales et ont donc été négociées dans le cadre d'accords de site. Il en est de même de la déclinaison dans les sites de l'accord-cadre sur les 35 heures », illustre Jean-François Jacquet.

Compétences en RH

Cette organisation du dialogue social suppose que ses acteurs locaux - directeurs de site, responsables administratifs du personnel (RAP), encadrement en général, et délégués syndicaux d'établissement - aient des compétences qui se rapprochent de celles des membres de la DRH et des délégués centraux des cinq organisations syndicales représentatives.

Les délégués syndicaux (DS) locaux peuvent s'appuyer sur les comités d'établissement ou sur leur délégué syndical central (DSC). L'encadrement, quant à lui, bénéficie, depuis plusieurs années, de formations aux relations sociales. Divisées en deux cursus, elles s'adressent aux directeurs d'usine, aux RAP, voire à la maîtrise ou aux jeunes ingénieurs fraîchement recrutés.

Formation au droit social

Le premier cursus vise à les former au droit social et au contexte réglementaire de Lafarge Ciments : Code du travail, convention collective, accords. Dispensé par un intervenant extérieur, il dure trois jours, et a pour objectif de «dispenser un minimum de règles sociales». Le second, plus opérationnel, est consacré à la «conduite des relations sociales». Egalement dispensé par un intervenant extérieur, il dure deux jours et veut expliquer le fonctionnement des délégués syndicaux, à travers des études de cas, mais aussi par l'histoire des grandes centrales, « car un DS ne réagit pas de la même manière selon qu'il est de la CGT ou de la CFDT », relève Jean-François Jacquet. Ces formations, qui se déroulent au siège de Lafarge, accueille, chaque année, un ou deux salariés par site. En 2006, 30 cadres ont pu en bénéficier.

Traitements décentralisés

Jean-François Jacquet se déclare « très satisfait » de la qualité du dialogue social décentralisé : « 90 % des difficultés sociales sont traitées localement. Très peu de problèmes remontent jusqu'à moi. Il n'y a qu'une seule action prud'homale en cours actuellement. »

Les deux principales organisations syndicales de Lafarge Ciments, la CGT - majoritaire - et la CFDT, s'accordent pour dire que le dialogue social y est de bonne qualité, même s'il s'est un peu durci ces derniers temps. Elles reconnaissent que ces formations créent un contexte favorable, mais, selon les deux délégués syndicaux centraux (DSC), leur efficacité s'arrête là. Pour Pierre Balansat, DSC CFDT, le dialogue social chez Lafarge Ciments est, de toute manière, « très centralisé », et les sites ont peu d'autonomie. Gilles Lécaille, son homologue à la CGT, relève que les RAP sont « débordés » par des accords dont l'application est compliquée, et que l'encadrement « sait qu'il existe un Code du travail, mais ne connaît pas la convention collective [de la cimenterie] ». « Cela prouve que les salariés ont encore besoin des syndicats », se réjouit-il.

Hétérogénéité

Ces formations ne garantissent pas l'homogénéité du climat social. Lors des dernières négociations sur les salaires, des sites ont connu des grèves d'ampleur différente. Pour Pierre Balansat, cette hétérogénéité tient à l'incapacité des syndicats à rassembler les salariés. De son côté, Jean-François Jacquet estime qu'une grève dépend de multiples et subtils facteurs, qui peuvent être nationaux mais également locaux. Quant à Gilles Lécaille, il évoque, pour expliquer les spécificités du dialogue social local, le turn-over des RAP, et leur niveau d'expérience inégal d'un site à l'autre.

Lafarge ciments

> Secteur d'activité : matériaux de construction.

> Effectifs : 1 650 salariés.

> Implantations: 22 sites.

> Chiffre d'affaires : 938 millions d'euros en 2006.

Le dialogue social, parent pauvre des grandes écoles

t Au cours de leur cursus académique, les élèves de l'ENA, d'HEC et de l'«X» n'abordent pratiquement pas les questions du dialogue social, des relations sociales ou du syndicalisme. Ces futurs administrateurs, économistes et ingénieurs sont pourtant destinés à occuper de hautes responsabilités en entreprise ou dans la fonction publique. D'après les sites Internet d'HEC et de l'Ecole polytechnique, aucun des modules enseignés par ces deux écoles ne comporte les termes de «dialogue social». L'«X» aborde plutôt la question par le biais de la sociologie des organisations. HEC traite des partenaires sociaux en deuxième année, dans le cadre d'un cours sur la gestion des ressources humaines.

t Seuls les élèves de l'ENA peuvent effectivement suivre une formation dédiée au dialogue social. Il s'agit d'un module issu d'un partenariat récent (2006) avec l'Institut national des études territoriales, et apparemment limité au dialogue social dans les collectivités territoriales.

La DRH de Quick se charge des procédures disciplinaires

- Quick, enseigne de restauration rapide, emploie, en France, 6 000 salariés dans 80 restaurants gérés en direct, dont 3 sont de taille suffisante pour disposer d'un comité d'entreprise (CE). Les syndicats y sont peu implantés, sauf en région parisienne et à Marseille. La gestion des relations sociales incombe pour une partie aux directeurs de restaurant, et pour l'autre, à la DRH centrale. Aux premiers les relations individuelles, à la seconde les questions collectives. « Les directeurs disposent d'une délégation de pouvoir pour recruter, présider le CE et s'occuper des relations avec les délégués du personnel et les délégués syndicaux, mais ils doivent s'adresser à nous pour les questions collectives : salaires, maladies, accidents du travail et questions politiques », explique Christiane Dutray, la DRH. Ainsi, lorsque le CE d'un restaurant a demandé à disposer d'un site sur l'intranet de Quick, c'est la DRH qui a pris la décision de refuser, et non le directeur du restaurant.

t Afin d'aider ses directeurs à assumer leur part des relations sociales, la DRH leur ouvre ses lignes téléphoniques, leur fait parvenir une «lettre sociale» et les forme à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, à la gestion des temps ou au contrat de travail. « Cela a permis de minimiser les risques », déclare Christiane Dutray.

t Cependant, elle ne veut plus confier aux directeurs les procédures disciplinaires : « Lorsque cela était encore le cas, nous avons été confrontés à une augmentation du nombre d'actions prud'homales, perdues du fait que les directeurs n'avaient pas respecté les délais ou avaient infligé des sanctions disproportionnées. » Conséquence : toutes les lettres d'avertissement ou de licenciement doivent désormais être validées par la DRH.

Auteur

  • E. F.