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D'une époque à l'autre

Enquête | publié le : 29.05.2007 | E. F.

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D'une époque à l'autre

Crédit photo E. F.

Exemple rare de structuration du dialogue social ex nihilo, l'accord de SFR, signé en 2002, visait à développer un management et un syndicalisme socialement responsables. Cinq ans plus tard, dans un contexte économique difficile, l'accord demeure formellement, mais l'état d'esprit a changé.

En juin 2002, le groupe Cegetel, aujourd'hui SFR, signe un accord innovant sur le «développement du dialogue social», dont l'ambition est de structurer les relations sociales individuelles et collectives. A l'époque, l'entreprise n'a que cinq ans d'existence, mais elle est en pleine expansion, et emploie déjà 9 000 personnes, des salariés jeunes (30 ans en moyenne), sans grande expérience de la vie en entreprise et encore moins du dialogue social. Quant à la convention collective du secteur, elle a été créée moins de deux ans auparavant. Autant dire que le direction part de zéro.

Deux points d'appui

Afin que le dialogue social imprègne « tous les aspects de la vie de l'entreprise », comme le veut l'accord, ses signataires (les syndicats confédérés, sauf la CGT) comptent sur deux canaux : les représentants des salariés et les managers. Ces derniers sont concrètement associés au dialogue social à travers trois dispositifs principaux : l'Institut de formation sociale (IFS), qui doit permettre de faire progresser le niveau des connaissances économiques et sociales des représentants du personnel et des managers ; un système de «médiation» pour les litiges entre un salarié et son manager ; et une «lettre de mandat social», qui indique au manager quel salarié, dans son équipe, dispose d'un mandat, permet un suivi mensuel des heures de délégation, et rappelle les droits et les devoirs des uns et des autres.

Des moyens importants

Les organisations syndicales (OS) bénéficient, pour leur part, de moyens importants, à la fois humains (délégués centraux, adjoints, intermédiaires et de site, disposant chacun d'un crédit d'heures mutualisables), financiers (25 000 euros par OS) et matériels ; ainsi que de droits, relatifs, notamment, à la participation des délégués aux travaux de la branche et de leur fédération. Pour justifier cette générosité, Gérard Taponnat, à l'époque directeur des relations paritaires de Cegetel, aujourd'hui consultant, fait valoir que « la nature ayant horreur du vide, mieux vaut contribuer à l'émergence de syndicats structurés plutôt que de laisser la place à des coordinations ». « Les conflits durent plus longtemps là où la direction n'a pas d'interlocuteurs », constate-t-il.

Fin de cycle

Après cinq années de loyaux services, l'accord est parvenu à la fin d'un cycle. Les dispositifs à destination des managers, qui faisaient son originalité, sont aujourd'hui moins actifs. Gérard Taponnat, qui a quitté SFR en 2004, estime qu'ils ont permis « d'améliorer le climat social ». Il relève que « les 1 300 managers sont passés par l'Institut de formation sociale ». Son successeur, depuis 2004, à la direction des relations sociales, Patrick Célaudoux, ne le contredit pas, mais il en tire la conclusion que, « compte tenu de l'effort de formation consenti et du faible turn-over des effectifs, le besoin de formation aux relations sociales n'est plus aussi fort ». Selon lui, les managers estiment maintenant que « le dialogue social relève du domaine de la DRH » davantage que du leur. Aujourd'hui, l'IFS n'accueille pratiquement plus que les représentants du personnel.

Canaux classiques

Le système de médiation, qui devait faire du management le principal canal de remontée des revendications individuelles, semble être peu utilisé, selon Xavier Courtillat, délégué central CFDT, syndicat majoritaire. Les salariés préfèrent s'adresser à leur délégué du personnel. Les lettres de mandat sont toujours envoyées aux managers, même si Patrick Célaudoux admet qu'elles ont pris du retard après les récentes élections professionnelles.

Quant au volet syndical de l'accord, il a indéniablement permis le développement et la structuration des syndicats, et l'émergence de leaders. De ce point de vue, il a atteint son objectif. Mais dans un contexte économique beaucoup moins favorable depuis 2004, il n'est plus porté par l'état d'esprit partenarial des débuts.

Les relations entre les syndicats et la nouvelle direction des ressources humaines, en place depuis 2004, se sont tendues. Patrick Célaudoux n'hésite plus à pointer les « dérives » d'un « petit nombre » de syndicalistes : non-respect des délais de prévenance, dépassement du temps maximal passé à l'exercice de la fonction représentative (50 % du temps de travail selon l'accord), transfert des heures de délégation vers les suppléants.

Loin de l'esprit de l'accord

De leur côté, les syndicats accusent la direction d'avoir dévoyé l'esprit de l'accord. Vanessa Gereb, déléguée centrale Unsa, deuxième syndicat de SFR, lui reproche, notamment, de traiter différemment les syndicats selon qu'ils lui sont favorables ou non. L'époque du dialogue social « bon enfant », selon l'expression d'un syndicaliste, est terminée. Surtout depuis que SFR a annoncé, au cours d'une réunion du CCE, le 23 mai, le transfert de 1 900 salariés de trois de ses centres d'appel vers des sous-traitants... sans même l'avoir inscrit à l'ordre du jour.

SFR

> Secteur d'activité : télécommunications.

> Effectifs : 8 000 salariés en 2006.

> Chiffre d'affaires : 8,6 milliards d'euros en 2006.

Auteur

  • E. F.